Tyrell Sutton se présente dans le vestiaire des Alouettes pour une mêlée de presse, quelques heures après que sa nomination comme entraîneur des demis offensifs a été confirmée. Les responsables des relations publiques de l’équipe le taquinent. « Tu vas nous faire ça en français, Tyrell ? » Rire timide de sa part.

Sauf qu’après trois minutes de questions sur son nouveau rôle, sur l’incertitude entourant une future vente de l’équipe, on lui demande de nous parler de sa vie à Montréal. Et tout bonnement, il passe au français.

« Je suis ici depuis presque 10 ans. Je suis marié, on a un gars de 2 ans et ma belle-fille qui a 9 ans, et ma femme est très magnifique.

« J’ai pris un cours de français trois mois, de novembre à février, poursuit-il. Maintenant, je parle avec ma famille tous les jours, avec mon garçon aussi. Je vais parler avec les entraîneurs et les joueurs aussi, juste un petit peu. »

D’Anthony Calvillo à John Bowman et Anwar Stewart, des joueurs américains des Alouettes ont tissé des liens étroits avec leur ville d’accueil au fil des années. Mais Sutton, demi offensif de l’équipe de 2013 à 2018, constitue possiblement un des exemples les plus forts d’intégration à la communauté francophone.

Il habitait autrefois Hochelaga. Le voici maintenant dans Villeray. L’an dernier, il a donné un coup de pouce au Phénix du Collège André-Grasset, dans le secteur voisin d’Ahuntsic.

« J’adore Villeray, tu n’as pas besoin de quitter le quartier pour faire quoi que ce soit », se réjouit-il, avant de passer une nouvelle fois au français. « Chaque quartier a ce qu’il faut : fruiterie, garderie, le parc, beaucoup de choses pour les enfants. »

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Tyrell Sutton a joué sept saisons dans la LCF.

Déjà marié à Émilie Desgagné, une fille d’ici, ancienne employée des Alouettes, voilà que son nouveau poste l’ancrera encore plus à Montréal.

« Je suis résident permanent, précise-t-il. Ça m’a permis de vivre des expériences différentes, car la vie est bien différente des États-Unis, pour des raisons que je n’expliquerai pas. »

Pas trop besoin de lui forcer la main pour qu’il les explique. On lui demande, naïvement, s’il a tenté de convaincre sa conjointe de déménager aux États-Unis une fois sa carrière de joueur terminée.

« Je n’imposerais pas ça à ma famille, tranche-t-il. C’est beaucoup plus propre, plus sécuritaire ici. Je ne voudrais pas que ma famille vive le chaos des États-Unis. C’est une vie beaucoup plus tranquille ici, c’est plus orienté sur la famille. »

On a notre travail, on voit notre famille, on profite de la nourriture, de la culture, sans devoir constamment regarder par-dessus notre épaule.

Tyrell Sutton

« Mes parents et la majorité de la famille sont à Akron, en Ohio. Avec tout ce qui se passe là-bas, ce serait ridicule d’y amener ma famille. C’est beaucoup plus facile que j’aie à m’adapter ici plutôt qu’eux doivent s’adapter là-bas. »

La question raciale « fait partie » de ce qui le décourage à retourner aux États-Unis, admet-il.

« Il y a aussi des facteurs économiques, culturels. La seule chose qui est dommage, c’est que mon fils ne connaîtra pas vraiment mon côté de famille. Mais quand on regarde les nouvelles, quand on regarde l’éducation, le coût de l’éducation selon le bagage socio-économique des gens, la vie est meilleure pour eux ici. »

Les bons mots de Brodeur-Jourdain

Sutton a joué sept saisons dans la Ligue canadienne. Sa saison 2015 de 1059 verges au sol lui avait valu une nomination au sein de l’équipe d’étoiles. Pense-t-il réussir la transition du terrain aux lignes de côté ?

« Je crois que je facilitais la vie à André Bolduc [ancien entraîneur des demis offensifs], parce que je connaissais mes assignations, plaide-t-il. Je vais essayer de transmettre ça aux joueurs. »

Dans son nouveau poste, il renouera avec le demi William Stanback, qui faisait partie de l’élite du circuit à sa position jusqu’à ce qu’une blessure à une cheville gâche sa saison 2022. Stanback et Sutton s’étaient croisés dans le cadre de porte chez les Alouettes en 2018.

« Stan a un talent incroyable. S’il peut comprendre encore plus les détails de ce qu’il fait et pourquoi il le fait, il va encore mener la ligue et ce sera entièrement grâce à lui », estime Sutton.

Pour l’entraîneur de la ligne offensive, Luc Brodeur-Jourdain, il ne fait aucun doute que Sutton réussira son nouveau mandat.

« On a joué plusieurs matchs ensemble, a rappelé le Maskoutain. J’ai toujours trouvé qu’il faisait partie de l’élite pour porter le ballon, mais aussi pour protéger le quart, dans la lignée des Brandon Whitaker et des Avon Cobourne. C’était un des joueurs qui me donnaient le plus de confiance pour contrer le blitz, être bien positionné, avoir la fierté d’effectuer les blocs pour qu’on tente une passe. Quand André Bolduc est parti, c’est un des premiers noms qui me sont venus en tête. »

En bref

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Luc Brodeur-Jourdain

Les Alouettes ont reconduit Brodeur-Jourdain dans ses fonctions d’entraîneur de la ligne offensive. Ils ont aussi annoncé l’embauche de Chandler Jones comme entraîneur des demis défensifs. Jones a connu une carrière moins fructueuse que son illustre homonyme qui terrorise les quarts-arrières de la NFL depuis 10 ans, mais il a brièvement fait partie de l’équipe d’entraînement des Alouettes en 2015. De plus, Corvey Irvin, qui a porté les couleurs des Alouettes en 2014 et en 2015, a été nommé entraîneur de la ligne défensive. Enfin, Dave Jackson a été nommé entraîneur adjoint aux unités spéciales.

Guillaume Lefrançois, La Presse

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    Tyrell Sutton totalise 4044 verges au sol en 77 matchs dans la LCF.
    SOURCE : LCF