La vie fait parfois bien les choses. Toute leur vie, Blake Biondi et Jack Smith ont été opposés, dans les écoles secondaires du Minnesota. Le premier jouait à Hermantown, près du lac Supérieur. Le deuxième jouait à St. Cloud, localité située en plein cœur de l’État.

Voilà que, grâce en partie au Canadien, ils pourraient être coéquipiers pendant des années.

Smith et Biondi ont été réclamés respectivement aux 102e et 109e rangs par le Tricolore au dernier repêchage. Cette saison, Smith joue à Sioux Falls, en USHL, tandis que Biondi amorce sa carrière universitaire à Minnesota-Duluth. Mais la saison prochaine, Smith rejoindra Biondi sur les bancs d’école, et les deux auront alors le même but : obtenir un contrat de la part du CH.

« On a grandi en jouant l’un contre l’autre toute notre carrière, résume le très loquace Biondi, en entrevue avec La Presse. On s’affrontait chaque année au secondaire, en été aussi, et on se croisait dans des camps d’essai du programme national de développement. »

« C’est un assez bon ami, renchérit Smith, un jeune homme pas mal plus réservé en entrevue. On s’est affrontés toute notre vie, et on est des gars assez compétitifs. Les deux, on aime la victoire. »

Réseau mal-aimé

Les écoles secondaires du Minnesota sont associées, chez les partisans du Canadien, à deux traumatismes, pour des raisons bien différentes.

Le premier traumatisme, c’est Ryan McDonagh. Repêché au 12e rang par Montréal en 2007, il compte aujourd’hui 662 matchs derrière la cravate et une bague de la Coupe Stanley au doigt. Probablement le plus beau cadeau du Québec à New York depuis Rodrigue Gilbert et Jean Ratelle.

Le deuxième traumatisme, c’est David Fischer. Lui aussi repêché au 1er tour (20e au total) par le Canadien. Mais il n’a joué que deux matchs dans la Ligue américaine, aucun dans la LNH, et a été choisi deux rangs avant Claude Giroux.

On pourrait ajouter le nom de Danny Kristo, un choix tardif de 2e tour.

Plus récemment, Montréal s’est de nouveau tourné vers le réseau scolaire du Minnesota en repêchant Ryan Poehling au 1er tour. Poehling était à l’université quand il a été réclamé, mais il est un produit des écoles secondaires du Minnesota. Et en 2019, Trevor Timmins a sélectionné Rhett Pitlick au 5e tour, avant d’y aller avec Smith et Biondi cet automne.

Bref, l’histoire entre le réseau scolaire du Minnesota et le CH n’est pas jolie…

PHOTO FOURNIE PAR LES LUMBERJACKS DE MUSKEGON

Rhett Pitlick

Un système productif

Cela dit, le réseau scolaire du Minnesota demeure un bon système, d’où émergent une panoplie de joueurs d’impact. Blake Wheeler, Brock Nelson, Brock Boeser, Anders Lee, Nate Schmidt et Brady Skjei sont tous passés par là. Une jolie liste pour un État peuplé de 5,6 millions d’habitants.

Année après année, le Minnesota envoie plus de joueurs que tout autre État dans la LNH. En 2018-2019, ils étaient 57, loin devant les 41 joueurs du Michigan, et les distances relativement courtes entre les clubs y sont pour quelque chose.

« Le modèle permet aux jeunes de rester à la maison jusqu’à la fin du secondaire. Les coûts sont faibles et le voyagement est minime, rappelle Mike Snee, directeur de College Hockey Inc., un site d’information et de promotion du hockey universitaire américain.

« Les joueurs de la région de Minneapolis ont entre 5 et 15 milles de route à faire pour jouer à l’extérieur. Pour les joueurs dans le nord de l’État, ça peut être 60 milles. Bref, si votre enfant de 14 ans a un match à 10 h le samedi matin, vous avez de très bonnes chances d’être à la maison pour le dîner. »

Le volume de joueurs fait aussi en sorte que le réseau scolaire est principalement public, même si la prestigieuse école privée Shattuck-St. Mary’s retient l’attention. Snee estime à 2000 $ le coût d’une saison dans l’association locale de hockey, et une fois au secondaire, « l’école assume 90 % de cette facture », rappelle-t-il.

Un championnat prestigieux

Le hockey scolaire du Minnesota est d’ailleurs entouré d’une aura assez unique. La finale du championnat de l’État se déroule chaque année au Xcel Energy Center, domicile du Wild. Smith a même gagné ce tournoi en 2019, avec l’école Cathedral, de St. Cloud.

Smith, Biondi et Pitlick nous ont tous confirmé avoir prolongé d’un an leur séjour à l’école secondaire, surtout en raison de ce tournoi, même s’ils auraient pu tenter leur chance plus tôt dans la USHL, à un niveau supérieur.

Je suis resté parce qu’on avait gagné le tournoi, et avec mes amis, on s’est dit qu’on essaierait de le gagner de nouveau. C’est gros… Tu sors du tunnel, il y a 10 000 ou 15 000 personnes qui te regardent pour du hockey scolaire !

Jack Smith

L’attrait du réseau scolaire est manifeste. Biondi, par exemple, montrait déjà des statistiques spectaculaires en 2018-2019 : 28 buts, 27 passes en 25 matchs. Puis, la saison dernière : 37 buts, 39 passes, en 25 matchs. Smith et Pitlick présentaient des statistiques tout aussi ahurissantes.

N’aurait-il pas été mieux de passer au niveau supérieur, contre des joueurs plus vieux, plutôt que de dominer une année de plus à l’école secondaire ?

« Il n’y a aucun problème avec ça ! tranche Mike MacMillan, directeur de l’Association des entraîneurs de hockey du Minnesota. Ils sont sur la patinoire six jours par semaine. D’un point de vue de développement, c’est encore une très bonne option. En ajoutant les séries et les ligues de printemps et d’été, les joueurs disputent entre 50 et 60 matchs dans une année. On a créé une structure qui permet un développement complet s’ils veulent compléter leur parcours au secondaire. »

Alors oui, il y a du bon dans ce système, visiblement. Reste seulement à voir si le Canadien finira par en tirer des bénéfices !