Ce sera la deuxième fois de l’histoire que deux anciens premiers choix s’affronteront lors du Super Bowl, dimanche soir, au SoFi Stadium à Los Angeles. Joe Burrow (Bengals de Cincinnati) et Matthew Stafford (Rams de Los Angeles) le feront six ans après que Cam Newton et Peyton Manning se sont rencontrés en finale lorsque les Broncos de Denver ont vaincu les Panthers de la Caroline.

C’est après avoir enduré leur misérable saison de 0-16 en 2008 que les Lions de Detroit avaient pu repêcher Stafford lors de l’encan de 2009. Burrow, lui, est devenu un membre des Bengals après avoir été la toute première sélection du repêchage de 2020. Il y a moins de deux ans, c’est dire…

Un an avant le repêchage de 2009, Stafford était déjà considéré comme une valeur sûre. Alors qu’il était quart-arrière des Bulldogs de l’Université Georgia, on lui prédisait d’être le premier espoir repêché grâce à un bras canon.

L’histoire a été très différente dans le cas de Burrow. Tanné d’être un réserviste avec les Buckeyes d’Ohio State, il a changé d’université et s’est joint aux Tigers de LSU en 2018. Un transfert qui lui a permis de devenir un quart partant, lui qui avait été le réserviste de Dwayne Haskins à Columbus. Précisons que Haskins brillait dans la NCAA.

Mais même avant le début de sa dernière saison avec les Tigers, à l’été 2019, Burrow était considéré comme un futur choix de troisième ou de quatrième tour. Il ne faisait même pas partie de la conversation lorsqu’il était question des quarts-arrières qui seraient les premiers choisis le printemps suivant, contrairement à Tua Tagovailoa et Justin Herbert, qui ont finalement été les 5e et 6e espoirs repêchés en 2020.

Grâce à une saison de rêve en 2019, qui s’est conclue par un championnat national des Tigers et le trophée Heisman pour Burrow, l’ascension du jeune quart a été vertigineuse. À un point tel que les Dolphins auraient offert trois choix de premier tour aux Bengals afin de passer du cinquième rang au premier lors du repêchage. Ils auraient essuyé un refus catégorique des Bengals.

PHOTO GARY A. VASQUEZ, USA TODAY SPORTS

Joe Burrow lors de la journée des médias

Talentueux et calme, bon athlète et meneur naturel, Burrow ne semble avoir aucune faiblesse. Il a été capable d’accomplir ce que Stafford n’a jamais été en mesure de faire en 12 ans chez les Lions. Il a sorti son équipe des bas-fonds de la NFL et l’a amenée au Super Bowl.

Pour être juste, Stafford a amélioré les Lions. Ils ont participé aux éliminatoires en 2011, 2014 et 2016, mais ont perdu leur premier match les trois fois. Et à part Calvin Johnson, on ne peut certainement pas dire que Stafford a pu jouer avec beaucoup de joueurs de premier plan au Michigan. La médiocrité des Lions, restons polis, a même convaincu Johnson et Barry Sanders, à une autre époque, de prendre des retraites hâtives.

Doublement cher

Les Rams, eux, ont justement parié que le problème à Detroit n’était pas Stafford, mais bien les Lions dans leur ensemble. C’est un prix énorme qu’ils ont accepté de payer pour sortir Stafford de la ville de l’automobile.

Le 31 janvier de l’année dernière, les Rams ont donc échangé leurs premiers choix en 2022 et en 2023, leur troisième choix de 2021 et Jared Goff aux Lions contre Stafford. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’afin de pouvoir choisir Goff au tout premier rang du repêchage de 2016, les Rams avaient échangé leurs premiers choix de 2016 et 2017, deux choix de deuxième tour et un de troisième aux Titans du Tennessee. En passant, l’un des deux choix de deuxième tour a permis aux Titans de repêcher Derrick Henry…

Lorsqu’on met tout ça ensemble, voici ce que les Rams ont ultimement eu à payer pour avoir Stafford : quatre choix de premier tour, deux choix de deuxième et deux autres de troisième. Un prix énorme, en effet !

Mais jusqu’à maintenant, le DG Les Snead, l’entraîneur-chef Sean McVay et les Rams vous diraient que ça en valait le coup. L’objectif était de disputer le Super Bowl devant leurs partisans au SoFi Stadium et cette mission a été accomplie. Si les Béliers remportent le trophée Lombardi pour la deuxième fois de leur histoire, il n’y aura plus personne pour les critiquer d’avoir payé trop cher pour Stafford.

Un « vrai » combat

On comprendra que Stafford sera le joueur sur lequel il y aura le plus de pression dimanche soir. Mais ça ne lui nuira probablement pas du tout. L’adversité qu’il a connue chez les Lions et l’énorme pression de devoir gagner avec les Rams ne sont rien en comparaison de l’épreuve que Stafford et sa famille ont dû traverser.

La femme de Stafford, Kelly, a reçu un diagnostic de cancer du cerveau en avril 2019. L’intervention afin d’enlever la tumeur a duré 12 heures. À cette époque, le couple avait trois filles, des jumelles âgées de 3 ans et un bébé de 8 mois…

Heureusement, l’intervention a été un succès et Kelly Stafford est en santé. Le couple a même accueilli une quatrième fille en juillet 2020.

PHOTO JED JACOBSOHN, ASSOCIATED PRESS

Matthew Stafford et sa femme, Kelly Hall, après la victoire des Rams en finale de la Conférence nationale

C’est un moment touchant que nous a d’ailleurs fait vivre la femme de 32 ans lorsqu’elle est allée retrouver son amoureux sur le terrain après la victoire des Rams en finale de la Conférence nationale face aux 49ers de San Francisco, il y a deux semaines. Kelly Stafford s’est souvent portée à la défense de son mari lorsqu’elle jugeait qu’il était injustement critiqué depuis le début de sa carrière. Il y avait quelque chose de magique dans leur étreinte après la victoire contre San Francisco.

Pas un « kid kodak »

Stafford a été très bon depuis le début des éliminatoires. Tout le monde parle de Burrow, la nouvelle coqueluche de la NFL, ce qui est tout à fait normal. Il ne dispute que sa deuxième saison dans la NFL et semble destiné à remplir une partie du vide qu’ont causé les récentes retraites de Tom Brady, Ben Roethlisberger et Drew Brees.

Pourtant, les statistiques de Stafford ont été supérieures à celles de Burrow lors des trois premiers tours éliminatoires. Stafford a réussi 72 % de ses passes (72 en 100) pour 905 verges, 6 touchés et 1 interception. Il a été victime de 5 sacs et son coefficient d’efficacité est de 115,6. Burrow a réussi 68,8 % de ses passes (75 en 109) pour 842 verges, 4 touchés et 2 interceptions. Il a été victime de 12 sacs et son coefficient d’efficacité est de 96,2.

Malgré son jeu quasi irréprochable au cours du dernier mois, Stafford n’obtient pas beaucoup de publicité. Même dans sa propre équipe, des joueurs comme Aaron Donald, Cooper Kupp et Odell Beckham fils font plus parler d’eux que lui.

On pourrait même ajouter le bloqueur de 40 ans Andrew Whitworth à ce groupe, lui qui a remporté le prestigieux prix Walter Payton, jeudi soir. Cet honneur est remis au joueur qui s’est le plus impliqué socialement et qui a eu le plus grand impact à l’extérieur du terrain. C’est incroyable, tout ce que Whitworth accomplit. Un grand homme. Fin de la parenthèse.

Bref, Stafford brille, mais on en parle peu. Remarquez que cela fait sûrement parfaitement son affaire. Pas trop du genre à chercher le kodak, celui-là.

Comme toujours, le jeu des quarts-arrières sera l’un des éléments déterminants, dimanche soir. Burrow est excellent et le sera pour longtemps. Mais pour le moment, l’écart entre Stafford et lui n’est pas si grand. Si Burrow fait partie du top 5 de la ligue, Stafford fait assurément partie du top 10 et est à l’apogée de sa carrière. Beau duel en perspective.