Ne soupçonnez pas les réglages de votre téléviseur ou une mauvaise fréquence radio si vous entendez la présentation des joueurs et des buts en français ce vendredi à Pittsburgh pendant la visite du Canadien.

Dans le cadre d’une soirée thématique consacrée à la langue de Molière, organisée conjointement avec une société de développement de logiciel d’apprentissage linguistique, l’organisation souhaite notamment rendre hommage à la relation de longue date qui existe entre les Penguins et les joueurs francophones. Et pour l’occasion, la chaude voix de Maxime Talbot résonnera dans l’aréna, puisque le Québécois s’improvisera annonceur maison le temps d’un match.

« L’histoire du club est parsemée de joueurs francophones, que ce soit Jean Pronovost, Mario Lemieux, Kristopher Letang, Pascal Dupuis… [Les Penguins] voulaient souligner ça et m’ont demandé de donner un coup de main. Je vais essayer ça ! », lance l’ancien joueur devenu animateur et agent.

Il est vrai que depuis l’arrivée d’une franchise de la LNH dans la ville de l’acier, en 1967, non seulement les représentants de la Belle Province y ont été nombreux, mais le rôle qu’ils y ont joué a aussi été déterminant.

Pronovost a passé 10 saisons dans l’uniforme bleu poudre des années 60 et 70 et est devenu le premier marqueur de 50 buts de la jeune histoire de l’organisation. Pierre Larouche a été le premier à franchir la barre des 100 points en une saison. Et celui qui a transformé le visage de l’équipe dans les années 80, Mario Lemieux, se passe évidemment de présentations.

PHOTO PIERRE LALUMIÈRE, ARCHIVES LA PRESSE

Mario Lemieux en 1988

Mais le phénomène a résisté à l’épreuve du temps, et ce, même si la proportion de joueurs d’ici dans le circuit a naturellement diminué avec l’arrivée massive d’Européens. Ainsi, pas moins de huit Québécois ont gravé leur nom sur la coupe Stanley après la conquête de 2009 : le propriétaire Mario Lemieux, l’entraîneur des gardiens Gilles Meloche ainsi que les joueurs Philippe Boucher, Pascal Dupuis, Marc-André Fleury, Mathieu Garon, Kristopher Letang et Maxime Talbot.

Pendant son passage chez les Penguins, de 2005 à 2011, Talbot n’a pas manqué d’interlocuteurs francophones dans le vestiaire. À la liste des membres de l’équipe championne de 2009, ajoutons les Sébastien Caron, Guillaume Lefebvre, Michel Ouellet, Georges Laraque, Alain Nasreddine, André Roy, Dany Sabourin et Jocelyn Thibault. En plus de l’entraîneur Michel Therrien et de son adjoint André Savard, qui ont été en poste de 2005 à 2009.

C’est notamment à la suite d’une demande de Therrien, en 2007, qu’a été acquis Laraque, qui avait joué sous ses ordres chez les Prédateurs de Granby dans la LHJMQ. Autrement, les personnes interrogées dans le cadre de ce reportage ne croient pas en un préjugé favorable systémique dans l’organisation… sauf peut-être au repêchage.

Repêchages fructueux

En effet, ce sont probablement les recruteurs qui ont eu le plus de poids dans l’ajout de Québécois au sein de l’équipe, estime Gilles Meloche. Après avoir accroché ses jambières, il est devenu recruteur amateur au Québec pour les Penguins, en plus d’occuper les fonctions d’entraîneur des gardiens pendant quelques années.

Au cours de l’hiver 2003, « j’ai dû aller 10 fois au Cap-Breton pour aller voir jouer Marc-André Fleury », raconte-t-il au téléphone de la Floride, région où il fait désormais du recrutement professionnel, toujours pour le compte des Penguins.

Depuis le départ de Tom Barrasso, l’équipe avait jonglé avec toutes sortes de gardiens, souvent avec des résultats mitigés. Mais au-delà de ce vide à combler, c’est l’influence de Meloche qui a fait pencher la balance en faveur de Fleury, et ce, alors que la cohorte du repêchage de 2003 demeure à ce jour l’une des plus relevées des dernières décennies.

La direction a même procédé à une transaction avec les Panthers de la Floride, détenteurs du tout premier choix, pour avancer de deux rangs et sélectionner le natif de Sorel.

Je l’avais suivi toute l’année. Je leur ai dit que ça valait la peine, et ça a marché.

Gilles Meloche

L’un de ses autres bons coups : Maxime Talbot (encore lui !), sélectionné en 8e ronde (234e au total) en 2002. Mine de rien, ses 704 matchs joués dans la LNH le placent au 17e rang des joueurs choisis cette année-là.

« C’est certain qu’on en tire de la fierté », estime Gilles Meloche, qui vante par ailleurs le travail de l’actuel recruteur des Penguins au Québec, Luc Gauthier.

Ce dernier, visiblement, sait lui aussi se faire entendre à la table des décideurs. Depuis 2009, les Penguins ont arrêté quatre fois leur première sélection sur un joueur de la LHJMQ. Au dernier encan de la LNH, ce sont deux Québécois, Samuel Poulin (24e) et Nathan Légaré (74e), qui ont été les premiers joueurs à enfiler le chandail noir et jaune de l’équipe de Sidney Crosby.

Bref, la présence des Québécois dans le vestiaire de Pittsburgh ne date pas d’hier. Elle semble là pour de bon, et le clin d’œil en français de ce vendredi soir en sera une heureuse célébration.

C’est donc sans hésiter que Maxime Talbot, désigné « ambassadeur » officiel de l’évènement, a accepté d’y prêter sa voix pour toutes les interventions au micro de la soirée… à l’exception des hymnes nationaux.

« J’aurais bien trop peur que les gens quittent l’aréna ! », s’esclaffe-t-il.

On le croit sur parole.