« Pour moi, le CrossFit est comme un défi qui est interminable. »

Le plaisir est devenu passion, puis la passion est devenue compétition. Aujourd’hui, le CrossFit est un mode de vie pour Alex Vigneault, qui s’entraîne huit heures par jour en vue de ses sixièmes CrossFit Games.

Vigneault prend l’appel de La Presse par un vendredi soir de juillet. Le natif de Havre-Saint-Pierre n’est pas en train de profiter du beau temps sur une terrasse ; il vient plutôt de terminer la dernière de ses trois séances d’entraînement du jour à Cookeville, au Tennessee. Le Québécois y passe le mois en préparation aux CrossFit Games, qui débuteront le 3 août à Madison, au Wisconsin.

Là-bas, il s’entraîne dans le gym appartenant à Rich Froning, ex-champion des Games et source d’inspiration pour Vigneault depuis des années.

« C’était mon rêve de venir ici, lance-t-il. Avant de partir, je me disais : c’est mon rêve, mais je laisse ma famille pendant trois semaines. J’avais un petit pincement. »

Vigneault est animé d’une passion insatiable et dévorante pour le CrossFit. Au fil des années, il aurait pu abandonner. Mais la passion était plus forte que tout.

Tout a commencé il y a dix ans, en 2013. Vigneault, 21 ans, venait d’arrêter de jouer au hockey. Il a découvert le CrossFit par pur hasard, alors qu’il étudiait en génie civil à l’Université Laval. Un cours d’introduction et hop ! il était accroché. De retour chez ses parents à Havre-Saint-Pierre l’été suivant, il a acheté de l’équipement pour plusieurs milliers de dollars afin de se créer un gym dans le garage.

« Je ne voulais pas faire de compétition à ce moment-là, je voulais juste avoir du plaisir », raconte-t-il.

En 2014, un ami lui a fait découvrir les CrossFit Games et le processus de qualifications pour y accéder. Se prêtant au jeu, Vigneault a terminé premier au Canada. À l’étape suivante, aux régionaux, il a pris le troisième rang, tout près d’une sélection pour les Games.

« C’est à ce moment-là que je me suis dit : je pense que je vais être plus sérieux, je vais mettre plus d’efforts là-dedans. »

PHOTO FOURNIE PAR CROSSFIT MAYHEM

Alex Vigneault

Un, deux, trois garages

Plus qu’une passion, le CrossFit est devenu un emploi pour Vigneault, qui a commencé à s’entraîner tous les jours. C’est aussi en 2014 qu’il est retourné au cégep pour étudier en techniques policières. Comme il avait déjà fait tous ses cours de base, il bénéficiait d’un horaire allégé lui permettant de s’entraîner davantage.

« Je savais qu’en faisant une technique policière, j’étais capable d’avoir de petits commanditaires. J’étais capable de vivre de cette façon-là, de faire ma carrière de CrossFit sur le côté et de faire mes études en même temps. »

En 2015, mission accomplie : il a pris part à ses premiers Games. Son résultat : 11e au monde. En 2016, il a terminé au 9e rang.

Puis, les obstacles : en 2017, une blessure au pectoral droit l’a empêché de compétitionner. En 2018, une sinusite l’a privé d’une étape aux qualifications. En 2019, « ça n’a pas été une bonne année » et il a fini 25e aux Games.

« Il y a plusieurs moments où j’aurais pu dire : je tire la plogue, laisse-t-il tomber au bout du fil. Mais, je ne sais pas, parfois j’essaie de trouver une solution à pourquoi c’est arrivé de cette façon-là au lieu de me dire : est-ce que je suis assez bon ? Ç’a été payant jusqu’ici, parce que j’ai 31 ans et je compétitionne encore avec des nouveaux qui arrivent. »

Non seulement il n’a pas abandonné, mais il a aussi tout fait pour continuer. En 2019, Vigneault a postulé pour travailler à la Sûreté du Québec ; sachant qu’il serait placé sur la Côte-Nord, il a temporairement déménagé chez ses parents avec sa blonde.

Il n’y a pas de gym de CrossFit à Havre-Saint-Pierre, donc mon frère et moi, on a bâti une annexe sur le garage de mon père.

Alex Vigneault

Attitré au poste de Sept-Îles, Vigneault a dû déménager de nouveau avec sa conjointe. Encore une fois, leur nouvelle ville n’était pas dotée d’un gym de CrossFit. « Je me suis bâti un deuxième garage », relate-t-il.

Ennuyé par des voisins qui se plaignaient des bruits que faisaient ses haltères en tombant sur le sol, Vigneault a proposé à sa conjointe de déménager de nouveau quelques mois plus tard.

« Elle n’était pas trop d’accord, mais j’ai dit que je n’avais pas le choix si je voulais continuer à faire du CrossFit parce que je ne pouvais plus faire d’haltérophilie. »

Dans la nouvelle maison, le garage n’était pas assez gros. Encore une fois, il a dépensé pour bâtir une annexe. « Là, je suis installé pour tout le temps ! », s’exclame-t-il, presque amusé par toutes ces péripéties.

PHOTO FOURNIE PAR CROSSFIT MAYHEM

Alex Vigneault

Pas seul

À ce jour, Alex Vigneault continue à pratiquer son sport de façon assidue et sérieuse, en plus d’être papa de deux enfants de 3 ans et de 8 mois.

« Je ne suis vraiment, vraiment pas tout seul là-dedans ! insiste-t-il. Ma blonde est incroyable. Si elle n’était pas là, si elle ne me soutenait pas dans ce que je fais, ça ne fonctionnerait pas. »

En 2021, Vigneault a réussi son meilleur résultat, une 8e place, et en 2022, son pire ; une 25e place. À 31 ans, voilà qu’il s’est encore qualifié parmi les 40 participants invités aux Jeux mondiaux dans la catégorie principale. Entre course, natation, haltérophilie ou encore vélo de montagne, il s’entraîne huit heures par jour.

« Ce n’est pas d’entraîner un muscle, c’est d’entraîner des mouvements. Il n’y a plus de limite. […] C’est un mode de vie que je vais garder toute ma vie. »

Même s’il prend de l’âge, Vigneault continue de se fixer des objectifs. Il aimerait entre autres trouver un commanditaire afin de pouvoir se concentrer sur le CrossFit à temps plein dans la prochaine année. Et dans le meilleur des mondes, il participerait aux Games avec son frère Jérémy dans les prochaines années.

« Ça fait partie des raisons pour lesquelles j’étire la sauce, admet-il. Je ne lui mets pas de pression, mais d’ici deux ans, ça ferait ben ! »

Les CrossFit Games

Les CrossFit Games représentent le test ultime de forme physique. Sur plusieurs jours, les participants sont mis à l’épreuve dans toutes sortes de disciplines qu’ils ne connaissent pas d’avance. Ils doivent donc être prêts à tout. « La définition du CrossFit, c’est de ne pas être le spécialiste dans aucune discipline sportive, explique Alex Vigneault. C’est d’être le plus polyvalent. » Force, vitesse, endurance… le grand champion et la grande championne sont ceux qui s’adaptent et performent le mieux dans l’ensemble des épreuves. Ils reçoivent chacun une bourse de 315 000 $.