(Los Angeles) Dans les secondes suivant son but égalisateur contre les Sharks de San Jose, mardi soir, Kaiden Guhle ne semblait curieusement pas le joueur le plus emballé sur la patinoire.

Le défenseur était heureux d’avoir trouvé le fond du filet à son retour au jeu après deux mois de convalescence. Mais son enthousiasme pouvait difficilement battre celui de David Savard. Ce dernier s’est rué sur son jeune partenaire, souriant comme si la coupe Stanley allait leur être remise.

« À la manière d’un père ? », a suggéré le journaliste Marc-André Perreault, dans le vestiaire après le match. En riant, Guhle a répondu par l’affirmative, ajoutant que Savard criait de joie en s’approchant de lui. « C’est génial d’avoir un gars comme ça dans ton coin », a ajouté le numéro 21.

Savard est un homme populaire dans le vestiaire du Tricolore cette saison. De tous les vétérans du club, il est probablement celui qui a le plus embrassé son rôle dans la transition qu’opère l’organisation. Surtout en défense, où cinq recrues ont obtenu des postes réguliers, il est devenu un roc, autant sur la glace qu’à l’extérieur de celle-ci.

Savard lui-même a exprimé, mardi matin, à quel point il appréciait sa situation. « Je crois que ça montre que je suis là depuis longtemps ! a-t-il dit, quelques heures avant le match contre les Sharks de San Jose. J’aime être autour des jeunes, voir leur fébrilité d’être dans la LNH. »

J’aime ce qu’on construit ici. C’est le fun, c’est emballant. […] Ç’a été tout un processus pour nous, mais on s’améliore constamment. On voit où on s’en va.

David Savard

À quelques jours de la date limite des transactions, le nom d’à peu près tous les joueurs de l’équipe ayant plus de trois saisons d’expérience dans la LNH a été lié à une possibilité d’échange. À moins d’une surprise monumentale, toutefois, le Québécois semble à Montréal pour de bon. Selon nos informations, la direction du club n’a pas pris contact avec lui pour discuter d’une potentielle transaction. Et la famille Savard n’a pas davantage l’intention de faire ses valises.

« Incroyable »

Martin St-Louis ne s’en plaindra pas. Interrogé au sujet de l’apport de son gros défenseur droitier, l’entraîneur-chef du Canadien a paru saisi par l’émotion. « C’est dur à décrire », a-t-il répondu d’emblée.

Auprès des jeunes, il voit en Savard un « prolongement des entraîneurs », qui se trouve toutefois « dans les tranchées » avec eux.

Sur le plan du hockey, St-Louis a souvent vanté l’intelligence de celui qui est d’abord reconnu pour son travail défensif.

« Savvy est un joueur incroyable, a dit St-Louis. Je sais que des personnes disent qu’il n’a pas assez de vitesse, mais il faut faire attention à la manière dont on définit la vitesse. Parce que son cerveau fonctionne à un très haut niveau. Il comprend où le jeu se dirige, il a toujours de bons angles ; il est conscient d’où se trouvent ses coéquipiers et les joueurs des autres équipes. »

La saison dernière, sa première à Montréal, s’était amorcée du mauvais pied, à l’instar de son équipe, d’ailleurs. Le très court été 2021 – il avait gagné la Coupe Stanley avec le Lightning de Tampa Bay – avait eu un impact évident sur sa préparation. Il avait toutefois retrouvé ses moyens en cours de campagne, mais dans le contexte difficile d’évoluer pour la pire formation du circuit.

La présente saison s’est encore une fois amorcée lentement pour lui. L’aplomb qu’il démontre toutefois depuis le mois de novembre est impressionnant, tout comme sa capacité à abattre du travail ingrat contre les meilleurs trios adverses ou en désavantage numérique. Il est d’ailleurs au septième rang de la ligue au chapitre des tirs bloqués (137).

Après la victoire de mardi à San Jose, Jake Allen a évoqué la « maturité » acquise par ses jeunes coéquipiers. Spontanément, il a mentionné que Savard méritait « beaucoup de crédit ».

Il avale des minutes de fou, des minutes difficiles. Il ne reçoit pas de récompense pour ça.

Jake Allen

De fait, avec une moyenne de 22 min 19 s, son temps de glace est comparable à celui de ses meilleures années chez les Blue Jackets de Columbus. Il a surpassé ce total seulement deux fois, soit en 2014-2015 et en 2015-2016, lorsqu’il avait la mi-vingtaine. Chez le Canadien, à cinq contre cinq, Mike Matheson et lui sont devenus les incontestables généraux de la défense.

En outre, « il garde le groupe soudé, il détend l’atmosphère », a encore dit Allen. Avant de conclure que, sans David Savard, cette saison, « l’histoire serait bien différente ».

On a tendance à le croire. On préfère presque ne pas y penser.