« J’étais le seul Noir, pas juste de mon équipe, mais des deux équipes. Mes parents étaient les seuls Noirs dans les gradins. Le sport a grandi. Année après année, on voit des changements et c’est bon à voir. »

Anthony Duclair n’a pas grandi dans le Québec des années 1970, mais plutôt dans celui des années 2000. Mais même si le joueur de 27 ans était pee-wee il y a à peine 15 ans, il se souvient d’un sport blanc, et blanc longtemps.

Le Duclair de cette époque aurait donc eu du mal à croire ce qui se passait sur une des patinoires du Sportplexe de Pierrefonds, mercredi. Toute la semaine, en fait, une soixantaine de jeunes de 7 à 15 ans, « issus des minorités visibles », selon le communiqué, participent au camp Duclair-Imama, nommé ainsi pour Anthony Duclair et Bokondji Imama, les deux visages les plus connus de l’initiative.

Christopher, le petit frère de Duclair, qui jouera pour le Rochester Institute of Technology (RIT) la saison prochaine, faisait aussi partie des entraîneurs sur la patinoire.

Autant de Noirs sur la patinoire en même temps, c’est du jamais-vu pour moi et Boko.

Anthony Duclair

La LNH critiquée

En organisant son camp, Duclair passe ainsi de la parole aux actes. L’attaquant des Sharks de San Jose est en effet membre de l’Alliance de la diversité du hockey (HDA), qui regroupe neuf joueurs actifs ou retraités, dont Akim Aliu, le porte-voix du groupe. La HDA se donne comme mission, au niveau communautaire, de « s’assurer que le hockey soit accessible à tous ceux qui aiment le sport ».

« Le hockey est un sport qui manque de diversité et qui est très cher, rappelle Imama. D’avoir une plateforme qui permet de faciliter l’accessibilité, c’est un rêve qui devient réalité. »

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

Bokondji Imama

Or, la HDA s’est formée en marge de la LNH, et on en a eu un rappel très clair la semaine dernière. Une semaine après l’annonce par la LNH de la création de la Coalition des joueurs pour l’inclusion, la HDA a répliqué par une déclaration assassine sur ses réseaux sociaux.

« Selon la LNH, cette “nouvelle” initiative cherche à promouvoir l’égalité et l’inclusion au hockey sur la patinoire comme à l’extérieur. C’est risible, sachant tout ce que nous avons fait depuis trois ans, sans aucun soutien de la LNH. La mission de la Coalition de la LNH ne fait pas tant écho à la nôtre qu’elle en est une cynique tentative d’appropriation. »

Duclair ne souhaitait pas s’étendre sur des sujets autres que son camp. Invité néanmoins à réagir à la sortie de la HDA, Duclair a dit appuyer « n’importe quel “statement”. J’en fais partie, ce sont tous mes frères. »

Sent-il que la LNH engendre des changements avec ses initiatives ?

Il y a beaucoup de travail à faire. Mais un camp comme le nôtre, avec des joueurs actifs qui viennent dans la communauté, c’est là que le vrai travail se fait. C’est bien beau, d’avoir les “headlines” [les grands titres] comme la Ligue nationale, mais il faut faire du travail. Moi et Boko, on prend ça à cœur. On ne veut pas juste parler, on veut agir. On a fait un camp en Floride il y a trois semaines, on en a un autre ici, ce sera annuel. Comme j’ai dit aux parents, on va même rester en contact avec des jeunes pour le repêchage dans 10 ans !

Anthony Duclair

Imama, lui, n’est pas membre de la HDA, mais il déplore le conflit actuel. « La HDA et la Coalition, je pense, ont le même but, les deux veulent faire grandir le hockey, rappelle l’attaquant nouvellement membre de l’organisation des Sénateurs. Le fait qu’il y ait du mécontentement, c’est dommage. Ils pourraient être une plus grosse force s’ils travaillaient ensemble. »

Bien qu’il y ait un certain progrès, la LNH n’est pas exactement un microcosme des sociétés nord-américaines, avec une proportion avoisinant les 5 % de joueurs noirs. En ce qui concerne les employés des équipes, seuls 3,74 % s’identifient comme étant Noirs, selon des données publiées par la LNH en octobre 2022.

Imama reconnaît toutefois le progrès fait à l’échelle locale. « Des initiatives comme le camp Duclair-Imama, ça n’existait pas dans mon temps, rappelle-t-il. Je devais faire ma route. J’étais le seul ou un des seuls joueurs de couleur. […] Les jeunes ont eu des modèles, des joueurs comme Anthony [Duclair], Jarome Iginla, P. K. Subban, qui ont laissé leur marque.

« Faire grandir le hockey, tout le monde peut le faire. Mais c’est sûr qu’avec mon histoire, ma couleur de peau, veut, veut pas, tu as une certaine responsabilité, et c’est ce que je veux faire. »

Le deuxième flirt était le bon

Cantonné dans l’Ouest depuis le début de sa carrière professionnelle, Bokondji Imama se rapproche enfin de la maison. Le 1er juillet, l’ancien du Drakkar de Baie-Comeau et des Sea Dogs de Saint John s’est entendu avec les Sénateurs d’Ottawa sur un contrat d’un an, à deux volets. Après quatre ans dans l’organisation des Kings de Los Angeles et deux dans celle des Coyotes de l’Arizona, c’est un nouveau départ pour le colosse de 221 lb. « L’an passé, les Sénateurs m’avaient démontré de l’intérêt, mais j’avais voulu être loyal aux Coyotes, donc je suis resté. Mais Ottawa est revenu à la charge cet été. Je serai enfin proche de la maison, je vais voir ma nièce de 1 mois grandir, il y aura souvent des matchs à Montréal, au Québec. Ça va faire du bien à ma carrière. » Imama a profité de son passage en Arizona pour disputer ses premiers matchs dans la LNH. Il en a joué cinq la saison dernière, et quatre en 2021-2022. Reste à voir s’il pourra ajouter à ce chiffre cette saison.