À son deuxième départ avec une nouvelle formation, la cycliste Magdeleine Vallières Mill a décroché sa première victoire professionnelle, en solitaire, dimanche à Majorque, en Espagne.

Quarante-huit heures après sa première victoire professionnelle, période entrecoupée par un examen universitaire, Magdeleine Vallières Mill se demandait si elle n’avait pas rêvé.

Tout cela était pourtant bien réel : la cycliste de Sherbrooke a remporté le Trofeo Palma Femina, épreuve d’un jour faisant partie du Challenge de Majorque, triptyque d’ouverture de la saison espagnole, qui inaugurait son itération féminine le week-end dernier.

« Dans ma tête, on dirait que ce n’est pas encore vrai ! », s’amusait la représentante de la nouvelle formation EF Education-Cannondale, assise dans les marches de son hôtel majorquin, mardi.

Dimanche, l’athlète de 22 ans s’est imposée en solo à l’issue d’un impressionnant coup de force dans les montées et les descentes qui ponctuaient les derniers kilomètres de cette épreuve 1,1 (troisième catégorie), qui en comptait 138 au total. La Québécoise a devancé de 16 secondes deux coureuses aguerries : la Sud-Africaine Ashleigh Moolman (AG Insurance–Soudal), à sa 15e saison au plus haut niveau, et Mavi Garcia, Majorquine d’adoption et quadruple championne espagnole en titre.

En attendant la cérémonie du podium, Garcia, 40 ans, a indiqué à sa jeune rivale qu’elle descendait très, très vite…

« Je suis un peu fan de ces filles-là ! a timidement souri Vallières Mill. C’est motivant de les voir performer, être aussi fortes et courir depuis longtemps. C’était juste vraiment bizarre d’être à côté d’elles et de me dire que dimanche, j’avais le niveau pour compétitionner avec elles. »

Au lendemain de la victoire de sa coéquipière et compagne de chambre suisse Noemi Rügg au Trofeo Felanitx-Colònia de Sant Jordi, premier volet du triptyque, Vallières Mill semblait surprise d’être désignée coureuse protégée. Depuis ses débuts dans le peloton européen, en 2022, elle est plus habituée à se mettre au service des autres.

« Cette fois-ci, les filles ont travaillé pour moi. L’équipe a cru en moi plus que je croyais en moi-même. Elles ont tout contrôlé durant les 90 premiers kilomètres avant d’arriver à la première bosse. Elles ont effectué un travail parfait ; j’étais encore fraîche rendue là. C’était à mon tour d’être agressive et de suivre mes tripes. »

À partir de là, l’ex-spécialiste de cyclocross et de vélo de montagne a été à l’avant-plan jusqu’à la fin de la course, mettant la pression dans les ascensions et provoquant les sélections dans les descentes tortueuses et glissantes. Seule la puncheuse italienne Silvia Persico (UAE), médaillée de bronze aux Mondiaux de 2022, est parvenue à l’accompagner jusqu’au bas de l’avant-dernière descente.

Comme Persico attendait le retour de deux coéquipières, Vallières Mill a été forcée de rouler seule, sans aide, sur le plat, pratiquement jusqu’au pied de l’ultime bosse, le Coll de Sa Creu (6,7 km à 3,6 %). Elle a gardé son sang-froid en dépit de la présence de trois UAE, qui n’ont pas su tirer avantage de leur supériorité numérique.

À trois, techniquement, elles auraient dû gagner, mais elles ont mal joué ça. Elles ne voulaient pas vraiment travailler ensemble.

Magdeleine Vallières Mill

À 1 km du sommet, un groupe de poursuivantes leur soufflait dans le cou, si bien que Vallières Mill et Garcia, détentrice du record de cette ascension sur le réseau social Strava, ont mis les gaz, condamnant les deux coéquipières de Persico.

Dans la descente, l’Italienne a chuté dans un virage serré, à 9 km. Ne faisant ni une ni deux, Vallières Mill, qui la suivait, a tourné la poignée de l’accélérateur sans se poser de questions, les yeux sur son ordinateur de bord pour anticiper les pièges à venir.

« Avec les arbres, la route ne sèche pas vraiment et il y a comme une mousse qui se forme. Il y a aussi beaucoup d’oliviers, ce qui rend la surface huileuse. C’est très glissant. Mais je pense que notre équipement était un peu supérieur à celui des autres. J’ai eu quelques chutes dans la dernière année et j’avais un peu plus peur dans les descentes. Là, j’étais en confiance, en contrôle, et je n’ai jamais senti que j’avais dépassé mes capacités. »

« Je n’y croyais pas vraiment »

À l’arrivée, Vallières Mill s’est couchée sur son guidon pour retrouver son souffle et réaliser (en partie) ce qu’elle venait d’accomplir.

« Je n’y croyais pas vraiment. Je n’étais pas certaine que c’était vrai parce que ça ne m’est jamais arrivé avant ! Le moment était très spécial. J’étais tellement contente. »

Après les félicitations émotives de ses coéquipières, elle a reçu celles de la Québécoise Simone Boilard, solide huitième de cette épreuve après sa cinquième place de la veille, belle façon de briser la glace avec sa nouvelle équipe norvégienne Uno-X.

PHOTO FOURNIE EF EDUCATION-CANNONDALE

Magdeleine Vallières Mill

Vallières Mill disputait elle-même ses premières courses sous les couleurs d’EF Education-Cannondale (EFC), nouveau pendant féminin d’EF Education-EasyPost. À part un même commanditaire, cette équipe n’a pas de lien avec EF Education-Tibco-SVB, formation du World Tour pour laquelle elle a évolué en 2022 et 2023 et qui s’est dissoute à la fin de l’année.

Même si EFC, dont le PDG est l’ex-coureur américain Jonathan Vaughters, ne détient qu’une licence continentale pour l’instant, Magdeleine Vallières Mill estime ne rien avoir perdu au change, bien au contraire.

« On a accès à toutes les mêmes choses que si on était dans le WorldTour et même plus, a noté celle qui a fini 10e aux Mondiaux juniors de 2019. On est traitées comme les hommes. Ici, on est au même camp, on mange aux mêmes tables, tout est pareil. Ça fait une grande différence, honnêtement. Oui, le cyclisme féminin s’est amélioré, mais ce n’est pas encore au niveau des hommes. Avec EF, c’est vraiment égal. »

À la différence que pour le moment, c’est 2-0 pour les femmes au chapitre des victoires.

Une frousse pour Olivia Baril

Olivia Baril peut témoigner de la précarité des descentes à Majorque : la Québécoise de 26 ans a plongé dans un fossé après une crevaison à son pneu avant au Trofeo Palma Femina, dimanche. Heureusement, la nouvelle porte-couleur de Movistar, formation espagnole du WorldTour, a eu plus de peur que de mal. « J’ai vraiment chuté violemment, a-t-elle décrit. J’allais à 60 km/h, je ne pouvais pas tourner et je suis donc allée tout droit. C’était une très mauvaise chute, mais je n’ai absolument rien eu. J’ai été très chanceuse de ce point de vue là. »

La cycliste originaire de Rouyn-Noranda a rebondi en terminant quatrième du Trofeo Binissalem-Andratx, dernière volée du Challenge de Majorque, lundi. Reconnaissante de la confiance témoignée par sa formation, avec qui elle est sous contrat jusqu’en 2026, elle se reprochait de ne pas avoir su soutirer la victoire.

« Je me sentais tellement bien que j’aurais dû attaquer avant, a-t-elle analysé. Je pense que j’étais l’une des grimpeuses les plus fortes aujourd’hui. […] L’objectif à ce niveau, c’est de gagner des courses. Tout le reste, tu es perdante, dans le fond. J’espère pouvoir me reprendre bientôt. »