Après avoir ordonné une charge contre le gardien de l'équipe adverse, l'entraîneur québécois Richard Martel n'a pas seulement été désavoué par le hockey français et rejeté par l'équipe qu'il dirigeait: il l'aurait aussi été par ses propres joueurs.

Écoeurés par ce qu'ils venaient de voir, les hockeyeurs de Grenoble ont même refusé que leur entraîneur revienne dans le vestiaire après le match de mercredi dernier. Martel aurait dû rentrer seul de Dijon.

Dans une entrevue accordée à La Presse, le président de la Fédération française de hockey sur glace (FFHG) a tenu à dénoncer encore une fois «une action qui n'est pas dans la culture du hockey français».

La semaine dernière, dans un match des séries contre les Ducs de Dijon, Martel aurait ordonné à un jeune joueur de s'attaquer au gardien adverse. Son équipe perdait 6-2 et il restait 33 secondes au match. Martel a depuis été congédié par les Brûleurs de loups de Grenoble. Son geste a soulevé un tollé dans le hockey français.

«On voit le joueur qui s'en va directement sur le gardien. On ne savait pas s'il y avait eu consigne. Mais le jeune nous a dit: "On me l'a dit", a expliqué Luc Tardif, le Franco-Québécois à la tête de la FFHG. Les autres joueurs de Grenoble aussi l'ont confirmé.»

«Les joueurs de Grenoble ont eu un phénomène de rejet à la suite de ces consignes. En gros, les joueurs ont protesté contre le fait qu'on envoie un jeune comme ça un peu à l'abattoir, a ajouté M. Tardif. Parce qu'en plus, il en a ramassé une. Ça s'est passé à 33 secondes de la fin. L'entraîneur n'a pas pu revenir dans le vestiaire après le match et il a fallu qu'il revienne de Dijon tout seul.»

Ces informations jettent un nouvel éclairage sur la décision des Brûleurs de loups de congédier Martel au lendemain des événements, jeudi dernier, en pleines séries. L'entraîneur québécois aurait manifestement «perdu son vestiaire», comme le veut l'expression.

Malgré plusieurs appels, il a été impossible de parler à Martel dans les derniers jours. L'homme de hockey garde le silence depuis son congédiement.

Une différence de culture

L'entraîneur de 53 ans est entré en poste avec Grenoble cette saison, après un bref passage dans la troisième division suédoise. Martel a passé la presque totalité de sa carrière dans la LHJMQ, où il a dirigé des équipes pendant 18 saisons.

Les réactions du hockey français au geste de Martel illustrent les différences de culture notoires entre le hockey junior majeur québécois et celui pratiqué en Europe. Lorsque Patrick Roy s'est fait reprocher d'avoir envoyé son fils Jonathan attaquer Bobby Nadeau, il a été suspendu pour 5 matchs, mais il a conservé son poste à la tête des Remparts. Cet événement s'était par ailleurs produit contre les Saguenéens de Richard Martel.

«Il [Martel] a ordonné à son jeune joueur d'attaquer notre gardien, et alors que la rondelle n'était même pas à proximité de lui, a déploré l'entraîneur de Dijon, Jarmo Tolvanen, en entrevue à un journal français. Richard Martel a déjà été impliqué dans ce genre d'incidents dans le hockey junior canadien et, malheureusement, il a apporté cela en Ligue Magnus.»

L'incident est maintenant étudié par la Fédération elle-même. Une audience aura lieu d'ici le printemps, et il sera intéressant de voir si Martel s'y présentera. L'entraîneur, en plus de perdre son poste à Grenoble, pourrait être suspendu par la Ligue Magnus.

Pas ce type de spectacle

«C'était une première et on souhaite que ce soit une dernière. On ne veut pas favoriser ce type de spectacle, a insisté le président de la fédération française, Luc Tardif. Nous, en France, on est en compétition avec beaucoup d'autres sports. Quand les familles choisissent un sport pour leur enfant, elles pensent à la sécurité.»

«En Europe, en gros, ce n'est pas bien, la bagarre. La clientèle est très, très familiale. Les familles viennent au hockey parce qu'en gros le spectateur se tient bien, qu'il n'y a pas trop d'insultes, de bagarres, a ajouté Luc Tardif. Le hockey a une bonne réputation par rapport au soccer où, dans les gradins, c'est parfois explosif. Nous, on veut garder cette richesse et des événements comme ça, c'est pas terrible.»

Après le congédiement de Martel, Grenoble s'est incliné dans le cinquième et ultime match de la série. L'entraîneur québécois avait fait tout un tabac depuis son arrivée avec l'équipe. Les Brûleurs de loups ont mis fin cette saison à une disette de 4 ans en remportant un trophée en Coupe de la Ligue. L'équipe a terminé la saison tout en haut du classement.

«Jusqu'à cet événement, je n'avais rien à dire contre lui. Il a fait un bon boulot. L'équipe de Grenoble, ça fait 3 ans que ça ne marche pas trop, a précisé Luc Tardif. Il a peut-être regretté son geste, je ne sais pas. En tout cas, il a sûrement été surpris des réactions, incluant celles dans son propre club.»

«Cette réaction du club de Grenoble, quelque part, je trouve ça rassurant, a indiqué le président de la FFHG. C'est une action qui n'est pas dans la culture du hockey français à l'heure actuelle et leur décision est quand même rassurante.»