« Le jour où ça va finir, je serai prêt pour ma vie sans le hockey. Je ne serai pas assis sur mon divan après deux, trois mois à me demander : qu’est-ce que je fais du reste de ma vie ? »

Les histoires de hockeyeurs qui se cherchent une fois leur carrière terminée sont nombreuses. Alex Chiasson ne veut pas en faire partie. C’est pourquoi, même s’il ne songe pas à la retraite, il planifie déjà son retour aux études, afin de réussir les six cours qu’il lui manque pour décrocher son diplôme. Afin, aussi, de respecter une promesse à ses parents.

L’attaquant, actuellement joueur autonome, a donc décidé d’agir cet été, en se rapprochant de son alma mater, l’Université de Boston (BU). Pour la première fois depuis qu’il a quitté les bancs d’école, en 2012, Chiasson passera donc la saison estivale dans la ville de New Kids on the Block.

L’histoire de son retour dans la région a commencé au plus fort de la pandémie.

« J’avais 29 ans et beaucoup de temps libre, se souvient-il. L’association des joueurs (AJLNH) organisait des séances Zoom pour nous donner des conseils. Une fois, je m’étais connecté et ça parlait de la retraite. Que veux-tu faire ? Veux-tu avoir un permis d’agent immobilier ? Ça a fait réfléchir beaucoup de joueurs dans la ligue. »

Ça m’a fait réaliser qu’un jour, ma carrière allait finir, et qu’ensuite, on devait continuer à vivre. On a une vie très organisée. Tous les jours, on a un entraînement, un match, un voyage. Et moi, j’aime avoir une vie organisée.

Alex Chiasson

Chiasson espérait retourner aux études dès cet été. C’est ce qu’il nous avait confié lors de son passage au Centre Bell avec les Red Wings de Detroit, en avril. Mais comme il le dit, « c’est plus facile à dire qu’à faire ». Parmi les facteurs qui l’ont mené à reporter le projet : lui et sa conjointe se sont mariés cet été. Mais il y a plus.

« Quand je suis parti en 2012, j’ai fermé les livres, je me suis dit que j’allais revenir un jour pour finir. Mais j’aurais dû revenir plus tôt. Les gars ne le faisaient pas beaucoup dans ce temps-là, mais ils le font plus aujourd’hui. Maintenant, les jeunes voient les anciens de la LNH, donc ils comprennent qu’ils pourront revenir. »

En attendant, il a rencontré une personne-ressource pour les étudiants membres des programmes sportifs de la BU. « Il me reste six cours, et on a fait un plan pour l’avenir. Mes six cours, je les ferais en un an. Ça fait longtemps que j’ai été à l’école, je dois être rouillé ! Mais là, j’ai mis un pied dans la porte.

« Quand j’avais signé mon contrat avec Dallas après ma troisième année ici, j’avais dit à mes parents que j’allais revenir à l’école et finir mes cours. Mais pour nous, ce n’est pas juste pour mon diplôme. On veut s’établir ici. Cet été, ça m’a donné le goût de revivre dans la ville, d’aller souper en ville.

« Donc quand je vais décider que ce sera fini, on a un plan de match. C’est un peu épeurant. Tu fais la même vie pendant 11 ans, et un jour, tu dois tourner la page et accepter ta nouvelle vie. »

Un nouveau programme

Des histoires comme celle de Chiasson réjouissent l’AJLNH. C’est que le syndicat des joueurs a lancé, le mois dernier, le programme UNLMT, qui vise justement à inciter ses membres à explorer leurs intérêts en dehors du hockey.

« Notre approche est individuelle. Alex veut finir son diplôme. Mais chacun a son projet. Certains veulent créer une balado, un autre veut explorer l’agriculture », illustre Rob Zepp, un ancien gardien qui a joué 10 matchs pour les Flyers de Philadelphie, et qui est maintenant directeur des initiatives stratégiques de l’AJLNH.

Pour Zepp, des initiatives comme celle de Chiasson ne peuvent être que bénéfiques pour les joueurs, surtout lorsqu’elles sont lancées pendant que ledit joueur est toujours actif. Zepp rappelle qu’il a terminé son MBA pendant qu’il jouait. « Et je peux assurer que de faire ça a fait de moi un meilleur joueur. J’étais motivé sur la glace, mais ma vie ne tournait pas seulement autour de ça. »

« Il y a de plus en plus de recherches qui soutiennent, de façon générale, la notion qu’un athlète qui a d’autres intérêts que son sport en retire des bénéfices dans ses performances. Prends ces recherches et ajoute-les à ce que les joueurs nous disent, et ça va de soi. »

De quoi donner raison, plus de 30 ans plus tard, à Stéphane Richer et son « il n’y a pas juste le hockey dans la vie », qu’il avait confié au légendaire collègue Marc de Foy.

Avec Lane Hutson

Le retour à l’école, c’est bien beau. Mais Chiasson est catégorique : sa carrière n’est pas terminée.

Cela dit, il est libre comme l’air depuis le 1er juillet et espère décrocher un contrat. Ça n’est rien de nouveau pour lui, remarquez. L’an dernier, il avait attendu à novembre avant d’obtenir un contrat, et c’était un contrat de la Ligue américaine, avec Grand Rapids. En mars, les Red Wings lui en ont offert un pour la LNH. Il a donc disputé 20 matchs avec les Wings, inscrivant neuf points (six buts, trois aides).

En 2021, il avait signé son contrat en octobre, tout comme en 2018 et en 2017. « Je ne suis pas nerveux, mais ça ne veut pas dire que c’est plus facile avec les années ! », lance-t-il en riant.

En attendant, il profite des installations de la BU pour garder la forme. Ces initiatives ne sont pas innocentes : en rendant leurs infrastructures accessibles à leurs anciens, les universités ont trouvé un incitatif pour les rapatrier. Quand leur retour débouche sur un diplôme, comme ça pourrait être le cas de Chiasson, le taux de diplomation des étudiants-athlètes en bénéficie.

Chiasson s’entraîne quatre jours par semaine, sur la glace et en gymnase. Dans le groupe qui le précède, on retrouve deux espoirs du Canadien, Lane Hutson et Luke Tuch. Évidemment, Hutson a particulièrement attiré son attention.

« Tu vois qu’il en mange, du hockey. C’est sa passion. Il a un super bel avenir. Il a un gros rôle, il arrive à sa deuxième année à la BU. Avec tout ce qu’il a accompli, sky is the limit. Il a un talent exceptionnel et il est dévoué à l’entraînement. »

Son message pour lui ? « Je lui ai dit de profiter de ces années-là. Apprécie ce que tu as en ce moment, tu es dans un des meilleurs programmes universitaires aux États-Unis. »