Dans le monde du sport, la perfection n’existe pas. En revanche, les Canadiennes Melissa Humana-Paredes et Brandie Wilkerson s’en sont rapprochées, drôlement et dignement, en remportant la première édition du tournoi Elite16 de Montréal, dimanche.

« Je ne sais pas si ça existe ou pas, mais si c’est le cas, on est assez proches », a évoqué Brandie Wilkerson, comblée, médaille d’or au cou, sur le court central du parc Jean-Drapeau après la cérémonie des médailles.

Quelques minutes auparavant, la joueuse de 31 ans avait bloqué la dernière menace de ses adversaires pour mettre la main sur le titre le plus important depuis le début de son association avec Humana-Paredes, en octobre dernier.

Les favorites locales ont eu le dessus sur les Américaines Betsi Flint et Julia Scoles en trois manches de 21-15, 16-21 et 15-13.

Lorsque le ballon est tombé comme une ancre pour toucher le sable, les championnes se sont envolées. Elles sautaient de joie et couraient dans toutes les directions avec des drapeaux canadiens en guise de cape. Héroïnes pour les 2000 spectateurs réunis dans l’enceinte, les Canadiennes venaient d’écrire leur propre histoire qui, ultimement, est devenue celle de tout le monde.

Jusqu’à la fin

Leurs trois matchs ayant précédé la finale avaient nécessité une manche ultime. Le dernier du tournoi n’a pas fait exception.

« On voulait rendre ça amusant pour les amateurs », a blagué Humana-Paredes.

En première manche, les joueuses en rouge ont complètement bousillé le plan de match de leurs rivales américaines, classées au 11e rang mondial. Chaque fois qu’elles envoyaient leur service en direction de Wilkerson, car elle est plus faible que sa partenaire en défense, les Canadiennes relançaient avec un enchaînement touche et smash se concluant la majorité du temps par un énorme coup gagnant de Wilkerson.

Les Américaines sont revenues au plus fort de la course au deuxième acte, et la troisième manche a été chaudement disputée. Il y a eu cinq égalités consécutives, comme un crescendo vers le titre, jusqu’au moment où grâce à un habile pokey, Humana-Paredes a donné les devants pour de bon à son équipe.

Il s’agit d’une première médaille d’or pour le duo en tournoi Elite16, la catégorie la plus importante du Beach Pro Tour. Préalablement cette saison, elles avaient également gagné le bronze à Ostrava et l’or en Challenge à Jurmala. Mais ce titre à Montréal est sans égal.

Toute la semaine, on a répété que le classement mondial n’avait rien à voir avec le talent et le rendement des deux joueuses. Officiellement au 26rang, les Ontariennes peuvent véritablement croire en leurs chances aux prochains Championnats du monde, à l’automne, et aux Jeux olympiques de Paris, dans un an.

« Oui, absolument. On se voit là. On est contentes du travail accompli, mais il y a certainement place à l’amélioration. Plusieurs choses entrent en ligne de compte, mais on semble avoir un bon timing », a confirmé Wilkerson.

Marquer l’histoire

Comme le circuit mondial se tient principalement en Europe, il est rare pour les athlètes du Canada de pouvoir se sentir à la maison.

Cette semaine, elles l’ont senti. Wilkerson, d’ailleurs, évoluait pour la première fois devant les membres de sa famille depuis ses débuts dans les rangs professionnels.

Elle est allée les cajoler à coups de « merci » et de « wow » dans le coin du terrain après la rencontre.

On a gagné une famille encore plus large cette semaine.

Melissa Humana-Paredes

Plus important encore, les joueuses ont répandu joie et bonne humeur tout au long de la semaine. Elles ont été disponibles, à l’écoute et généreuses.

Les amateurs le leur ont bien rendu, dimanche soir.

Entre les gorgées de champagne et les bouchées d’or, les applaudissements et les cris sous forme de « olé, olé » n’ont jamais vraiment cessé. Comme une musique d’ambiance agréable dans un lieu que l’on considère comme chez soi.

« C’est la chose la plus importante que l’on souhaite partager. C’est la joie qu’on a de jouer au volleyball », a dit Humana-Paredes dans une envolée à propos de leur désir de faire plus que de gagner des matchs. « On ne pourrait pas jouer à ce niveau et déployer autant d’énergie si on n’éprouvait pas autant d’amour l’une pour l’autre, et je pense que les gens l’ont senti. »

Chose promise…

En demi-finale et en finale, même si Wilkerson a été plus spectaculaire, Humana-Paredes a monté la garde en défense de manière renversante. Néanmoins, presque autant que la médaille dans son cou, elle est satisfaite d’avoir pu prouver à tous qu’il est possible de triompher dans l’allégresse : « On veut mettre de l’avant cette nouvelle approche et cette nouvelle manière de compétitionner au plus haut niveau. Il faut être fières de qui on est. Il faut sourire. Il faut souligner nos bons coups et apprécier ce qu’on fait. Les gens se reconnaissent là-dedans. »

Elles ont aussi prouvé que l’avantage du terrain était un fait et, surtout, un facteur avéré.

Le sable, le ballon et les adversaires étaient les mêmes que partout ailleurs. Mais la foule, la motivation et le narratif ont été bien différents au cours de cette parenthèse montréalaise.

Un chapitre s’est ouvert et personne ne voulait y mettre un point final. Le match était terminé depuis deux heures, et les amateurs présents autour du circuit Gilles-Villeneuve étaient encore à demander s’ils avaient été témoins de l’histoire ou s’ils en faisaient partie.

Il y a une semaine, Wilkerson avait confié à La Presse que « ce tournoi pourrait être historique ».

« On tient nos promesses. On tient nos promesses ! a-t-elle répété en serrant le poing lorsqu’on lui a rappelé cette déclaration. Quand on se fixe des buts, on les atteint. »

Les rois norvégiens

Humana-Paredes et Wilkerson sont entrées sur le court central au son des applaudissements scandinaves, célébration sportive devenue mythique qui consiste à applaudir en mettant les mains au-dessus la tête et en accélérant la cadence de plus en plus.

Au centre du terrain, Anders Mol et Christian Sorum jouaient le rôle de chefs d’orchestre.

Les Norvégiens venaient de triompher face aux Américains Miles Partain et Andy Benesh en deux manches de 21-17 et 21-15.

Le concert s’est conclu avec un saut périlleux arrière des deux meilleurs joueurs au monde.

« Je pense qu’on a eu du plaisir surtout à cause de la foule, a lancé Mol après la compétition. La foule nous a donné des ailes. Je ne sais pas trop pourquoi ils nous aiment autant, mais on aime plutôt ça ! »

Les champions olympiques ont donc atteint la finale de tous les tournois auxquels ils ont participé cette saison. Il s’agit de leur troisième titre. Une revanche également du dernier tournoi, à Gstaad, où les Américains les avaient battus.

Il était donc légitime de se demander ce qui a fait la différence, cette fois, pour obtenir leur revanche.

« Anders Mol, a répondu instinctivement Sorum. Il a fait la différence aujourd’hui. Il a tellement bien joué ! Il a si bien bloqué, alors je pense que c’est ça, le facteur le plus important. »

Comme deux potes après une longue journée à la plage, leur dimanche s’est terminé au coucher de soleil, en sandales, avec un hot-dog et une bière dégustée sur la passerelle, non loin des membres des médias. Leur copieux goûter ne les a pas empêchés de devoir signer de nombreux autographes. Si bien que Mol a terminé son repas avec un moutarde-choux dans la main gauche et un crayon Sharpie dans la main droite.