(Montréal) Alors que de plus en plus de Canadiennes choisissent d’avoir des enfants plus tard dans leur vie, une récente étude indique que les femmes enceintes de 35 ans et plus tendent à être stigmatisées par les recommandations médicales et les politiques publiques.

« Il y a beaucoup d’accent mis sur les risques biomédicaux », explique la coauteure de la recherche, la professeure de science politique à l’Université Concordia, Francesca Scala.

Il est vrai que certains facteurs de risque augmentent avec l’âge. L’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) cite « la naissance prématurée, le poids faible à la naissance, la fausse couche, le placenta praevia, le diabète gestationnel, la prééclampsie, la naissance par césarienne » comme problèmes qui deviennent alors plus fréquents.

Bien qu’elle reconnaisse que « ce sont des inquiétudes valides » et que les futures mères devraient en être bien informées avant de prendre des décisions, la Pre Scala souligne qu’un tel accent misant sur de potentiels dangers peint souvent les mères plus âgées comme « à risque », « anormales » ou comme étant « des citoyennes reproductives irresponsables ».

Par exemple, l’ASPC décrivait dans un document de 2008 la tendance à repousser le moment de sa grossesse comme « une énorme préoccupation clinique et de santé publique », rappelle-t-elle.

Au Québec, depuis novembre 2021, les coûts de la fertilisation in vitro ne sont couverts que pour les femmes de moins de 42 ans en raison d’un taux de succès qui baisse rapidement autour de cet âge.

De plus, même si les différents organismes « font très attention de ne pas poser quelque jugement moral que ce soit sur la valeur d’une vie de personne handicapée […], il y a beaucoup d’accent mis sur la probabilité qu’une mère plus âgée donne naissance à un enfant présentant un handicap, explique la professeure, et sur le rôle des femmes en tant que citoyennes reproductrices de limiter ces risques ».

Une mère parfaite

L’idée qu’une mère devrait absolument être jeune, en santé et vibrante d’énergie est omniprésente, selon la Pre Scala.

« Il y a cette idée que les femmes sont les seules responsables des enfants […] que le monde de la maternité englobe et consume toute leur vie », explique-t-elle, et que pour être à la hauteur de ces attentes, il faut avoir l’énergie de la jeunesse.

« Une femme qui a l’air plus âgée, qui a des cheveux gris […], ce n’est pas nécessairement ce qu’on considérerait comme une mère idéale. »

Elle cite l’un des documents étudiés, soit des recommandations sur la fertilisation in vitro publiées par l’Association médicale canadienne en 2015. Bien que le texte soutienne que d’empêcher les femmes d’avoir accès à ces services ne serait pas éthique, il ajoute que « les femmes plus âgées courent plus de risque de vivre des complications, ce qui pourrait mettre en danger la sécurité de la progéniture, en plus de l’inconfort psychologique ou social que l’enfant pourrait vivre en ayant une mère assez vieille pour être une grand-mère ».

« Je pense que l’âgisme a un rôle là-dedans », fait valoir la professeure.

Selon elle, « il y a beaucoup de bénéfices à avoir des enfants plus tard ». Des recherches antérieures ont indiqué que les mères plus âgées sont souvent mieux préparées à élever un enfant, disposent d’une meilleure sécurité financière et une plus grande stabilité relationnelle. « Des études récentes suggèrent aussi que la maternité plus âgée est associée avec des bénéfices à long terme pour les enfants, comme de meilleures aptitudes langagières et de meilleures performances académiques », indique son article.

Même sans mauvaises intentions, les aspirations personnelles et la maternité sont souvent présentées comme étant en opposition, a-t-elle soutenu. Par exemple, dans un guide publié par la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada en 2011, on explique qu’avec la croyance erronée que la reproduction assistée fonctionne à tout coup, « malheureusement, cela peut donner aux femmes un optimisme trompeur qu’elles puissent retarder leur grossesse alors qu’elles poursuivent leur éducation et leur carrière ». Ce guide a depuis été retiré par la Société.

« D’un côté, les femmes sont encouragées à avoir une carrière, à être autosuffisantes et à avoir une relation stable, mais de l’autre côté, on les prévient que leur horloge biologique avance », remarque la professeure.

L’étude, intitulée « Problematising older motherhood in Canada : ageism, ableism, and the risky maternal subject », a été publiée en mars dernier dans la revue scientifique Health, Risk & Society. Une vingtaine de publications d’ordres médicaux et de gouvernements datant de 1993 à 2021 ont été étudiées.