Lorsqu'ils dominaient outrageusement leur division à l'époque d'Anthony Calvillo, les Alouettes étaient surnommés les «Beasts of the East». De nos jours, c'est le Rouge et Noir d'Ottawa qui est roi et maître de la division Est de la LCF.

À ses cinq premières années d'existence, le Rouge et Noir a déjà participé au match de la Coupe Grey trois fois (2015, 2016 et 2018) et l'a gagné en 2016. Au cours des quatre dernières saisons, Ottawa a une fiche de 39-31-2 et a subi 10 défaites de moins que les Tiger-Cats de Hamilton, 13 de moins que les Argonauts de Toronto et 20 de moins que les Alouettes.

«Je ne sais pas si on est l'équipe à battre dans l'Est, je vais laisser d'autres gens discuter de ça. Mais non seulement on veut avoir du succès, on veut faire les choses de la bonne façon. Certaines équipes obtiennent du succès, mais ce qui se passe en arrière-scène est parfois un peu louche (shady)», a expliqué le directeur général Marcel Desjardins.

Adjoint de Jim Popp chez les Alouettes à deux reprises, dont de 2008 à 2013, Desjardins a construit une solide organisation dans la capitale fédérale. Les résultats sur le terrain sont venus rapidement, un peu comme à Vegas dans la LNH. Ce n'est toutefois pas la seule raison pour laquelle Ottawa est devenu une destination de choix pour les joueurs qui se cherchent du boulot.

«C'est peut-être un peu plus vrai pour les joueurs de la région d'Ottawa et les Québécois. Je pense qu'il y a plus de francophones que d'anglophones qui travaillent dans nos opérations football et ça peut être un facteur pour les Québécois. Si le joueur se sent un petit peu moins dépaysé et qu'il peut parler en français à son DG, ça peut aider. C'est ce qu'on m'a déjà dit.»

«Je pense qu'on traite très bien nos joueurs et on a de bonnes installations. Je pense que le mot se passe dans la ligue.»

Desjardins reste cependant lucide par rapport au marché des joueurs autonomes. «Si un joueur peut gagner 15 000 $ ou 20 000 $ de plus par année avec une autre équipe, il va choisir cette offre. Ça reste le facteur le plus important.»

Lorsqu'on s'est entretenu avec le DG du Rouge et Noir en marge des réunions hivernales de la LCF à Mont-Tremblant il y a deux semaines, il ne semblait d'ailleurs pas convaincu que le joueur le plus important de son équipe, le quart-arrière Trevor Harris, choisirait de demeurer à Ottawa, lui qui pourrait devenir joueur autonome le 12 février.

«On va voir de quelle façon les discussions se dérouleront dans les prochaines semaines, mais il n'y a pas eu beaucoup de progrès depuis les Fêtes. Il a dit qu'il voulait revenir avec l'équipe, mais à quel prix?»

Regarder la dépense

Certains directeurs généraux de la LCF dépensent chaque sou à leur disposition et peinent à respecter le plafond salarial. Ce n'est pas le cas de Desjardins.

Contrairement à d'autres équipes, dont les Alouettes, le Rouge et Noir n'a d'ailleurs pas eu à mettre fin à des contrats en raison du nouveau plafond salarial pour les entraîneurs qui entre en vigueur cette année.

«Il y a des équipes qui avaient 12 ou 14 entraîneurs adjoints, mais à mon avis, ce n'est pas nécessairement une bonne chose d'en avoir autant. Même si on a le droit d'en avoir 11 maintenant, notre groupe d'entraîneurs en compte 10. Parfois, ça complique les choses pour rien d'avoir trop de gens dans le même environnement.»

Desjardins a essentiellement la même philosophie en ce qui concerne les joueurs. Il estime pouvoir fournir les effectifs nécessaires à l'entraîneur-chef Rick Campbell sans avoir à défoncer son budget pour autant.

«Ça ne nous fait pas peur de jouer avec des recrues [qui gagnent généralement moins d'argent que les vétérans], même s'il y a normalement une période d'ajustement au début de la saison. Ces joueurs s'améliorent au fur et à mesure que la saison progresse.

«Je ne dépense pas d'argent si je ne juge pas que c'est nécessaire et je ne dépense pas tout l'argent à ma disposition si je ne juge pas que la valeur est là. Si je peux terminer la saison en conservant 500 000 $ de notre budget, ce n'est pas une mauvaise chose.»

Pas de gros ego

En observant ce qui se passe chez le Rouge et Noir depuis l'arrivée de la concession dans la LCF, il n'y a aucun doute que Desjardins est un solide homme de football. L'apport au succès des Alouettes de celui qui est resté dans l'ombre de Jim Popp durant des années était probablement considérable. Il obtient enfin la reconnaissance qui lui est due.

«C'est vrai, mais ce n'est pas ce qui me motive. Le plus important pour moi, c'est vraiment de faire de notre mieux pour la ville d'Ottawa, la ligue et nos propriétaires, qui ont travaillé cinq ou six ans avant d'obtenir une concession.

«Je n'ai pas quitté Montréal pour Ottawa pour avoir plus d'attention. Je voulais seulement prendre mes propres décisions. Certaines personnes ont des gros ego et veulent être vues et entendues, ce n'est pas mon cas. La meilleure façon de connaître du succès, c'est de s'entourer de bonnes personnes. Je veux juste faire du bon travail avec mon groupe.»