« Je suis beaucoup plus heureux que je ne l’étais », raconte Luke Prokop au bout du fil. Des frissons nous chatouillent les bras.

C’est que l’espoir canadien des Predators de Nashville, qui a révélé publiquement son homosexualité en juillet dernier, n’a que de bonnes nouvelles à nous communiquer.

« Je me sens comme avant [mon coming-out], sauf peut-être que je suis plus en confiance. Mes entraîneurs et mes coéquipiers pourraient vous dire qu’ils ont remarqué un changement dans la façon dont je me comporte », dit-il.

Je suis plus à l’aise avec moi-même à l’aréna. Ça a fait des merveilles sur mon jeu sur la patinoire jusqu’à présent cette saison.

Luke Prokop

L’organisme Jeunesse J’écoute pourra se réjouir de son jeu inspiré : le défenseur des Oil Kings d’Edmonton, récemment acquis des Hitmen de Calgary, a annoncé vendredi une entente avec le service d’intervention par téléphone. Il y versera 10 $ pour chacun de ses tirs au but cette saison.

Selon ses « vagues estimations », il pourrait obtenir en moyenne quatre tirs au but par match, « ce qui donnerait quelque chose comme 3000 $ » à la fin de l’année. Les fondations des Predators et des Oil Kings vont égaler la mise.

Celui qui joue maintenant dans sa ville natale comptabilise déjà 26 tirs en 9 matchs. Quatre d’entre eux se sont matérialisés en buts, dont trois en six matchs dans son nouvel uniforme des Oil Kings.

« J’ai toujours été plus porté vers la passe dans ma carrière, souligne le jeune espoir. Ça me donne une raison de tirer plus souvent au but, et j’aime beaucoup ça. »

« Mes coéquipiers vont maintenant savoir où la rondelle s’en va, ajoute-t-il, le sourire dans la voix. S’ils veulent marquer, ils peuvent se rendre au filet et s’emparer des retours. »

PHOTO TIRÉE DU COMPTE TWITTER @WHLHITMEN

Luke Prokop dans l’uniforme des Hitmen de Calgary

Beaucoup de soutien

Sa révélation avait fait les manchettes l’été dernier. « Je n’ai plus peur de montrer qui je suis, écrivait-il le 19 juillet 2021, sur Twitter. Aujourd’hui, je suis fier d’annoncer publiquement que je suis gai. […] Je rêve d’être un joueur de la LNH depuis que je suis jeune, et je crois que vivre ma vie de façon authentique me permettra d’apporter tout mon être sur la patinoire, ce qui améliorera mes chances de réaliser mes rêves. »

S’en était suivie une pluie de messages de soutien. Don Fehr, directeur de l’association des joueurs de la LNH, avait salué sa décision. L’organisation des Predators aussi. Même le commissaire de la ligue, Gary Bettman, l’avait félicité « pour son courage et pour avoir fait part de sa vérité ».

Luke Prokop a approché Jeunesse J’écoute (« Kids Help Phone », en anglais) lui-même en début de saison. Avec sa nouvelle « plateforme », c’était le bon moment, selon lui.

Mais pourquoi cet organisme en particulier ?

J’ai côtoyé des gens qui ont eu besoin d’aide pour leur santé mentale, mais qui ne voulaient pas consulter de thérapeute. La ligne téléphonique est tellement accessible. Tu peux l’utiliser de chez toi. De nos jours, les gens sont de plus en plus à l’aise de parler ouvertement de santé mentale. Je trouvais que c’était une bonne idée de souligner leur travail et de montrer qu’il y a des services qui peuvent vous aider, si vous en avez besoin.

Luke Prokop

Prokop cite en exemple Robin Lehner et Mark Borowiecki, deux joueurs de la LNH qui ne se sont pas gênés pour faire partager publiquement leurs enjeux. Il révèle d’ailleurs être « devenu un bon ami » de Borowiecki, lui qui fait aussi partie de l’organisation des Predators.

« Beaucoup de gens vivent avec ça, mais ont peur d’en parler. La société a tellement évolué sur ce plan. Au hockey aussi. […] Ça fait beaucoup de bien à ce sport. »

« Le hockey a changé »

Luke Prokop est un pionnier. S’il atteint un jour la LNH, il pourrait devenir le premier joueur actif à y participer en ayant affirmé publiquement son homosexualité.

Le hockey en a donc fait, du chemin. Encore la semaine dernière, on apprenait que Kyle Beach, joueur qui aurait été agressé sexuellement par l’entraîneur vidéo des Blackhawks de Chicago au printemps 2010, avait été la cible de moqueries homophobes lors du camp d’entraînement suivant.

Tout ce qui s’est passé avec Kyle est extrêmement bouleversant. C’est bien que ce soit porté à la lumière du jour. J’espère qu’il pourra trouver du réconfort avec la possibilité que ce soit réglé bientôt.

Luke Prokop

« Ça fait 10 ans. Je crois que le hockey a pas mal changé depuis cette époque. J’en ai entendu, des moqueries homophobes à mon endroit dans le vestiaire et sur la glace. Mais il y a aussi eu des gens qui sont venus me voir pour s’excuser. »

Il parle entre autres de messages reçus de la part d’« innombrables » coéquipiers chez les Hitmen de Calgary, son équipe au moment de sa révélation. « Je ne crois pas que j’aurais reçu ces messages il y a 10 ans », raconte-t-il d’une voix plus mature que ses 19 ans ne pourraient laisser supposer.

« Je n’ai reçu aucune insulte homophobe depuis que j’ai fait mon coming-out, ajoute Prokop. Je n’ai eu que des félicitations, des “je suis fier de toi”. Que ce soit de la part d’adversaires sur la glace, de partisans des autres équipes ou d’entraîneurs adverses. Ç’a été incroyable, la façon dont la communauté hockey a changé. »

« Les gens font attention à ce qu’ils disent maintenant. Il y a d’autres joueurs gais dans le monde, et ils le savent. »