Ils s’appellent Anaïs, William, Elliot, Elizabeth… Ils étaient encore si petits lorsque leur cœur a cessé de battre. La journaliste Jessika Brazeau et la psychologue Lory Zephyr racontent leurs histoires dans Le deuil invisible : se reconstruire après la perte de son enfant en période périnatale. Un ouvrage empreint de douceur et de compassion créé pour accompagner les familles endeuillées par la perte d’un bébé.

Selon Lory Zephyr, le deuil périnatal demeure « un gros tabou » au Québec, et ce, malgré le fait qu’il touche un grand nombre de parents. Les drames de ces familles portent différents noms : mortinaissance, mort néonatale, syndrome de mort subite du nourrisson, interruption de grossesse ou encore fausse couche.

« La perte de son enfant, peu importe le nombre de semaines de gestation, le contexte ou le déroulement, peut être grandement douloureuse et même, pour plusieurs, traumatique », écrivent les deux autrices dans les premières pages du livre Le deuil invisible, qui regroupe conseils et témoignages.

« Ces gens-là ont besoin d’aide, de soutien, mais il n’y en a presque pas. Le livre arrive dans cette optique-là de pouvoir offrir un outil aux parents », indique Lory Zephyr en entrevue avec La Presse, en marge du lancement de l’ouvrage.

Témoignages bouleversants

Dans le cadre de ce projet, Jessika Brazeau a recueilli les histoires bouleversantes d’une dizaine de familles, dont celle de Joannie Poirier. En 2020, enceinte de 12 semaines, elle apprend que le cœur d’un des jumeaux qu’elle porte a cessé de battre. Quatre semaines plus tard, le malheur s’acharne. Après avoir ressenti de fortes douleurs au ventre, la jeune mère accouche prématurément du second bébé, William. « J’ai accouché et tout le monde s’attendait à un bébé mort », indique-t-elle dans le livre. Mais, contre toute attente, William est vivant. Même s’ils savaient que leur fils était condamné, Joannie et son conjoint Dany ont été heureux de pouvoir le cajoler et vivre ses derniers moments avec lui.

Pour Joannie Poirier, il était important de raconter son deuil périnatal. « J’ai ressenti le besoin d’en parler dès le jour 1 », confie-t-elle à La Presse.

Chacun vit ça différemment, mais moi, c’est la seule façon que j’ai trouvée de faire exister mon bébé.

Joannie Poirier

Comme d’autres couples endeuillés, son conjoint et elle ont aussi instauré un rituel pour souligner l’« anniverciel » de William : un gâteau de fête dégusté en famille.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

Lory Zephyr, psychologue

Selon Lory Zephyr, ce genre de rituel « aide à symboliser le deuil ». « Le rituel peut être propre à chacun. Parfois, c’est simplement une minute de silence. D’autres fois, on va chanter une chanson. […] Être capable d’avoir un recueillement autour d’un symbole qui est partagé par le couple, par la famille, ça permet d’aider à trouver un sens », explique la psychologue.

Quand la culpabilité frappe

Beaucoup de femmes vivent de la culpabilité après la perte d’un bébé, a remarqué Jessika Brazeau au fil de ses rencontres. « Un commentaire qui revenait beaucoup, c’est que leur corps avait échoué. […] Elles se disaient : “J’aurais dû le sentir. J’aurais dû le savoir.” »

Plutôt qu’être aussi critiques, les mères devraient faire preuve de bienveillance envers elles-mêmes, soutient Lory Zephyr. « Il n’y a pas de “bonne façon” de vivre ton deuil, mais fais-le en te donnant un peu d’autocompassion, en ne te jugeant pas, en étant capable d’accueillir simplement les émotions qui viennent à toi », conseille la psychologue aux femmes endeuillées.

Les pères peuvent également ressentir une grande souffrance à la suite de la perte d’un bébé, même en début de grossesse, rappellent les autrices, qui leur consacrent d’ailleurs un chapitre. « On voulait leur dire : “Vous aussi vous vivez quelque chose. C’est valide”, explique Lory Zephyr. Prenez le temps d’écouter ce qui se passe. Essayez de vous enlever la pression sociale de l’homme fort qui n’a pas d’émotions. Au contraire, valorisez-vous et validez-vous dans ces sentiments que vous vivez. »

Il est aussi tout à fait fréquent que les deux membres du couple ne vivent pas leur deuil de la même façon ni à la même vitesse, indique le duo derrière la plateforme Ça va maman.

La perte d’un enfant est certainement un moment tragique, mais il y a également « beaucoup d’amour et beaucoup de douceur » dans chacun des témoignages recueillis pour le livre. « Les parents me disaient souvent : “C’est le plus beau jour de ma vie et le pire en même temps” », raconte Jessika Brazeau.

« Il y a vraiment quelque chose de très lumineux [dans leurs récits], ajoute Lory Zephyr. Je trouve que ça ramène un peu à l’essence de l’humain. On est capable d’être forts ensemble, d’être résilients. »

Comment aider une amie endeuillée ?

Une amie vient de perdre un bébé ? Que devrait-on faire ou dire ? « Mon conseil, ce serait de l’écouter. Le parent sait ce dont il a besoin. Parfois, j’ai juste besoin que tu viennes t’asseoir à côté de moi et que tu ne parles pas. Parfois, j’ai besoin que tu me changes les idées, peu importe. Mais il faut le demander au parent », répond Lory Zephyr.

Le deuil invisible : se reconstruire après la perte de son enfant en période périnatale

Le deuil invisible : se reconstruire après la perte de son enfant en période périnatale

Les Éditions de l’Homme

208 pages