(Pismo Beach) Sous la jetée ensoleillée de Pismo Beach en Californie, Liv Stone s’incline délicatement pour replacer sa planche effilée au creux de la vague qu’elle chevauche. Une manœuvre finement réalisée, que cette surfeuse handicapée adorerait reproduire lors des Jeux paralympiques de Los Angeles en 2028.

Participer à un tel évènement, « ce serait un rêve qui se réalise », confie l’Américaine de 19 ans, en quête d’un troisième titre lors des Championnats du monde de para-surf organisés cette semaine sur la côte californienne.

Née avec des bras très courts, terminés par deux doigts, l’adolescente est « tombée amoureuse » du surf en 2017 et aimerait bénéficier d’un coup de pouce paralympique pour diffuser les bienfaits de la glisse.

« Je ne me sens pas discriminée une fois dans l’eau […] L’océan nous fait (nous) sentir complets », explique à l’AFP la surfeuse, qui s’aide de palettes en plastique taillées sur mesure pour ramer.

Le surf a fait des débuts remarqués aux derniers JO à Tokyo en 2021, mais reste pour l’instant exclu des Jeux paralympiques. Le Comité international paralympique doit décider courant 2023 s’il ajoute ce sport au programme de « ses » Jeux de Los Angeles.

L’échéance trotte donc dans toutes les têtes des 180 compétiteurs réunis sur le sable de Pismo Beach, des plus aguerris aux moins rodés.

Privée de jambe droite à cause d’une déficience fémorale, Similo Dlamini savoure l’ambiance bon enfant du championnat.  

PHOTO ROBYN BECK, AGENCE FRANCE-PRESSE

Similo Dlamini, qui est née sans jambe droite, participait à son premier championnat du monde, et était soutenue par un contingent important.

Pour sa première participation, la Sud-Africaine est accueillie par une ardente haie d’honneur de ses compatriotes, après avoir bataillé avec l’écume pendant vingt minutes sur sa grosse planche en mousse.

« Nouveau public »

Le surf « permet aux gens comme moi qui sont faits différemment de profiter de l’océan d’une manière que nous n’aurions jamais pu imaginer », souffle cette comptable de 39 ans, émue aux larmes. « Nous devons venir ici et montrer au comité olympique à quel point on se débrouille bien. »

Réparti en neuf catégories, le championnat permet à la plupart des handicaps de conquérir les flots.  

Les unijambistes survolent l’eau avec une prothèse, ou bien en appui sur le genou et les mains. Les paraplégiques glissent sur le ventre et remontent au large grâce à l’aide de leurs coéquipiers. Et les aveugles, aiguillés par un partenaire pour se lancer dans les rouleaux, démontrent qu’il suffit « d’écouter la vague » pour évoluer avec grâce.  

Costa Rica, Japon, Norvège… les participants des 28 nations affichent invariablement le même sourire radieux lorsqu’ils regagnent la terre.

Cela sera-t-il suffisant pour convaincre le Comité international paralympique ? Des 33 disciplines candidates, seuls 22 sports seront retenus pour les Jeux paralympiques de 2028.

Après avoir échoué aux portes de Paris 2024, l’International Surfing Association (ISA), responsable du championnat de para-surf, veut y croire.  

« Le surf représente quelque chose de véritablement unique et différent pour le programme paralympique. Ils essaient d’attirer un nouveau public, de rester pertinents », argue son directeur exécutif Robert Fasulo, en soulignant les succès d’audience de la compétition pour valides auprès des jeunes à Tokyo l’an dernier.

Pour lui, « le temps est venu » d’inclure le para-surf. D’autant qu’en 2028, les Jeux paralympiques auront lieu en Californie, « l’un des épicentres, si ce n’est le centre de la planète surf ».  

Bienfaits thérapeutiques

Depuis la création du Championnat du monde en 2015, le nombre de participants a quasiment triplé et s’est largement féminisé. Une croissance portée par la prise de conscience des bienfaits du surf sur la santé mentale, soulignés dans un nombre grandissant d’études.  

Aux États-Unis, la Marine américaine propose depuis bientôt quinze ans des programmes de « thérapie par le surf » pour certains soldats amputés ou souffrant de stress post-traumatique et de dépression. Des initiatives similaires se multiplient dans quantité d’autres pays côtiers.  

Au Pérou, Pancho Arbulu, devenu paraplégique après un accident de voiture en 2008, fait ainsi partie d’une association pour diffuser le surf auprès d’autres personnes handicapées.

« L’océan te donne de la vitalité », sourit ce quinquagénaire, ex-pilote de ligne. « Chaque fois que je rentre dans l’eau, j’oublie le fauteuil roulant. »

Los Angeles 2028 pourrait aussi ouvrir de nouveaux horizons aux para-surfeurs, ajoute Éric Dargent.  

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Éric Dargent

Attaqué par un requin à La Réunion en 2011, le Français a perdu sa jambe gauche et a développé un genou artificiel dédié aux sports de glisse, basé sur un mécanisme hydraulique. Mais de son propre aveu, la perspective d’un « homme bionique » capable de surfer parfaitement est encore lointaine.

Si le surf devient paralympique, « la lumière va être mise sur les prothèses », espère le quadragénaire. « Ça va obliger les industriels à se pencher sur la conception et ça, c’est hyper intéressant. »