Chaque semaine, les journalistes des Sports de La Presse répondent à une question dans le plaisir, et un peu aussi dans l’insolence

Alexandre Pratt

LA PRESSE, 22 OCTOBRE 1988, SPORTS, P. 1

Chronique de Pierre Foglia du 22 octobre 1988

N’importe quelle chronique de Pierre Foglia au Tour de France ! À choisir un seul de ses textes, j’en prendrais toutefois un de hockey. En octobre 1988, Pierre s’était rendu à New York pour documenter le retour au jeu de Guy Lafleur avec les Rangers. Le jour de l’entrevue, Flower est en avance pour la séance d’entraînement. Il invite Pierre à monter dans sa Jeep pour faire un tour de la ville. Les deux hommes discutent de hockey. Mais aussi d’amour. D’immobilier. De paternité. De gloire. D’amitié. De la vie, quoi. Un reportage magistral, dont la lecture devrait être obligatoire dans toutes les écoles de journalisme.

Mathias Brunet

IMAGE FOURNIE PAR SPORTS ILLUSTRATED

Une du magazine Sports Illustrated de juillet 1991

Le magazine Sports Illustrated a eu une grande influence sur moi. J’ai toujours adoré leurs grands reportages. En juillet 1991, le magazine a amené Lyle Alzado, l’un des ailiers défensifs les plus doués, et craints, de la NFL dans les années 1970 et 1980, à se confesser. Alzado, joueur de l’année en 1977, champion du Super Bowl en 1984, deux participations au Pro Bowl, en 1977 et 1978, était en phase terminale d’un cancer du cerveau, à 42 ans. Le titre, en page frontispice, était accrocheur : « I Lied ». Celui à l’intérieur du magazine encore plus : « I’m sick and I’m scared... ». Le texte était écrit à la première personne. Comme si Alzado s’adressait directement au lecteur. Il avouait avoir commencé à consommer des stéroïdes anabolisants dès 1969, à l’âge de 20 ans, et n’avoir jamais cessé d’en prendre pendant ses 20 ans de carrière, collégiale et professionnelle, tout comme des hormones de croissance. Cet athlète de 6 pi 3 po et 255 livres se disait convaincu qu’il y avait un lien entre sa mort imminente et sa consommation de substances illicites pour améliorer ses performances. Les stéroïdes pouvaient le rendre tellement agressif qu’il lui était arrivé de servir des raclées à des automobilistes trop téméraires, ou impolis, devant lui. Alzado venait de se marier. Il avait un jeune fils. La vie allait lui arracher tout ça. Il est mort huit mois plus tard. Le texte était puissant. Il était signé par Alzado, mais je n’aurais pas eu de mal à l’écrire sans recueillir la reconnaissance voulue pour un article d’une telle portée. J’ai écrit la plupart de mes biographies à la première personne, d’ailleurs. Malheureusement, le témoignage d’Alzado a fait réfléchir trop peu d’athlètes. Ils ont été trop nombreux après lui à sacrifier leur santé pour quelques années de gloire...

Richard Labbé

PHOTO DAVID J. PHILLIP, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Bill Belichick, coach des Patriots de la Nouvelle-Angleterre, en décembre 2019

J’ai eu la chance, naguère, de couvrir 11 Super Bowl de suite pour La Presse. Lors de cette belle période, j’ai évidemment eu la chance, aussi, de croiser les Patriots de la Nouvelle-Angleterre à plusieurs reprises, et aussi, la « chance » de parler au coach Bill Belichick plusieurs fois. Ici, je place le mot « chance » entre de gros guillemets parce que très souvent, pour ne pas dire presque toujours, Belichick avait l’air d’un gars qui aurait préféré aller s’asseoir trois heures sur une chaise de dentiste plutôt que de s’asseoir dans une salle de conférence pour parler aux médias. Ce qui est bien dommage, parce que derrière ses airs de Darth Vader, Bill Belichick est tout un coach, et on peut présumer qu’il doit avoir bien des choses à raconter. Ainsi, après le 39e Super Bowl en février 2005, Belichick s’est contenté d’enfiler les platitudes dans son point de presse, comme à son habitude, mais quelques jours plus tard, dans les pages du Sports Illustrated, le même homme y était allé de longues confidences sur le match, allant jusqu’à décrire en détail à quel point le receveur Freddie Mitchell, des Eagles de Philadelphie, avait été mauvais ! J’aurais bien aimé, moi aussi, pouvoir obtenir ce genre de confidence de sa part. Un jour peut-être ?

Guillaume Lefrançois

PHOTO DAVID ZALUBOWSKI, ASSOCIATED PRESS

Antti Raanta, gardien de but des Coyotes de l’Arizona, en action le 10 mars dernier

Une des plus grandes satisfactions pour un journaliste est de savoir que son article a contribué à faire « bouger les choses », à susciter du changement. Nos collègues de la section Actualités en sortent au quotidien. Dans la couverture du hockey de la LNH, c’est cependant beaucoup plus rare. Mais le mois dernier, la collègue du site de The Athletic Katie Strang a publié une enquête sur la culture toxique des Coyotes de l’Arizona. Le dossier exposait principalement les mauvaises pratiques sous le nouveau propriétaire, Alex Meruelo. Les nombreux défauts de paiement de l’organisation envers des entrepreneurs et des partenaires, sans oublier les employés qui ne recevaient pas toujours la totalité des sommes dues, sont des faits troublants pour une organisation d’une grande ligue professionnelle. Après la publication d’un tel dossier, l’organisation aura intérêt à marcher droit, car les langues sont déliées. Plusieurs employés des Coyotes ont dû se sentir libérés de voir les failles de leur employeur ainsi exposées.

> Lisez le texte de The Athletic (en anglais)

Simon-Olivier Lorange

LA PRESSE, 30 JANVIER 2010, SPORTS

Texte de Jean-François Bégin du 30 janvier 2010

D’abord, la réponse courte : l’entièreté de la couverture du Tour de France par Pierre Foglia, tout simplement. Et je ne m’intéresse même pas au vélo. Dans le propos et dans l’écriture, c’est l’idéal auquel mes collègues et moi aspirons tous, en sachant que nous n’y accéderons jamais. Autrement, dans un registre un peu plus réaliste, le grand portrait « Le surdoué », signé par Jean-François Bégin en janvier 2010, a été déterminant dans mon parcours vers le journalisme sportif. Bégin – qui est aujourd’hui le patron de mon patron, je le salue d’ailleurs – y décrivait le parcours de Mike Cammalleri, et il le faisait exactement de la même manière qu’un journaliste des nouvelles générales l’aurait fait avec un politicien ou un personnage clé de l’actualité du moment. Une école sur l’importance d’aborder le sport avec sérieux.

Jean-François Tremblay

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Combat entre Stéphane Ouellet et Cedric Spera (vainqueur) le 27 septembre 2014

Comme directeur des sports, je vis très souvent le sentiment du « texte que j’aurais aimé écrire ». Je le vis chaque fois qu’un concurrent (néanmoins ami, rassurez-vous) écrit une histoire qui était dans nos cartons. C’est avant tout une fleur que je leur lance au beau milieu de cette saine mais féroce rivalité. Tout ça pour dire qu’à la fin de 2018, j’étais encore journaliste. C’est à ce moment que Jean-François Poirier a publié une lettre écrite par le boxeur Stéphane Ouellet, qui était accompagnée d’un documentaire d’une dizaine de minutes, dans le cadre de la série Podium. Vers la fin de l’entrevue télé, le Poète s’adresse à ses enfants à la caméra, et on sent tout le désarroi d’un père qui aurait voulu faire mieux. Ces 30 secondes de télé sont parmi les plus puissantes des dernières années en journalisme sportif. J’ai eu l’occasion de dire à JF Poirier mon admiration, je le refais aujourd’hui : JF, c’était tout un reportage. Mais maudit que j’aurais aimé ça l’écrire.