L'itinéraire prévu par BMW pour le lancement mondial de sa toute nouvelle F800GS 2009, une aventurière poids moyen destinée à s'insérer entre les catégories existantes, n'a rien de banal. Nous sommes à Durban, en Afrique du Sud. La région, peu développée, ne manque certes pas de routes non pavées que la dernière GS dévore avec un appétit apparemment sans fond.

Équipée de suspensions au débattement inhabituellement long, la 800GS enfile les kilomètres sur le gravier ou la terre comme s'il s'agissait de bitume. Haute, mince et légère, elle ne se compare à presque rien d'autre sur le marché, sauf peut-être, physiquement, à une V-Strom 650 de Suzuki. Mais l'Allemande est un tout autre animal que le constructeur annonce capable d'affronter les pires conditions hors-route.

Il faut dire que ce "pitch de vente", BMW l'utilise depuis longtemps pour promouvoir - avec succès - sa R1200GS, et ce, malgré le fait qu'elle est en réalité simplement trop imposante pour être maîtrisée par le motocycliste moyen en terrain très accidenté. C'est d'ailleurs le paradoxe qui accompagne toutes les aventurières de grosse cylindrée puisqu'en dépit de leur fiche technique de machine de rallye, elles deviennent inaccessibles dès le moment où on s'éloigne un peu trop de la simple route de gravier, surtout en raison de leur gabarit important. Des modèles plus légers et agiles existent, mais leur cylindrée restreinte - justement choisie pour limiter leur poids - en fait traditionnellement des routières aux performances trop justes.

Étonnamment légère

Avec son poids étonnamment faible et son vivant bicylindre de 800 cc, la nouvelle F800GS s'insère entre ces deux extrêmes.

Afin de démontrer les capacités du modèle, notre itinéraire proposait une "route noire" de calibre expert. On nous suggéra même de bien réfléchir avant de s'y engager puisque le terrain était apparemment si accidenté qu'envoyer un véhicule récupérer une moto abîmée aurait presque été impossible. Tant pis, j'y vais quand même.

D'un sentier rocailleux, le tracé se transforme rapidement en une série d'obstacles majeurs. Une montée à angle très prononcé fait vite des victimes lorsque les motos s'enlisent dans de profondes tranchées. Les "experts" doivent reculer jusqu'au bas de la pente, puis recommencer en choisissant une meilleure ligne. À force de les observer et malgré mon calibre moyen dans ces conditions, je passe sans problème. Impressionnant. Jamais, et je dis bien jamais, je n'y serais parvenu avec une grosse 1200. J'ai l'impression d'être aux commandes d'une double-usage à peine moins légère et agile qu'une petite monocylindre de 650cc, mais avec considérablement plus de puissance. Avec des pneus à crampons, la F800GS pourrait s'attaquer aux pires conditions hors-route.

L'ABS, qui peut devenir très gênant durant ce type de conduite, se désengage facilement. La moto est un peu haute, mais sa faible masse facilite beaucoup les manoeuvres. C'est par ailleurs sans surprise qu'on découvre, de retour sur l'asphalte, une tenue de route solide et précise puisque les autres GS ont toujours eu cette qualité. La mécanique est toutefois une nouvelle expérience.

Le bicylindre parallèle qui anime la F800GS est basé de très près sur celui qui anime les routières F800S et ST. Annoncé à 85 chevaux, il offre des performances décidément moins intéressantes que celles d'une puissante et coupleuse 1200GS, mais se montre en revanche beaucoup plus plaisant qu'un mono de 650 cc. Il s'agit d'un compromis dans le sens pur du terme, mais tout de même d'un judicieux entre-deux: on ne doit pas s'attendre à l'agrément d'une grosse cylindrée, mais l'avantage par rapport à une plus petite mécanique est indéniable.

Le prix de la F800GS est aussi notable puisqu'on l'a intelligemment situé plusieurs milliers de dollars en deçà du montant demandé pour une R1200GS, par exemple, ce qui pourrait en faire une option fort intéressante pour l'amateur d'aventurière dont les moyens financiers ne permettent d'envisager la réputée 1200.

Disponible dès l'automne 2008, la nouvelle F800GS n'est rien de moins qu'un coup de maître de la part de BMW. Alors que presque tous les constructeurs rivaux s'affairent à tenter de concurrencer sa dominante 1200GS, le voilà qui bouge la cible en présentant une nouveauté qui change les règles du jeu. Les routiers qui en ont les moyens lui préféreront toujours la sophistiquée 1200, mais pour les inconditionnels de conduite hors-route extrême qui souhaitent aussi parcourir de longues distances sur les chemins publics de façon relativement confortable - et qui insistent pour le faire avec une seule et unique moto - n'ont tout simplement pas d'autre choix.

Bertrand Gahel est l'auteur du Guide de la Moto