Gary Bettman aurait voulu savoir avant. Mais le dossier a été enterré pendant 10 ans. Il ne peut maintenant que s’excuser et « regarder vers l’avant ».

Le commissaire de la LNH s’est adressé aux médias, lundi, à propos des allégations du joueur Kyle Beach, qui aurait été agressé sexuellement par l’ancien entraîneur vidéo des Blackhawks de Chicago Brad Aldrich, en 2010.

Beach, un réserviste à l’époque, a livré une entrevue émotive au journaliste de TSN Rick Westhead mercredi dernier, dévoilant du même coup son identité. Un rapport indépendant sur l’affaire, réalisé par la firme Jenner & Block et commandé par la LNH, ne le nommait alors que sous le pseudonyme « John Doe ».

Bettman a parlé à Beach, samedi. Il lui a dit être « désolé pour le traumatisme » qu’il a dû endurer. « Il a été courageux, particulièrement cette dernière semaine », a commenté le commissaire.

Comment en sommes-nous arrivés là ? L’incident est survenu en 2010, alors que les Blackhawks se préparaient pour la finale de la Coupe Stanley. Stan Bowman était directeur général. Joel Quenneville était entraîneur-chef. Ils ont été mis au courant, et une rencontre à l’interne, incluant d’autres membres de l’état-major, a eu lieu le 23 mai de cette année-là. La décision : on allait régler la question après les séries éliminatoires, pour ne pas nuire aux chances de l’équipe.

Bowman a démissionné mardi dernier, après le dévoilement du rapport. Joel Quenneville a quitté ses fonctions jeudi, après une rencontre avec Gary Bettman.

Sauf qu’un autre acteur était présent à cette rencontre. Kevin Cheveldayoff, adjoint au DG chez les Blackhawks en 2010 et aujourd’hui directeur général des Jets de Winnipeg, a survécu à l’hécatombe.

« Kevin était vraiment une figure mineure dans cette situation, a déclaré Bettman. […] En fonction de sa position et de son accès limité à l’information, en plus du fait qu’Aldrich avait subséquemment quitté l’organisation, il pensait que le problème avait été résolu par ses patrons. »

« Lors de l’enquête [de Jenner & Block], la seule personne qui se rappelle que Kevin était là, c’est Kevin. Tous les autres ont oublié ou ne pensaient même pas qu’il était présent. Il était avec les Blackhawks depuis neuf mois, il était adjoint au directeur général, avec des responsabilités limitées. […] Il n’avait aucune raison de croire qu’il ne se passait pas que de bonnes choses. »

Brad Aldrich a démissionné de son poste par la suite, mais il a quand même eu le temps de voir son nom gravé sur la Coupe Stanley. Il a été embauché par la Fédération américaine de hockey. En 2013, il a été arrêté, puis a plaidé coupable à des agressions sur un mineur au Michigan. La décision des Blackhawks de ne pas enquêter sur Aldrich venait donc peser encore plus lourd dans la balance.

Bettman a dit avoir offert de l’aide à Kyle Beach et à sa famille pour « aussi longtemps qu’ils en auront besoin ». Mais qu’en est-il de l’autre victime répertoriée de Brad Aldrich ?

« Il faudrait que j’en sache plus sur cette situation, a réagi le commissaire. Je suis plus concentré sur les circonstances devant nous et qui se sont produites dans l’environnement de la LNH. Mais je n’écarterais pas la possibilité [d’offrir de l’aide]. »

Un autre élément d’information qui est ressorti de cette conférence de presse : la LNH avait été avisée par les avocats des Blackhawks en décembre dernier qu’une plainte – qui s’avérera celle de Kyle Beach – allait tomber. Elle avait jugé à l’époque qu’elle n’avait pas le « mérite » d’être étudiée. Mais la note reçue en décembre n’avait pas du tout la même teneur que la plainte qui est finalement tombée en mai dernier, selon Gary Bettman.

« Ce que le club pensait qu’il nous disait avant le dépôt de la plainte, et ce qui est finalement ressorti de l’enquête, ce n’était pas du tout la même chose. »

Et maintenant ?

Gary Bettman assure que la LNH veut « utiliser toutes ses ressources pour s’engager dans un effort mondial visant à créer un réseau d’organisations » pouvant répondre aux besoins de la communauté hockey.

« Où que vous soyez dans l’écosystème hockey, chez les mineurs, dans le junior majeur, au collège, au niveau amateur, au hockey masculin autant que féminin, il est important que tout le monde ait accès à de l’aide. »

La ligue veut engager des professionnels pour « évaluer » ce qu’elle fait, « non seulement pour s’assurer que c’est adéquat, mais aussi pour que ce soit de la meilleure qualité ».

Le commissaire adjoint Bill Daly, aussi présent à la conférence de presse, a renchéri.

« Depuis deux ans et demi, lorsque la situation avec Bill Peters est survenue, nous avons introduit une culture du signalement dans laquelle il n’y a aucun doute que les clubs doivent nous rapporter régulièrement s’il y a des comportements inappropriés au sein de leur organisation. »

Daly affirme par ailleurs que l’enquête au sujet de Peters, qui avait été accusé d’avoir proféré des insultes racistes envers le joueur Akim Aliu en 2019, est « terminée ». « On est en contact avec les représentants à propos des prochaines étapes dans ce dossier. »

Information que réfute le représentant d’Akim Aliu, Ben Meiselas.

« La LNH n’a pas été en contact avec nous depuis plus d’un an, a-t-il déclaré sur Twitter. De plus, l’enquête portait sur les enjeux plus généraux du racisme vécu par Akim au cours de sa carrière, pas seulement sur les agissements de Bill Peters. »

Au sujet d’une politique sur les agressions sexuelles, Bettman croit qu’il faut « juger au cas par cas ». « On doit imposer une peine qui est conforme aux faits et aux circonstances », ajoute-t-il.

Le commissaire de la ligue essaie malgré tout de trouver du positif dans ce terrain marécageux.

« Si cette situation horrible peut servir au minimum à des fins constructives, ce serait de démontrer que ça ne sera pas toléré. Si vous avez un problème dans votre organisation et que vous êtes en position d’autorité, vous avez intérêt à le gérer et à ne pas le négliger. Parce qu’il y aura des conséquences. »

Aux partisans qui se sentent « déçus, horrifiés par ce qui s’est passé », Bettman dit avoir été « le plus transparent possible ».

« Si j’avais su ce qui s’était passé [à l’époque], tout cela aurait été géré différemment. Mais nous ne le savions pas. »

« Nous serons jugés sur ce que nous ferons à l’avenir. »