Les journalistes de l’équipe des Sports racontent la fois où ils ont eu l’air le plus fou dans le cadre de leurs fonctions.

Jean-François Tremblay

Il y a un moment que j’aimerais revoir… et qui me hante encore chaque jour. En fait, il me hante, car les membres de mon équipe n’accepteront jamais de l’oublier. Dans la foulée de la mort de Guy Lafleur, nous avions évidemment l’objectif d’offrir aux lecteurs les plus belles histoires célébrant la vie du Démon blond. Tout le monde lançait ses suggestions, une liste de gens à qui parler pour les plus beaux témoignages… quand j’ai eu un flash. Qui dans l’histoire de l’humanité avait reçu le plus de tirs de Guy Lafleur ? Certainement le gardien auxiliaire du Canadien durant ses plus belles années, celui qui devait recevoir sa juste part de caoutchouc à chaque entraînement : Michel Bunny Larocque ! Sauf que voyez-vous, Bunny est mort tragiquement en 1992 d’un cancer du cerveau à tout juste 40 ans. Bref, pas de bravo pour le boss en cette petite journée…

PHOTO ARMAND TROTTIER, ARCHIVES LA PRESSE

Michel Bunny Larocque reçoit des tirs de Guy Lafleur à l’entraînement du Canadien, en février 1974.

Jean-François Téotonio

J’ai subi les contrecoups directs de cette sympathique bourde du boss quelques jours plus tard. Affecté à la couverture des funérailles de Mike Bossy, je demande à mes collègues quelles seraient les meilleures personnes à interviewer là-bas. Évidemment, on (lire : Richard Labbé) me suggère de parler à Bunny Larocque, miraculeusement ressuscité dans l’esprit de notre directeur. Le hic : j’étais probablement en congé lorsque JF avait fait rire de lui, quelques jours plus tôt, et de toute façon, je n’avais aucune idée de qui était Bunny Larocque. Encore moins qu’il n’était plus parmi nous. Alors je me présente aux funérailles, je croise l’excellent Rodger Brulotte qui, avec sa gentillesse habituelle, me propose d’identifier les gens à qui j’aimerais parler. Je lui nomme Bunny, parmi d’autres, et il se met à rire : « D’après moi, tes collègues viennent de t’en jouer une bonne ! »

Au moins, aujourd’hui, cette anecdote me permet de parler moins longuement de la fois où j’ai été pris entre deux portes du Centre Bell, à une de mes premières couvertures d’un gala de boxe. Moi qui cherchais à sortir rapidement de l’édifice pour aller me procurer un repas à l’extérieur, à moins d’une heure de la première cloche, j’ai dû me rabaisser à cogner sur une porte pendant de longues minutes avant qu’un gardien de sécurité ne vienne finalement m’ouvrir. J’étais encore en train de vivre cet humiliant moment lorsque je me suis dit qu’il se retrouverait un jour dans un de nos « Mauvaise conduite ».

Richard Labbé

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Martin Brodeur

Finale de la Coupe Stanley, printemps 2000. Les Devils du New Jersey affrontent les Stars de Dallas, et lors d’un match, je ne sais plus lequel, Brett Hull surprend Martin Brodeur d’un tir vif, franc et précis. Les Devils perdent le match et après coup, dans la mêlée de presse autour de Brodeur, j’ose cette question : « Est-ce qu’on peut parler d’un mauvais but ? » Brodeur paraît surpris par la question, répond du mieux qu’il peut, mais manifestement, la question ne fait pas son affaire. À la fin de la mêlée, il se tourne vers le responsable médiatique du club et dit : « Il va falloir se mettre à demander les questions à l’avance. » Ensuite, sur les écrans dans la salle des médias, je revois le but, et je réalise que c’est un excellent tir de la part d’un franc-tireur qui va finir sa carrière avec 741 buts dans la LNH. Alors finalement, ce n’était pas tant un mauvais but, et puis Martin, je m’excuse.

Nicholas Richard

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Notre journaliste Nicholas Richard tentant de retourner un service de Gabriel Diallo.

En novembre dernier, je suis allé faire un reportage au stade IGA avec Gabriel Diallo dans le but de prouver qu’il était impossible pour un amateur de battre un joueur professionnel de tennis. Tout s’est bien déroulé, vraiment. Diallo et son entraîneur Martin Laurendeau ont été géniaux. Je ne regrette rien de l’expérience, sauf ma performance… Je m’attendais à me faire donner une raclée, mais le sportif orgueilleux que je suis aurait aimé au moins retourner l’un de ses services dans le terrain. J’en ai retourné un, attention, mais la balle s’est retrouvée à l’extérieur des lignes du terrain, de beaucoup. Avec mon expérience amateur dans le monde du tennis, je croyais au moins pouvoir survivre pendant un court échange. Or, non. Depuis, je m’entraîne deux heures par jour à raison de six soirs par semaine uniquement en retour de service.

Guillaume Lefrançois

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Carey Price

Personne ne s’ennuie des entrevues d’après-match sur Zoom, qui étaient devenues la norme pendant la pandémie. Au début de la saison 2021, Carey Price avait reçu de nouvelles jambières, qu’il testait à l’entraînement. Les détails m’échappent, mais il y avait un monde de différence entre les deux modèles, si bien qu’il était absolument impossible de les confondre. Mais pour une raison que j’ignore encore trois ans plus tard, j’avais eu une crampe au cerveau après une victoire du Canadien et j’avais demandé à Price en quoi les nouvelles jambières l’aidaient à connaître du succès. Devant l’air confus de Price, je me suis enfoncé encore plus en répétant la question, après quoi le gardien m’a répondu qu’il jouait avec ses vieilles jambières, l’air peu impressionné par son interlocuteur. Une telle situation, en personne, se désamorce facilement en jasant informellement après la mêlée de presse, pour peu que l’on fasse preuve d’autodérision. Mais les visioconférences étant ce qu’elles sont, je venais de brûler mon seul droit de parole, mon micro était éteint, et on se retrouvait devant un silence inconfortable jusqu’à ce que la question suivante soit posée.