Tadej Pogačar s’inscrit dans la légende en remportant le Tour des Flandres, où Hugo Houle s’est glissé dans l’échappée, dimanche

Une course à la fois, un coup de pédale à la fois, Tadej Pogačar poursuit sa route vers le firmament de l’histoire cycliste.

Le Slovène de 24 ans a ajouté un troisième monument à sa collection en triomphant en solo au Tour des Flandres, dimanche.

Pogačar (UAE) a détalé dans le dernier enchaînement Vieux Quaremont-Paterberg pour s’offrir un coussin que le Néerlandais Mathieu van der Poel (Alpecin-Deceuninck), tenant du titre, n’a jamais pu refermer, traversant la ligne 16 secondes plus tard à Audenarde.

Pris à contre-pied, Wout van Aert, l’autre membre de la trilogie galactique, a dû se contenter de la quatrième place après s’être incliné au sprint devant l’ex-champion mondial Mads Pedersen (Trek), rare échec de la formation Jumbo-Visma gonflée au bicarbonate depuis le début des classiques.

Quatrième à son premier essai l’an dernier, Pogačar est devenu le troisième vainqueur du Tour de France à s’imposer au Tour des Flandres après le grand Eddy Merckx, au milieu des années 1970, et Louison Bobet, qui a réussi le doublé en 1955.

« Je peux me retirer aujourd’hui et dire que je suis fier de ma carrière », a convenu le dernier gagnant du Grand Prix cycliste de Montréal, qui est en train de réécrire le livre sur la façon de courir d’un champion de grand tour.

Gagnant du Tour de France en 2020 et en 2021, deuxième l’an dernier, Pogačar a déjà inscrit son nom parmi les vainqueurs du Tour de Lombardie (2021, 2022) et de Liège-Bastogne-Liège (2021), deux autres monuments du cyclisme. Milan-San Remo, où il a terminé quatrième il y a deux semaines, et Paris-Roubaix, qu’il n’a encore jamais disputé, sont les deux qui manquent à sa couronne.

« San Remo est la plus dure à gagner », a-t-il évalué avant de recevoir une chaleureuse accolade de son coéquipier Mikkel Bjerg (15e), qui l’a lancé dans une montée.

J’y étais dans l’une de mes meilleures formes à vie cette année. C’était difficile à gagner. On n’abandonne pas. Il me reste San Remo et Roubaix, mais je garde ça en réserve…

Tadej Pogačar

Pogačar ne s’alignera pas dans l’Enfer du Nord, dimanche prochain, se concentrant plutôt sur la préparation des classiques ardennaises à partir de la mi-avril.

« Je crois que je dois gagner quelques kilos pour Roubaix », a jugé le Slovène, qui n’a cependant pas pigé dans la barquette de frites offerte après l’entrevue. « Je dois aussi endurcir mes mains pour les pavés. Peut-être dans l’avenir. »

Quelques minutes plus tard, van der Poel a simplement levé son chapeau à Pogačar. « C’était peut-être mon meilleur Ronde jusqu’à maintenant, mais il y avait un gars nommé Pogačar qui était pas mal imbattable aujourd’hui », a salué le Néerlandais de 28 ans, vainqueur en 2020 et 2022, deuxième en 2021 et quatrième à sa première tentative en 2019…

PHOTO ERIC LALMAND, AGENCE FRANCE-PRESSE

Mathieu van der Poel à la ligne d’arrivée

Coincé derrière des échelons à deux reprises, van der Poel a surmonté un saut de chaîne au pied du Taïenberg (37 km) avant de revenir sur Pogačar et van Aert et former un trio royal que tous attendaient pour ce 107Tour des Flandres.

Plus loin, le petit-fils de Raymond Poulidor a produit un fulgurant démarrage dans le Kruisberg qui a condamné son meilleur ennemi van Aert.

Le meneur de Jumbo-Visma a pu compter sur l’aide de son coéquipier Nathan van Hooydonck, qui s’est relevé, pour rejoindre le groupe de poursuite, mais il était déjà trop tard.

« Sous le choc des décibels »

Pogačar a remporté l’édition la plus rapide du Ronde van Vlaanderen, franchissant les 273,4 km à la vitesse moyenne de 44,1 km/h.

« Quand il a une idée en tête, il ne se loupe pas trop souvent », l’a louangé Hugo Houle, qui était sur la table de massage après avoir passé 112 km en échappée.

« En plus d’être fort, c’est tout un pilote. Il a fait toute une démonstration aujourd’hui. C’est quand même impressionnant qu’il lâche un gars comme Mathieu van der Poel et Wout van Aert sur des pentes aussi abruptes dans les pavés. Il est assurément le plus fort depuis le début de la saison. C’est clair qu’il a moins mal aux jambes que moi ! »

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM @ISRAELPREMIERTECH/PHOTO @SPRINTCYCLING

Hugo Houle grimace sur les pavés du Tour des Flandres.

Après deux premières heures franchies à quelque 50 km/h, Houle s’est joint in extremis à l’échappée du jour, un groupe de huit comprenant entre autres le champion belge Tim Merlier (Soudal Quick-Step).

« Ce n’était pas le plan initial, mais ça a tellement bataillé dans les 100 premiers kilomètres que j’ai décidé de tenter le coup quand l’occasion s’est présentée. C’était une bonne façon d’être à l’avant et de s’assurer d’avoir quelqu’un de l’équipe pour donner un coup de main dans le final. »

À son 10départ dans la célèbre classique belge, Houle a encore été renversé par l’atmosphère qui régnait par cette journée froide où le mercure frisait les 5 degrés Celsius.

« Je pense que c’est ma quatrième échappée au Tour des Flandres et c’est toujours impressionnant. Au premier passage dans le Vieux Quaremont, j’étais même un peu sous le choc des décibels qui sortaient de la foule. L’ambiance est incroyable. À mes yeux, il n’y a pas beaucoup de courses à ce niveau. »

Le cycliste d’Israel-Premier Tech s’est fait lâcher dans la deuxième ascension du Vieux Quaremont avec 55 km à faire. Les triplettes Pogačar-van der Poel-van Aert l’ont dépassé avant le vicieux Koppenberg, « mont » le plus pentu des Flandres. Houle a roulé jusqu’à la 66place.

« Je ne suis pas dans ma grande forme, j’ai été malade au début des classiques et j’ai dû prendre des antibiotiques. Ça paraît un peu en ce moment. Je suis un peu déçu parce que j’étais dans un bon coup, mais je n’avais pas les jambes pour répondre. »

« C’était l’enfer »

Son coéquipier Guillaume Boivin aurait aimé pouvoir tester les siennes, mais une chute spectaculaire au pire moment a ruiné ses chances.

Avec 71 km à faire, le Québécois a effectué un freinage désespéré pour éviter l’Érythréen Biniam Girmay (Intermarché) qui venait de tomber devant lui. « J’ai juste essayé de ne pas étamper la face quand je suis rentré dedans », a-t-il relaté.

Il a basculé par-dessus son vélo et Girmay pour aboutir dans le bas-côté après s’être cogné la tête. Il est reparti quelques secondes plus tard.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM @ISRAELPREMIERTECH/PHOTO @SPRINTCYCLING

Guillaume Boivin dans un des fameux bergs du Tour des Flandres

« Je suis revenu dans le groupe principal, mais après 30-40 minutes, je commençais à filer moyen », a exprimé avec dépit celui qui avait fini neuvième d’À travers la Flandre mercredi.

Boivin s’est rendu au bout (93e), sans trop savoir dans quel état il se trouvera lundi. Un genou et une épaule ont également été touchés. Il a passé des tests pour évaluer s’il avait subi une commotion.

« On verra comment je vais réagir dans les prochains jours, mais je pense que ça va être correct », a-t-il dit en anticipant Paris-Roubaix, où il s’est classé neuvième en 2021.

Un peu avant de visiter le bitume, Boivin a cassé son dérailleur tandis qu’un groupe de poursuite comprenant l’ex-gagnant Kasper Asgreen se formait, ce qui l’a obligé à changer de vélo.

C’était un peu une journée de m… pour moi, honnêtement. Mais à voir le vol plané que j’ai fait, ça aurait pu être pire.

Guillaume Boivin

L’ex-champion canadien s’est désolé de la quantité de chutes majeures qui ont ponctué l’épreuve, dont une qui a indirectement condamné Nickolas Zukowsky (Q36.5), le troisième Canadien en lice, qui n’a pas terminé la course.

« Je ne sais pas ce que les gars faisaient, mais des chutes comme ça dans un peloton pro, c’est assez impressionnant, s’est navré Boivin. C’était l’enfer. »

Mais le paradis pour Pogačar.