Les haut-parleurs crachaient For Whom The Bell Tolls de Metallica devant le Centre Bell hier, une heure avant le match. La chanson éveillait sûrement quelques fantasmes de violence chez les centaines de fans qui rêvaient que les Glorieux ajoutent un troisième clou au cercueil des Penguins.

L'avenue des Canadiens-de-Montréal était encore remplie de partisans, un peu moins fébriles que lors des précédentes festivités d'avant-match. Enfin, pas tous les partisans. Devant nous, deux mâles fougueux s'époumonent à six ou sept millimètres d'une caméra de télévision. Ils nous accordent ensuite une interview. «Notre Coupe Stanley maison? On l'a faite avec du carton, du tape et un bol. Ça nous a pris une heure», explique Étienne Couture. Avec son ami Julien Laporte, il a quitté le travail «un peu tôt» pour arriver à 16h devant le Centre Bell.

On les comprend. Il ne manque pas de divertissement à ces festivités. Quelques exemples? La bonne bière brune coûte seulement sept dollars. Avec sa bouille de guerrier impétueux et sa bague 1986, Sergio Momesso signe des autographes, tout comme Pierre Bouchard. Un groupe maison beugle des succès rock anglo, avec la voix d'un James Hetfield qui cherche ses gravols. Des compagnies de cartes de crédit donnent des t-shirts en échange de quelques informations personnelles. Un kiosque qui propose gratuitement un maquillage à l'effigie du CH. Des demoiselles de la radio NRJ se glissent dans des habits moulants de panthères noires pour faire klaxonner les voitures. Et il y a aussi la fibre bricoleuse des fans, particulièrement stimulée par la haine de Sidney Crosby.

Une fillette esquisse un sourire gêné en brandissant sa pancarte: «You can't spell Crosby without C-R-Y». D'autres ont collé sur leur chandail un visage de Crosby avec une suce. Trois fidèles revêtent un t-shirt avec un message plus positif. Numéro: 14. Nom: Tomas Jagr, un clin d'oeil à la boutade d'un nouveau joueur de golf, José Théodore. Quand les trois se retournent, on croit voir un mirage sur leur poitrine. Le visage de Plekanec avec la chevelure longueuilloise de Jagr, version carte recrue Pro Set 1990-91. Il s'agira de notre coup de coeur, à égalité avec le masque de lutteur mexicain du CH confectionné par Omar Alexis.

En pleine fièvre des séries, quelques braves enfilent le chandail noir honni des Penguins. C'est le cas de Chris French et Courtney Dehaan, un sympathique couple de Burlington descendu à Montréal pour le match. «Les gens ne nous malmènent pas trop, assure-t-il. Mais bon, il y a des gars tantôt qui... qui ont, comment dire, copulé devant nous avec un toutou des Penguins.»

Photo: Robert Skinner, La Presse

Quelques minutes plus tard, on repère un des présumés offenseurs, Philippe Séguin. Perruque bleu-blanc-rouge sur la tête et moustache McPhee-enne peinte sous le nez. «Crosby, dès qu'il est mis en échec, il regarde les arbitres et braille», explique-t-il posément. Pas trop loin de là, un haut-parleur relaie la voix de Ron Fournier, qui disserte lui aussi sur les «zarbitres». Sur les tribunes téléphoniques, des connaisseurs ajoutent aux discussions stratégiques. «Va falloir que les Canadiens arrêtent de domper 'el puck.»

Affaire de famille

Les festivités d'avant-match, c'est aussi une affaire de famille. Il y a Paul Sidhu et son fils Arman, deux Torontois en visite. Et aussi James Coburn, qui repère de loin notre calepin de notes grâce à son oeil de lynx. «On habite Toronto, on est venus ici seulement pour le match», vient-il nous raconter. Il voulait que son fils de 11 ans assiste à une partie des séries éliminatoires. Ces fans des Leafs ont acheté gilet et casquette du CH pour mieux vivre l'expérience. «Quelque chose de spécial se passe ici, observe-t-il. À 13h déjà, les gens allaient dehors, ils semblaient fébriles. Même à Toronto, on ne voit pas ça.»

Photo: Robert Skinner, La Presse