« Je ne sais pas. »

Ce n’est plus seulement l’une des répliques les plus célèbres à la commission Charbonneau. C’est aussi ce que Corey Perry et Joel Armia avaient à répondre, le regard vide, pour expliquer pourquoi leur équipe avait gâché un bon départ pour la troisième fois en trois matchs.

Pour la troisième fois, donc, le CH était la meilleure formation sur la glace au sortir des blocs et a marqué le premier but de la rencontre. Pour la troisième fois, il a perdu son avance. Et pour la deuxième fois dans l’intervalle, il s’est incliné, cette fois par la marque de 4 à 2 aux mains des Maple Leafs de Toronto.

« J’aimerais avoir la réponse », a avoué Perry. « On va regarder des vidéos », a promis Josh Anderson.

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Josh Anderson (17), Joel Armia (40), Artturi Lehkonen (62) et Tyler Toffoli (73)

Bonne idée, car ça commence drôlement à ressembler à un mauvais pli. Un mauvais pli qui confère au Canadien une fiche de 3-3 à ses six derniers matchs, après avoir marché sur les eaux à ses sept premiers (5-0-2).

Dans leurs prises de parole depuis le début de la saison, les joueurs du Tricolore et leurs entraîneurs ont sans cesse mis l’accent sur l’importance de limiter « le temps et l’espace » à la disposition de l’adversaire. À ce compte, on peut dire mission partiellement accomplie contre les Leafs.

L’irrésistible avantage numérique torontois a été réduit au silence. À cinq contre cinq, le trio piloté par Phillip Danault a fait du bon boulot pour contenir Auston Matthews et Mitch Marner, à l’instar de l’unité de Suzuki, chargée de composer avec John Tavares et William Nylander.

Or, deux embûches majeures sont apparues sur le chemin du Tricolore. D’abord, les Leafs avaient habillé 18 patineurs, et non pas quatre. Et ensuite, parfois, au hockey, on se retrouve à quatre contre quatre.

Sur ce dernier point, on peut parler d’un échec cuisant dans le camp des locaux. En fin de deuxième période, le quatuor composé de Danault, Brendan Gallagher, Ben Chiarot et Shea Weber a été tenu prisonnier dans sa zone pendant une longue minute et demie à quatre contre quatre. À quatre reprises – Claude Julien l’a souligné lui-même –, un joueur en rouge s’est retrouvé en possession de la rondelle, mais il a été incapable de s’en débarrasser de manière appropriée. La séquence s’est terminée par le but du prolifique Travis Dermott, son 10e dans la LNH à son 167e match.

On vous épargne l’entracte, mais ça n’a pas été plus beau au retour. Alors qu’on jouait de nouveau avec un homme en moins de chaque côté, Tyler Toffoli et Jeff Petry ont décidé d’accorder toute leur attention à John Tavares, qui a alors remis la rondelle à Justin Holl, lui aussi un sacré marqueur, qui a inscrit son 5e but dans la LNH, à son 95e match.

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Justin Holl (3) célèbre son but avec ses coéquipiers.

Figés

C’est ici qu’il est bon de se rappeler la théorie de la relativité restreinte, qui explique pourquoi le temps s’écoule de manière différente dans l’espace selon la vitesse à laquelle les corps se déplacent. Tous les joueurs du Canadien ont semblé se figer lorsque Holl a reçu le disque. Et il s’est écoulé une éternité avant qu’il ne décoche un violent tir frappé qui n’a laissé aucune chance à Carey Price.

À quatre contre quatre, « la communication est la chose la plus importante », a analysé Josh Anderson. « Il faut laisser savoir à tes coéquipiers où tu te trouves sur la glace. »

Ce n’est pas drôle. Mais c’est vrai.

« Si on fait du bon travail contre certains joueurs, il faut faire du bon travail contre tout le monde », a tranché Julien en commentant la couverture défensive sélective de ses hommes. On pourrait aussi faire un petit coucou, ici, à Brett Kulak, qui a laissé Ilya Mikheyev marquer sous ses yeux le troisième but des Leafs.

Pour le Russe comme pour ses deux coéquipiers, il s’agissait du premier but de la saison.

« On a fait des erreurs qui nous ont coûté le match, a encore dit Julien. Et Toronto a une équipe qui te fait payer ce genre d’erreurs. »

On peut déjà se préparer aux clichés de circonstance sur l’importance d’oublier le dernier match et de passer au suivant, car le Canadien remet ça dès ce jeudi soir contre les Oilers d’Edmonton.

Et comme Corey Perry l’a résumé, il faudra cette fois « arrêter leurs gros bonshommes [big boys] », les bien nommés Connor McDavid et Leon Draisaitl, respectivement premier et deuxième compteur de la LNH.

Ce sera aussi l’occasion de réviser le plan de gestion du temps et de l’espace. Car s’il y a deux joueurs qui savent quoi en faire, c’est bien ceux-là. Et ils ne demandent pas mieux que d’en profiter.

En hausse

Nick Suzuki

Son trio a été, de loin, le plus menaçant du Canadien pendant tout le match. Impeccable en infériorité numérique.

En baisse

Joel Edmundson

Un de ces soirs où ça allait un peu trop vite pour lui. Trois revirements et de multiples maladresses.

Le chiffre du match

33 %

C’est le pourcentage de succès de Phillip Danault (4 en 12) au cercle de mise en jeu, lui qui est pourtant le spécialiste en la matière chez le CH.

Ils ont dit

C’est plus les erreurs qui nous ont fait mal… Le but qu’ils ont marqué à quatre joueurs contre quatre, à quatre reprises, on avait la rondelle et on leur a redonné. Ils ont terminé la deuxième période en force et en début de troisième période, ce fut la même chose, des erreurs coûteuses de notre part. Une équipe comme Toronto, quand tu fais ces erreurs-là, ils te le font payer.

Claude Julien

C’est bien de voir cette confiance qui nous habite. Et ce fut aussi une grosse victoire pour nous je crois. Les premières 10 minutes, nous avons attendu que la tempête passe, ils ont une bonne équipe de l’autre côté, mais c’est la preuve aussi que nous avons joué un bon match. On a su se replacer et aller chercher des gros buts.

Auston Matthews

Je crois on a vu plus d’intensité, que le jeu était plus rapide. Il y a des hauts et des bas cette saison, mais il faut savoir composer avec ça.

Corey Perry

Je me sentais bien. Je me suis surpris de constater jusqu’à quel point je me sentais bien. Mes jambes bougeaient, les batailles le long des rampes ça allait, je me sentais bien de manière générale.

Joel Armia

Je pense qu’on a bien commencé le match, on était physiques en défense et on surveillait étroitement leurs meilleurs joueurs. Mais encore une fois, il nous a manqué un petit quelque chose. Ça va être une longue saison contre ces gars-là, mais il reste encore bien des matchs à disputer.

Josh Anderson

Dans le détail

Tavares et la douleur

La scène avait un petit quelque chose de pas super chic, lors de la deuxième période : Shea Weber qui tente de toucher à la rondelle, mais qui touche au visage de John Tavares avec son bâton à la place, et qui, en chutant, enfonce la tête de ce dernier dans la glace. Le coup n’a pas été puni, mais Tavares a été vu avec le visage en sang avant de rentrer au vestiaire, manifestement en douleur. Il est revenu par la suite, et en fin de compte, il a conclu sa soirée de travail avec deux passes, ce qui n’est quand même pas si mal pour un gars qui semblait presque mort sur la glace juste quelques instants auparavant. « Ce fut un jeu rapide qui s’est déroulé très rapidement, face à (Shea) Weber je crois, qui est un gros gars. Sur le coup, je ne savais pas si j’avais subi une coupure, mais j’ai eu à passer le protocole (sur les commotions cérébrales) et ça allait. En ce qui concerne l’équipe, c’est une belle victoire face à un adversaire qui est fort tenace et qui n’est pas facile à affronter. » — Richard Labbé


Byron laissé de côté

Avec le retour au jeu de Joel Armia, et aussi parce que parfois, il y a des joueurs qui doivent bien céder leur place, il fallait s’attendre à ce que quelqu’un écope, et puis cette fois, c’est Paul Byron qui a écopé. Ainsi, le petit attaquant a été laissé de côté mercredi soir au Centre Bell, un premier congé forcé pour lui cette saison. « Il n’y a pas toujours besoin d’avoir une raison pour expliquer ce genre de décision, a répondu Claude Julien. Nous avons des joueurs en plus et on pensait que c’était important d’avoir Corey Perry dans la formation, entre autres pour sa présence avec notre unité en avantage numérique. Ça ne veut pas dire que Paul Byron sera hors de la formation pour toujours. Avec le retour au jeu d’Armia, ça prenait quelqu’un pour sortir de la formation tout simplement. » Claude Julien a toutefois conclu en précisant que Byron n’est pas au sommet de sa forme en ce moment. « Il est capable de jouer, mais il n’est pas à 100 % », a ajouté l’entraîneur. — Richard Labbé

Andersen et l’amnésie sélective

La soirée avait bien mal commencé pour Frederik Andersen. La Zamboni avait à peine quitté la glace que le gardien des Maple Leafs se retrouvait déjà avec une rondelle derrière lui, un premier but accordé sur le premier tir contre lui, et s’il y avait eu du monde dans les gradins pour scander son nom de manière dérisoire, c’est en plein ce qui serait arrivé. Mais non. À la place, le gardien s’est bien replacé, et il a fini la soirée avec un total de 33 arrêts sur 35 tirs. « Oui, ils ont marqué sur le premier tir de la soirée, un but rapide, mais en tant que gardien, tu ne peux pas te laisser déranger par quelque chose comme ça… Tu dois être capable de passer rapidement à autre chose, à savoir tourner la page. C’est une habileté qu’il faut conserver tout le temps en tant que gardien, et c’est ce que j’ai fait ici. » — Richard Labbé