Vinted, ThredUp, Poshmark, Bon Magasinage : les plateformes de revente de vêtements d’occasion ont le vent dans les voiles. Elles font vibrer la fibre économe et écologique des consommateurs, mais proposent-elles vraiment la façon la plus écoresponsable de magasiner ?

Lors de son arrivée sur le territoire canadien en juin 2021, la plateforme européenne Vinted a rappelé sa mission de « faire de la mode d’occasion le premier choix dans le monde », tout en mettant de l’avant la réduction de l’empreinte mode permise par son modèle.

Un sondage réalisé par SOM et publié par Protégez-vous dans un récent dossier sur l’économie de seconde main montre d’ailleurs que 46 % des Québécois y participent pour des raisons écologiques.

Consultez le sondage publié par Protégez-vous

Surconsommation

Or, ces plateformes sont critiquées pour les effets pervers qu’elles engendrent : achats compulsifs, surconsommation et émissions carbone liées au transport des produits. L’organisme Zero Waste France qui, dans le cadre de son Défi Rien de neuf, avait inclus Vinted dans ses solutions de rechange à l’achat de vêtements neufs, l’a depuis retirée.

PHOTO FOURNIE PAR VINTED

Capture d’écran du site Vinted

« Par son interface, Vinted pousse les utilisateurs à être dans l’achat compulsif et c’est éminemment contradictoire avec l’enjeu écologique, qui impose avant tout de se poser la question : “Est-ce qu’on en a vraiment besoin ?” », a déclaré la directrice de Zero Waste France, Flore Berlingen, dans un article publié en 2020 par Reporterre.

Lisez l’article de Reporterre

Bien sûr, il y a le prix des vêtements qui est forcément moins élevé que celui de produits neufs, mais aussi les frais d’expédition bas, les notifications signalant les baisses de prix et les offres que peuvent envoyer les vendeurs aux utilisateurs qui ont ajouté leurs articles dans leurs favoris. Vous avez laissé un article en plan dans votre panier ? L’application vous le notifie aussi.

Dominique Roux, professeure de marketing et chercheuse à l’Université de Reims Champagne-Ardenne, montre également du doigt « la professionnalisation du consommateur qui apprend à vendre autant qu’il a appris à acheter ». Et pour garder leur plateforme vivante, ces entreprises misent beaucoup sur ces modeuses qui portent leurs vêtements quelques fois seulement avant de les revendre. Une dynamique qui peut stimuler le marché du neuf.

« Si j’achète un manteau et que je sais que je peux le remettre en vente sur une plateforme d’occasion un an après, je ne vais pas me gêner pour en acheter un tous les ans », illustre celle qui étudie les modes de consommation de rechange.

« Il faut se demander : les gens qui achètent chez Zara à la base, est-ce qu’ils achètent plus qu’ils achetaient avant ? », poursuit Mme Roux. Une question à laquelle il est difficile de répondre puisqu’aucune étude solide n’a été menée sur le sujet.

Un sondage réalisé aux États-Unis et cité dans le rapport annuel 2022 du site de revente américain ThredUp montre néanmoins que 46 % des membres des générations Z et Y considèrent la valeur de revente d’un vêtement avant d’en faire l’achat.

« C’est fort probable qu’il y ait beaucoup, dans ces 46 %, de gens qui achètent pour revendre après », remarque Marcelo Vinhal Nepomuceno, professeur de marketing à HEC Montréal et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la prise de décision du consommateur. « Ça peut motiver une consommation impulsive. C’est comme si, en réglant un problème, on en générait un autre. Mais si on ne fait pas de seconde main, ces vêtements-là seront jetés. »

« La circularité peut permettre d’éviter la production d’un nouvel article ou d’empêcher qu’un article soit jeté, ce qui contribue à lutter contre certains des impacts négatifs de l’industrie de la mode en gardant les articles en circulation deux, trois fois ou même plus longtemps », fait valoir Natacha Blanchard, directrice des relations publiques consommateurs chez Vinted, dans une déclaration écrite envoyée à La Presse.

Longues distances

L’impact du transport joue aussi un rôle important dans l’empreinte environnementale de ce modèle. Ainsi, un pantalon acheté d’une vendeuse de Vancouver peut parcourir plus de 4500 kilomètres pour se rendre au placard d’une acheteuse de Montréal.

Un moyen de réduire l’impact, mais c’est commercialement compliqué, serait de borner les distances des offres qui sont proposées à quelqu’un qui cherche quelque chose. Mais quand vous faites ça, vous réduisez l’offre par définition. Vous allez tuer votre modèle.

Dominique Roux, professeure de marketing et chercheuse à l’Université de Reims Champagne-Ardenne

C’est ce que fait, dans une certaine mesure, la plateforme montréalaise Upcycli en se limitant au territoire québécois. « On n’a pas commencé notre expansion dans les autres provinces canadiennes parce qu’on n’a pas encore les clés nécessaires pour avoir la meilleure plateforme qui nous permettrait d’éviter de promouvoir le fait qu’acheter un article qui vient de Vancouver, c’est super », explique Christopher Montoya, président et cofondateur d’Upcycli.

S’étant récemment définis comme des entrepreneurs à impact, les fondateurs d’Upcycli ont entamé une réflexion sur les façons de minimiser les effets pervers que peut avoir leur modèle.

Cette réflexion mènera à l’ajout, en 2023, de nouvelles fonctionnalités. Déjà, Upcycli a mis en place une fonction de géolocalisation afin de favoriser les achats de proximité et la remise en mains propres.

Bon Magasinage, une autre plateforme de revente établie à Montréal, met également de l’avant la géolocalisation. Tout comme Facebook Marketplace. Mais ce n’est pas le cas de Vinted, qui permet néanmoins la remise en mains propres lorsque l’option a été activée par le vendeur. Dans la déclaration qu’elle nous a transmise, l’entreprise dit plutôt vouloir miser sur une offre suffisamment grande d’articles d’occasion pour diminuer la probabilité que les consommateurs se tournent vers le marché du neuf, lequel a un impact environnemental considérablement plus grand.

« La meilleure façon de diminuer votre impact environnemental, c’est de ne pas acheter », rappelle Marcelo Vinhal Nepomuceno, de HEC Montréal.

Consultez le site de Vinted Consultez le site de ThredUp (en anglais) Consultez le site de Poshmark (en anglais) Consultez le site de Bon Magasinage Consultez le site d’Upcycli Consultez le site de Facebook Marketplace
En savoir plus
  • 96 milliards US
    Évaluation du marché de la mode de seconde main dans le monde en 2021
    Source : Statista, mai 2022
  • Fast fashion
    « Une plateforme de seconde main, c’est une super nouveauté, il faut que ça continue. Mais il ne faut pas ramener les travers de la consommation du fast fashion sur ces plateformes-là. »
    Christopher montoya, président et cofondateur d’Upcycli