Deux victoires en deux matchs sans même laisser filer une seule manche. Une autre journée au bureau, banale et ordinaire, pour les deux meilleurs duos de volleyball de plage au monde.

Anders Mol et Christian Sørum étaient recouverts de sable après leur deuxième rencontre du jour s’étant conclue par un autre blanchissage, jeudi, lors de la première journée de la phase des groupes du tournoi Elite16 organisé par le Beach Pro Tour au parc Jean-Drapeau. Les deux géants se sont présentés dans la zone mixte réservée aux médias déguisés en Sandman, l’ennemi juré de Peter Parker.

Conclure avec satisfaction est devenu une habitude pour le duo norvégien. Ils sont les favoris depuis bientôt quatre ans sur le circuit, comme l’a rappelé Sørum, et ils ont participé aux finales de tous les tournois depuis le début de la saison.

« C’est notre constance qui nous permet d’être les meilleurs au monde », précise Mol, en enlevant le sable de ses bras, pour envoyer celui-ci par inadvertance sur un cahier de notes de moins en moins blanc à mesure que se poursuit l’entrevue.

Le fait d’être de toutes les finales en 2023 est « une grosse réalisation », raconte l’homme de 26 ans. « On ne l’avait jamais vécu auparavant », poursuit-il.

Même si les deux matchs de jeudi ont semblé routiniers tant leur domination était sans conteste, « la première manche [du dernier match] a été très difficile », insiste Sørum. Toutefois, le duo a construit sa réputation sur sa capacité à toujours se sortir du pétrin. Un échange n’est jamais terminé tant que le ballon n’a pas touché au sable. Leur combativité a conquis les amateurs montréalais.

C’est dur parfois de jouer une semaine et d’être à l’arrêt pendant un mois en attendant le tournoi suivant. C’est pourquoi il faut trouver du rythme rapidement à chaque tournoi.

Anders Mol

Leur épopée québécoise a d’ailleurs commencé à Laval, au royaume des Martin, là où les Matte, Petit et St-Louis ont fait les 400 coups. Le fait étant que la belle-sœur de Mol y réside. « C’était vraiment le fun, et surtout là, de jouer près des paddocks de la F1 ! »

Un détour au Colossus ne les a pas empêchés de poursuivre sur leur lancée. S’ils sont à Montréal, c’est pour continuer de jouer en finale, et même plus encore, comme le souligne Sørum : « On a eu une bonne préparation et un bon début de tournoi. Nous, tout ce qu’on souhaite, c’est bien jouer et gagner des tournois. Jusqu’à présent, c’est mission accomplie. »

Toujours en train d’essuyer la neige d’été recouvrant ses avant-bras, Mol refuse de croire que le duo qu’il forme depuis 2016 avec son coéquipier est arrivé au bout de son potentiel. Malgré l’or olympique en 2021, quatre titres en championnats européens et de nombreux podiums sur le Beach Pro Tour, ils ne sont pas rassasiés.

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Anders Mol et Christian Sørum lors du tournoi de Gstaad, en Suisse, début juillet

Chaque année, chaque saison, il y a quelque chose à améliorer. On a faim, on est affamés. On veut continuer de régner. On ne veut pas être deuxièmes. C’est aussi un état d’esprit.

Anders Mol

Si leurs volontés se concrétisent, les autres duos auront fort à faire pour défaire les deux rois du volleyball de plage masculin.

Il a brièvement été question de Casper Ruud et Viktor Hovland, deux héros norvégiens, et le tout s’est terminé par une poignée de main franche et costaude, saccageant ainsi la propreté d’une paluche dorénavant abîmée par le sable, la sueur et une once de crème solaire appliquée préalablement.

Après l’entrevue, les amateurs se sont rués sur les deux champions. « On commence à avoir l’habitude », souffle Mol en maintenant un sourire figé pendant l’une des 30 photos prises en l’espace de quelques minutes.

Chimie et plaisir

Eduarda Santos Lisboa, surnommée simplement « Duda », et sa partenaire Ana Patrícia Ramos ont elles aussi conclu leur première journée de compétition avec un dossier sans tache.

Si les averses et le son du déluge sur les gradins en métal autour du court central ont découragé certains détenteurs de billets en début de journée, le soleil est apparu à l’arrivée des Brésiliennes sur le terrain.

Avec leur sourire, leur spontanéité et leur enthousiasme, pas surprenant que le soleil et la chaleur du Sud les aient suivies jusque dans la métropole.

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Eduarda Santos Lisboa et Ana Patrícia Ramos

Elles ont joué immédiatement après les Norvégiens. Comme eux, elles n’ont fait qu’une bouchée de leurs adversaires, prouvant ainsi pourquoi elles étaient les favorites pour triompher cette semaine.

Leur timidité et leur petite voix offraient un contraste saisissant avec toute la fougue et l’agressivité déployées sur le terrain quelques minutes auparavant.

Selon elle, c’est leur chimie qui est au centre de leur succès. « C’est notre union. Mais on veut aussi prioriser le plaisir en plus de donner le meilleur de nous-mêmes, et aujourd’hui n’est pas différent », explique Ramos, en s’excusant à la fin de sa phrase pour la qualité de son anglais. Ce sera d’ailleurs le cas tout au long de l’entrevue, après chaque réponse, même si son anglais n’avait rien de gênant. Elle a toutefois conclu certaines phrases en portugais.

« Ça vient de notre entraînement », ajoute Duda au sujet de leur complicité.

« On travaille ensemble quotidiennement, c’est sûr que ça crée une proximité. C’est un travail de tous les jours. »

Premières au classement général, les championnes du monde en titre sont sur une séquence de deux triomphes consécutifs.

« Il y a tellement de bonnes équipes. Évidemment, on veut rester numéro un, surtout pour la classification olympique », précise l’athlète de 24 ans. Si le but est de rester au sommet, c’est donc pour assurer leur place aux Jeux de Paris, dans un an.

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Ana Patrícia Ramos et Eduarda Santos Lisboa

Normalement, on ne pense pas trop à l’avenir, on y va au jour le jour, tournoi par tournoi, on y va avec notre instinct, mais cette année, c’est différent.

Ana Patrícia Ramos

Drapeau brésilien sur les épaules, Duda explique pourquoi monter sur la plus haute marche du podium olympique serait à ce point lourd de sens : « C’est notre rêve. Il y a tellement de bonnes équipes au Brésil, c’est pour ça que maintenir le premier rang est super important. »

Chose certaine, elles peuvent compter sur l’appui indéfectible des partisans brésiliens. Ils étaient des dizaines autour du court central, jeudi après-midi. Ils y étaient tous également, après, autour de l’entrevue. À la fin de celle-ci, les fans se les arrachaient. Duda et Ana Patrícia étaient devenues Paul et John le temps d’une séance photo improvisée, mais pour laquelle elles ont pris tout leur temps.