Le 23 janvier 2014, Alex Cataford venait à peine de partir s’entraîner à Tucson quand il a percuté une voiture qui sortait d’une rue secondaire. Le chauffeur ne l’avait pas vu. Le cycliste a subi de multiples fractures à la mâchoire, s’est brisé une vertèbre cervicale et a perdu six dents.

Cataford a été hospitalisé cinq jours au centre médical de l’Université de l’Arizona avant de rentrer chez lui à Ottawa. Il a subi trois opérations pour replacer les maxillaires réduits en miettes. Il a passé six semaines la mâchoire brochée, à boire avec une paille. Les plaques qui lui ont été greffées sont le seul souvenir qu’il conserve de cet accident.

« Cette année-là, j’ai pensé à plusieurs reprises que c’était la fin de ma carrière, que je ne recommencerais pas à faire du vélo », a raconté Cataford, joint au téléphone à Gérone, en Espagne, mardi.

« Finalement, avec l’aide et les encouragements de ma famille, j’ai pu reprendre sans pression. Et huit ans plus tard, regardez, je viens de finir le Giro. »

Le membre de l’équipe Israel-Premier Tech (IPT) a terminé son premier grand tour au 101e rang, dimanche, à Vérone. À ses deux premiers essais, des chutes l’avaient forcé à un abandon prématuré. À la Vuelta, l’an dernier, il s’était fracturé la clavicule dès la deuxième étape.

Je voulais assurément me débarrasser de cette malédiction ! J’étais assez heureux de me rendre jusqu’au bout en bonne santé.

Alex Cataford

Le seul coureur canadien présent au Giro a pris part à une échappée de 141 km à la quatrième étape, celle menant au mont Etna.

À titre de domestique, il a surtout roulé pour revenir sur des échappées et préparer les sprints de son coéquipier Giacomo Nizzolo. À la suite d’une troisième et d’une cinquième place, le sprinteur italien a abandonné après la deuxième semaine, se jugeant à court de puissance.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM @ACATAFORD

Alex Cataford en échappée, en route vers l’Etna

« Je dirais que j’ai accompli ce que je souhaitais, a indiqué Cataford. Je sors de mon Giro assez heureux et satisfait de ce que j’ai fait là-bas. »

Parmi ses faits saillants, il retient la montée finale du col de la Marmolada, plus haut sommet des Dolomites, à travers des milliers de tifosi, et le contre-la-montre ultime de dimanche, que sa femme a pu suivre à bord de la voiture d’équipe.

Son partenaire de chambre était Reto Hollenstein, géant suisse de 1 m 97. « Il est plus vieux [37 ans] et il en était à son 10e grand tour. Il a partagé plusieurs de ses expériences, c’était donc bien de l’avoir avec moi. »

Un moment plus ardu ? Une étape de moyenne montagne en Lombardie. « J’ai juste souffert toute la journée. Sur papier, ce n’était pas l’une des journées les plus difficiles, mais ça peut souvent nous prendre par surprise. J’ai commencé à peiner dès le départ. J’ai réussi à passer au travers de façon correcte et à terminer l’étape. »

L’ultime semaine de course a été une expérience en elle-même. « C’est juste à quel point tu es fatigué et tout le monde est fatigué. Cette dernière semaine ne ressemble assurément à aucune autre course. Il y a des journées où tu ne te sens pas bien. Mais tant que tu continues à appuyer sur les pédales, tu vas te rendre jusqu’au bout. »

Le circuit québécois

Comme plusieurs de ses coéquipiers de l’Ottawa Cycling Club, dont son ami Michael Woods, Cataford a fait ses gammes sur le circuit québécois, plus proche et surtout plus compétitif qu’en Ontario.

Recruté par feu Jean-Yves Labonté, le sextuple champion canadien junior (route et piste) a disputé une première saison professionnelle avec Garneau Québecor en 2013. Il a terminé deuxième du défunt Tour de l’Alberta, côtoyant pour la première fois de grandes pointures comme Cadel Evans, vainqueur du Tour de France deux ans plus tôt.

« C’est peut-être là que j’ai réalisé pour la première fois que je pourrais devenir un coureur professionnel et faire les plus grandes courses en Europe », a relaté Cataford, qui est passé au français à mi-chemin de l’entrevue.

En 2014, il devait accompagner Woods dans la formation italienne Amore & Vita. Avec son accident et la commotion, il n’a pratiquement pas touché à son vélo de l’année. Il a donc disputé les quatre saisons suivantes sur le circuit nord-américain, d’abord avec l’équipe montréalaise Silber Pro Racing, ensuite avec UnitedHealthcare, aux États-Unis.

En 2019, Cataford a rejoint Guillaume Boivin chez Israel Cycling Academy, où œuvre son ex-entraîneur Paulo Saldanha. Il est passé au WorldTour l’année suivante avec le reste de l’équipe, à laquelle s’est greffée la multinationale québécoise Premier Tech.

Huit ans après son terrible accident, il pédale maintenant avec Woods, qu’il a retrouvé chez IPT, et Chris Froome, qui compte quatre maillots jaunes dans sa garde-robe.

« Il ne se prend pas du tout pour un autre, il est vraiment gentil, a souligné Cataford. Parfois, tu oublies qu’il est non seulement l’un des meilleurs de notre génération, mais de toute l’histoire de notre sport. Rouler avec un champion comme ça, c’est très cool. Je vais pouvoir en parler pour le reste de mes jours. »

En savoir plus
  • 3727 km
    Distance parcourue durant le Giro
    79 910
    Kilocalories dépensées