La Ligue canadienne de football est souvent critiquée pour maintes raisons, mais il y a une chose qu’on ne peut lui reprocher : les matchs de la Coupe Grey nous laissent rarement sur notre appétit.

Les histoires magiques ne sont pas rares dans le monde du sport. Mais il y a parfois des équipes qui sont trop fortes pour être la victime dans un scénario hollywoodien. Par exemple, les Blue Bombers de Winnipeg, qui ont gâché la fête en vainquant l’équipe locale en prolongation, 33-25, dimanche soir.

Lorsque les espoirs de championnat des Tiger-Cats se sont envolés après que la dernière passe de Jeremiah Masoli a été interceptée en prolongation, la foule réunie au Tim Hortons Field à Hamilton semblait sous le choc. Les gens étaient incrédules et ne semblaient pas trop réaliser que ça venait de se terminer.

Tous les éléments étaient pourtant en place pour une soirée inoubliable à Hamilton. Les Ticats menaient, 22-10, au troisième quart d’un match défensif, et leur disette de 22 ans sans couronnement semblait enfin sur le point de finir. Tout s’est écroulé.

Le joueur par excellence de la saison, Zach Collaros, a pris les choses en main pour les Blue Bombers à partir de ce point et a mené les siens à un deuxième titre de suite. Les deux fois, Collaros a battu son ancienne équipe en finale, ce qui ajoute à la douleur des Tiger-Cats et de leurs partisans.

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Sergio Castillo (14) soulevant la Coupe Grey

Après une première demie marquée par le jeu défensif, Collaros avait pourtant lancé deux interceptions à Kameron Kelly au troisième quart. Le demi défensif a fait de très bonnes lectures du jeu et tout indiquait que ce n’était pas la soirée de Collaros et des Bombers. Mais lorsque le match était dans la balance, au quatrième quart et en prolongation, le quart des Bombers a été aussi méthodique que flegmatique.

Les Tiger-Cats avaient encore une chance d’aller égaler la marque en prolongation, mais un superbe jeu collectif de la défense des Bombers a mis fin à la partie. La passe de Masoli est passée entre les mains du demi de coin Deatrick Nichols, mais avant que le ballon touche au sol, le demi défensif Winston Rose l’a soulevé en plongeant pour effectuer son jeu, puis le ballon a finalement abouti dans les mains du secondeur Kyrie Wilson. De toute beauté.

Que les champions aient concrétisé leur victoire à l’aide d’un si beau jeu défensif est représentatif de leur saison et de leur équipe. Lorsque tous ses joueurs étaient en uniforme, la défense des Blue Bombers a été dominante en 2021. Et même si les chasseurs de quarts Willie Jefferson et Jackson Jeffcoat ont été relativement discrets, dimanche soir, l’unité a réussi deux interceptions (Alden Darby a effectué l’autre) et trois sacs (deux de Steven Richardson et un de Jake Thomas).

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Jackson Jeffcoat (94) et Stanley Bryant (66) soulèvent la coupe Grey.

L’un des sacs de Richardson a d’ailleurs sorti le quart Dane Evans du match au milieu du deuxième quart. Evans a semblé se blesser au cou et a été remplacé par Masoli. L’entraîneur-chef Orlando Steinauer avait choisi Evans comme partant pour la finale après qu’il eut été parfait (16 en 16) en relève à Masoli contre les Argonauts de Toronto en finale de la division Est la semaine précédente.

Si Jefferson et Jeffcoat ont connu un match assez tranquille, Adam Bighill, lui, a fait sentir sa présence à plusieurs occasions. Nommé joueur défensif de l’année dans la LCF, le secondeur a terminé sa soirée avec cinq plaqués et a joué avec la robustesse qui caractérise son jeu.

Meilleure opposition qu’en 2019

Collaros, Bighill et Stanley Bryant, qui est devenu le premier de l’histoire du circuit à être nommé meilleur joueur de ligne offensive trois fois, se sont tous retrouvés au tableau d’honneur au gala annuel de la LCF. C’est sans parler de Mike O’Shea, qui a été nommé entraîneur de l’année pour la première fois de sa carrière. Il n’y a pas vraiment de faiblesse dans cette équipe, et les Tiger-Cats l’ont constaté lors du match le plus important de la saison pour la deuxième fois de suite.

Mais contrairement à ce que l’on avait vu lors de leur dégelée de 33-12 en 2019, les Tiger-Cats se sont bien battus. On a même cru qu’ils allaient l’emporter durant une bonne partie de la soirée. Lorsqu’ils menaient par 12 points, mais également lorsque Masoli les a menés jusqu’à la ligne de 5 verges des Bombers alors qu’il restait une vingtaine de secondes à jouer au quatrième quart et que la marque était alors de 25-22 en faveur de ces derniers. Les Tiger-Cats ont finalement dû se contenter d’un placement, qui a forcé la tenue de la prolongation.

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Curieusement, alors que c’était 24-22, Tim White a concédé un simple aux Blue Bombers en posant le genou avec le ballon dans sa zone des buts à la suite d’un botté. Le vent a sûrement convaincu les Tiger-Cats de concéder le simple afin de s’assurer d’entreprendre leur dernière série en temps réglementaire à leur ligne de 35, tout en conservant le plus de temps possible. Les Tiger-Cats auraient-ils gagné le match 25-24 avec le placement de Michael Domagala dans les dernières secondes ? On ne le saura jamais.

Comme c’est souvent le cas dans les éliminatoires de la LCF, le vent a été un facteur durant toute la rencontre. O’Shea et les Bombers avaient sagement choisi de l’avoir à leur dos au quatrième quart, et la stratégie a porté ses fruits.

Quel avenir pour la LCF ?

Les Blue Bombers sont ainsi devenus les premiers à remporter deux titres consécutifs depuis les Alouettes de 2009 et 2010. La finale de dimanche a d’ailleurs probablement été la plus excitante depuis la spectaculaire remontée des Oiseaux lors de leur victoire de 28-27 contre les Roughriders de la Saskatchewan, en 2009.

Au cours du week-end, des rumeurs ont commencé à circuler au sujet des deux pilotes qui s’affrontaient, dimanche soir. Steinauer aurait accepté une offre pour devenir le coordonnateur défensif de l’Université de Washington, lui qui est un natif de cet État (Seattle). Quant à O’Shea, les Elks d’Edmonton seraient prêts à lui donner les doubles fonctions d’entraîneur-chef et de directeur général.

La saison morte s’annonce plus intéressante que normalement dans la LCF. Le contrat de travail viendra à échéance en février, et plusieurs équipes devront trouver des solutions pour améliorer leurs recettes, dont les Alouettes, les Argonauts de Toronto et le Rouge et Noir d’Ottawa. Une ligue de l’Ouest…

Puis il y a la menace des nouvelles ligues américaines (XFL et USFL), qui pointe à l’horizon. Il y a une énorme différence entre les perspectives actuelles de ces circuits et leurs échecs antérieurs : le pari sportif. Et au bout du compte, c’est la LCF qui pourrait en souffrir avec un exode de talent.

Mais pour le moment, la LCF peut se féliciter pour sa soirée de dimanche. Le match a été à la hauteur des attentes, surtout au retour de l’entracte. Parlant de l’entracte, le spectacle de la mi-temps du groupe canadien Arkells n’a pas été vilain, lui non plus.