Elles sont cinq étudiantes-athlètes qui ont en commun le désir de bâtir un avenir dans lequel les femmes pourront briller de tous leurs feux. Aujourd’hui, troisième d’une série de cinq portraits, celui de Victoria Iannotti.

Le portrait format géant de Victoria Iannotti est affiché dans le gymnase des Martlets de l’Université McGill. Immense sur le terrain, elle est pourtant d’un naturel plus réservé. Plus important encore que les bombes atomiques qui lui sortent des mains au filet, elle a quelque chose à dire et on devrait peut-être l’écouter.

Le centre sportif de l’université respire l’histoire. Entre les vitrines où reposent des artefacts d’un autre siècle et des plaques commémoratives des réussites du passé, il y a également une gigantesque fresque rendant hommage à un certain Laurent Duvernay-Tardif, ancien porte-couleur du rouge vif.

Les couloirs de l’édifice servent de transit temporel entre le passé, le présent et l’avenir.

L’un des joyaux actuels de cette institution s’appelle Victoria. Comme la reine ayant régné sur l’empire sur lequel le soleil ne se couche jamais. Son nom de famille est Iannotti, mais qu’à cela ne tienne, c’est le « McGill » écrit blanc sur rouge sur son maillot qui importe.

Iannotti est originaire de Saint-Laurent. Elle a grandi dans un milieu anglophone. Néanmoins, c’est avec fierté qu’elle a pu réaliser l’entièreté de l’entrevue dans la langue de Molière. Si elle y est arrivée, c’est grâce au volleyball. « Tout ce qui se passe dans le monde du volleyball, ça se passe en français. Quand j’ai commencé à jouer au civil, c’était en français, donc il fallait que je m’exerce à mieux m’exprimer », précise-t-elle.

PHOTO FOURNIE PAR VICTORIA IANNOTTI

Victoria Iannotti

« Depuis que je suis à McGill, je perds même un peu mon accent anglais », a-t-elle constaté, assise dans l’une des salles de réunion de l’équipe de football.

Parler pour avoir un impact

La plupart des grands leaders partagent une qualité. Chaque mot, chaque phrase prononcée a son effet. Jamais parler pour ne rien dire, toujours parler pour se faire entendre.

Iannotti est de cette race. Elle excelle sur le terrain et si elle s’exprime par la bouche de ses canons, son analyse du monde qui l’entoure est tout aussi fascinante. L’année dernière, elle a remporté le prix Thérèse-Quigley remis à l’étudiante-athlète universitaire canadienne s’étant le plus illustré pour son leadership et son engagement communautaire.

L’étudiante de 23 ans a trouvé sa place en génie informatique. « Avant, je voulais aller plus en sciences de la santé. J’ai changé plusieurs fois. J’avais plein d’intérêts. » Elle a d’ailleurs bénéficié d’un stage chez le géant Microsoft.

En s’illustrant dans le sport et à l’école, Iannotti a le monde à sa portée.

Encore cette année, elle a terminé parmi les meilleures pointeuses du circuit universitaire québécois. Elle est le catalyseur des Martlets en attaque et l’une des raisons pour lesquelles elles sont les championnes provinciales en titre.

Elle a été honorée à plusieurs reprises par l’université et le RSEQ, notamment en étant nommée dans l’équipe d’étoiles du Québec pour la deuxième saison consécutive. Sur un terrain, le numéro 6 est immanquable.

À quoi rêve-t-elle, alors ?

« La question est plus “à quoi peut-on rêver ?” », répond-elle du tac au tac.

PHOTO MATT GARIES, FOURNIE PAR VICTORIA IANNOTTI

Victoria Iannotti (6)

En tant que femmes, on ne rêve pas de la même façon que les hommes qui voient la LNH ou la NFL, où il y a des gens qui font leur vie dans le monde du sport. Ils ont des contrats de plusieurs millions. S’ils travaillent fort, ils vivront leur rêve. En tant que femme, ça n’existe pas.

Victoria Iannotti

« Je n’ai jamais pensé au volley après l’université. Jusqu’à ce que j’arrive ici et que je voie des coéquipières aller jouer semi-pro ou professionnel en Europe ou faire l’équipe nationale. »

De son propre aveu, elle aimerait bien poursuivre sa carrière après l’université. « Si l’opportunité se présente, je vais la prendre. »

Son rêve, donc, est de redonner le plus possible à l’université lui ayant donné l’occasion de s’épanouir. « Quand je suis arrivée, mon but était d’obtenir cette première bannière de l’histoire du programme. De faire partie de cette cohorte qui a amené le programme à un autre niveau. Je suis contente de l’avoir fait. »

Partir de loin

Au cours de l’entretien, il a été question de l’hypersexualisation du corps des joueuses de volleyball, des difficultés traversées pendant la pandémie, de la pression de performer à l’école et sur le terrain simultanément.

Pendant la vingtaine, période névralgique du développement humain, négocier avec tant d’impondérables peut parfois être complexe, voire dommageable.

Iannotti préfère toutefois voir la vie du bon côté. Pour ce faire, elle s’appuie sur sa plus grande inspiration. Ses coéquipières.

Je suis fière d’être à côté d’autres femmes fortes qui travaillent ensemble vers un but commun. On a nos différences, mais on laisse ça à l’entrée du gym pour travailler ensemble et atteindre nos objectifs.

Victoria Iannotti

Comme le souligne la joueuse de 1,75 m, elle n’était pas destinée à connaître un tel succès. Ses parents n’avaient jamais joué au volleyball. Elle a été retranchée à son premier camp au secondaire. Puis, seulement une autre de ses coéquipières à la Royal West Academy s’est rendue dans les rangs universitaires.

« Quand on a gagné la bannière l’année dernière, je me disais qu’on avait accompli quelque chose de très beau. Je pouvais prendre du recul, voir le travail que ça avait nécessité et me dire que j’avais fait quelque chose de bien. »

En fin de compte, c’est tout ce qu’elle recherche. Faire quelque chose de bien. En étant l’un des visages de son programme, elle se sent investie de la « responsabilité de travailler chaque jour ».

Couronnée de succès, Iannotti est confortablement assise sur le trône, mais il ne sera jamais assez grand, car il n’y a pas de place pour toutes ses coéquipières.