Depuis une dizaine d’années, le repêchage de la NFL est pratiquement devenu une industrie en soi aux États-Unis. Plusieurs spécialistes, à commencer par celui qui a été le premier dans le domaine il y a maintenant près de 40 ans, Mel Kiper (ESPN), travaillent et écrivent sur le repêchage durant toute l’année.

Comment expliquer que l’encan annuel de la NFL ait pris une telle ampleur ? Le premier facteur est bien sûr l’amour et la passion des Américains pour le football. Même durant la saison morte, la NFL génère plus d’intérêt que toute autre ligue professionnelle chez nos voisins du Sud. Tous les jours, l’on retrouve des nouvelles de la NFL parmi les principaux titres de sites web comme celui d’ESPN.

Mais il y a un autre facteur essentiel derrière la popularité du repêchage de la NFL : le fait que la majorité des jeunes joueurs qui seront sélectionnés au cours des prochains jours devront contribuer au succès de leur nouvelle équipe dès leur première saison, que ce soit comme partants, comme réservistes ou au sein des unités spéciales.

S’ils ne le font pas à leur première saison, ils devront absolument le faire à leur deuxième s’ils veulent éviter de se retrouver au chômage. Vos classes doivent être complétées ou presque lorsque vous arrivez dans la NFL. Il n’y a pas de clubs-écoles, du A, du AA, du AAA…

Il y a le marché des joueurs autonomes pour permettre aux équipes de s’améliorer, bien sûr, mais c’est d’abord et avant tout lors du repêchage que les bonnes équipes de la ligue le feront. Bref, contrairement au baseball majeur ou à la LNH, les espoirs sélectionnés ce week-end seront appelés à faire une différence dès leurs débuts, pas dans trois ou cinq ans.

Et on ne parle pas seulement des choix de premier tour. Ceux de deuxième ou de troisième tour deviennent en général des partants assez tôt dans leur carrière. Chaque année, même de jeunes joueurs qui ont été sélectionnés entre le quatrième et le septième tour parviennent à s’illustrer à leur saison de repêchage.

Pas de consensus au sujet des quarts

Cette année, c’est à Las Vegas que les amateurs pourront s’époumoner en huant le commissaire Roger Goodell et que ce dernier pourra donner l’accolade aux joueurs qui seront sélectionnés, à partir de 20 h ce jeudi soir.

Dix-neuf espoirs ont reçu et accepté l’invitation de la NFL à assister à l’évènement sur place, et la grande majorité d’entre eux sauront où ils amorceront leur carrière dès le premier soir, réservé au premier tour. Les deuxième et troisième tours auront lieu vendredi soir, à partir de 19 h, puis les quatre derniers samedi, à partir de midi.

Il y a quelques particularités cette année. La première, c’est qu’il n’y a pas de consensus au sujet des quarts-arrières, ce qui est assez inhabituel. Les opinions varient énormément, beaucoup plus qu’en temps normal.

Les quatre principaux noms qui reviennent sont Kenny Pickett, Malik Willis, Matt Corral et Desmond Ridder, mais ces quatre quarts-arrières ont presque autant de détracteurs que d’admirateurs. Certains observateurs pensent même que Sam Howell et Carson Strong leur sont supérieurs.

Selon les cotes des maisons de paris virtuelles, deux ou trois quarts-arrières devraient être sélectionnés au premier tour (l’« over/under » se situant à 2,5). Il y a des spécialistes qui sont convaincus qu’aucun quart ne sera choisi au premier tour, ou qu’un seul sera sélectionné, alors que d’autres personnes, dont votre journaliste football, pensent plutôt qu’il y en aura quatre, peut-être même cinq.

Autre particularité du repêchage de 2022 : pas moins de huit équipes détenaient deux choix de premier tour au moment où on écrivait ces lignes, ce qui représente un record. Ces clubs sont les Lions de Detroit (2e et 32e), les Texans de Houston (3e et 13e), les Jets de New York (4e et 10e), les Giants de New York (5e et 7e), les Eagles de Philadelphie (15e et 18e), les Saints de La Nouvelle-Orléans (16e et 19e), les Packers de Green Bay (22e et 28e) et les Chiefs de Kansas City (29e et 30e).

À l’inverse, les Dolphins de Miami, les Browns de Cleveland, les Colts d’Indianapolis, les Raiders de Las Vegas, les Broncos de Denver, les Bears de Chicago, les 49ers de San Francisco et les Rams de Los Angeles ne détiennent aucun choix de premier tour.

Parce qu’il y a un si grand nombre d’équipes avec deux premiers choix, il devrait y avoir passablement de mouvement, ce jeudi soir. Ça ne prend qu’une sélection imprévue pour tout faire basculer et provoquer des échanges. Étant donné que les équipes de la NFL doivent pourvoir au moins une quinzaine de positions différentes dans leur formation, on voit souvent des effets dominos au repêchage. Ça pourrait être encore plus le cas cette année.

Deebo Samuel sur le marché ?

Les équipes qui ne seront pas satisfaites de leur groupe de quarts-arrières durant ou après le repêchage pourront toujours téléphoner aux 49ers ou aux Browns, qui tentent d’échanger Jimmy Garoppolo et Baker Mayfield. Le problème, c’est que ces deux quarts commandent des salaires substantiels en vue de la saison 2022 et que les équipes désireuses d’obtenir leurs services se doutent bien que les Browns et, peut-être, les 49ers les libéreront probablement s’ils ne trouvent pas preneurs. Alors pourquoi offrir quoi que ce soit en échange ?

Mayfield ne remettra fort probablement plus jamais le casque orange des Browns, mais Garoppolo pourrait servir de police d’assurance derrière le jeune Trey Lance pour une saison. D’autant que celui que l’on surnomme Jimmy G est très apprécié de ses coéquipiers.

Le dossier de Garoppolo n’est toutefois pas le seul que devront régler les 49ers. À ce qu’il paraît, leur meilleur joueur, Deebo Samuel, souhaiterait changer d’uniforme. On raconte que l’ailier espacé ne voudrait même pas recevoir une offre de contrat de la part des Niners, lui qui doit normalement écouler la dernière année de son premier contrat en 2022.

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Deebo Samuel

Le directeur général John Lynch a soutenu que les 49ers ne souhaitaient nullement échanger Samuel, mais l’organisation recevra assurément plusieurs offres considérables pour un joueur de sa qualité. Samuel est la pièce maîtresse de l’attaque des Niners, étant aussi efficace comme receveur que comme porteur de ballon. Or, c’est peut-être justement en raison de la surutilisation que font de lui les Niners que Samuel espère jouer ailleurs.

Les Chiefs ont échangé Tyreek Hill aux Dolphins parce qu’ils refusaient de céder à ses demandes salariales. Hill touchera 30 millions par saison à Miami… Les Packers ont fait la même chose avec Davante Adams en le cédant aux Raiders, qui ont accepté de verser un salaire annuel de 27,5 millions au receveur. Si les 49ers ne veulent pas accorder un salaire comparable à Samuel, une autre équipe le fera volontiers.

Puisque les salaires des meilleurs receveurs de la NFL ont explosé au cours des derniers mois, il ne serait d’ailleurs pas étonnant de voir plusieurs receveurs choisis au premier tour, jeudi. Les équipes pourraient ainsi s’assurer les services de bons ailiers espacés pour au moins cinq saisons sans avoir à leur verser une fortune. C’est un phénomène qu’on observe à la position de quart-arrière depuis environ une décennie.