Les parents ne sont pas toujours sur la même longueur d’onde par rapport à la vaccination de leur enfant. Quand un désaccord survient, ils ont deux choix : réussir à s’entendre ou s’adresser aux tribunaux. Et selon la jurisprudence, le parent qui refuse la vaccination contre la COVID-19 a bien peu de chances d’avoir gain de cause.

« Si quelqu’un venait me voir dans mon cabinet et me disait : “Je ne veux pas que l’enfant se fasse vacciner, parce que je ne crois pas à la vaccination”, je lui dirais : “Vous allez perdre votre argent et faire perdre le temps à la cour à faire ça dans les conditions actuelles”. Je ne sais pas dans quelle condition un juge refuserait la vaccination contre la COVID pour un enfant. »

MSylvie Schirm est avocate en droit de la famille. Récemment, une femme l’a approchée parce que son ex-conjoint refusait la vaccination de leur enfant. Quand le père a su que la mère voulait s’adresser à la cour, il a laissé tomber son combat. Ses arguments n’auraient pas fait long feu devant un juge.

« Un parent qui ne veut pas la vaccination devra faire la preuve à la cour que ce n’est pas dans l’intérêt de son enfant d’obtenir le vaccin », explique MSchirm, avocate associée du cabinet Schirm & Tremblay Avocats. La preuve, dit-elle, c’est une preuve médicale qui démontre que, pour cet enfant spécifiquement, ce serait nuisible d’obtenir le vaccin.

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Sylvie Schirm, avocate associée du cabinet Schirm & Tremblay Avocats

Des croyances, des craintes ou une philosophie de vie, ce n’est pas de la preuve.

Sylvie Schirm, avocate associée du cabinet Schirm & Tremblay Avocats

Soulignons qu’en deçà de l’âge de 14 ans, ce sont les titulaires de l’autorité parentale qui prennent les décisions concernant la vaccination de l’enfant. L’autorité parentale est exercée conjointement par les deux parents, qu’ils aient la garde ou non.

Sylvie Schirm a repéré quatre jugements concernant des enfants de 12 ou 13 ans (qui peuvent être vaccinés depuis le printemps). Dans les quatre cas, le magistrat a autorisé la vaccination. Selon l’avocate, cette jurisprudence s’appliquera aussi pour les 5 à 11 ans.

Dans la plus récente décision, rendue le 1er octobre, une mère avait demandé au tribunal l’autorisation de faire vacciner son garçon de 13 ans pour qu’il puisse jouer au basketball à son école. L’adolescent voulait se faire vacciner, mais le père refusait, qualifiant la vaccination d’« expérimentale ». « Les craintes de monsieur ne font pas le poids devant les recommandations de la Santé publique du Québec », a tranché la juge Chantal Lamarche.

Dans une autre cause, un père a demandé au tribunal de pouvoir produire en cour l’opinion d’une toxicologue américaine controversée qui s’oppose à la vaccination des enfants. La juge Aline Quach a refusé sa demande, estimant que l’opinion de cette experte ne pouvait être prise au sérieux. « On ne peut pas produire à la cour des théories de quelqu’un comme expertise », résume MSylvie Schirm.

La discussion d’abord

Caroline a récemment abordé la question de la vaccination avec le père de ses deux enfants.

Pour Caroline, qui a demandé d’être désignée sous un autre nom par égard pour son ex-conjoint, c’est sans équivoque : elle veut faire vacciner ses enfants contre la COVID-19. Son ex est craintif. « Il trouve aussi qu’il y a trop de restrictions, résume-t-elle. Il est critique sur l’ensemble de l’œuvre. »

Caroline raconte avoir recadré la discussion sur les avantages de la vaccination. C’est lorsqu’elle a parlé de la jurisprudence que son ex-conjoint a consenti. « Je ne lui ai pas dit sur un ton menaçant, indique-t-elle. Il n’était pas fâché. On a pris le temps d’en parler. »

Selon la présidente de l’Ordre des psychologues du Québec, Christine Grou, que les parents soient ensemble ou séparés, maintenir la communication demeure essentiel.

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Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec

La première chose à faire, quand on ne s’entend pas, c’est de veiller à ne pas rompre la discussion.

Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec

Et pour éviter que cela survienne, mieux vaut discuter quand on se sent calme. « Quand la tension est trop grande, on ne s’écoute plus parler, souligne la psychologue. Quand ça déraille, on perd de vue le sujet — la vaccination — et on retombe dans les griefs. Non seulement on ne règle rien, mais on envenime les choses. »

Les parents peuvent mettre en commun les informations qu’ils ont à propos du vaccin, leur perception de la situation, leurs peurs respectives. « Ça permet au moins de s’entendre sur le fait qu’on a peur et que, dans les deux cas, on veut le mieux pour l’enfant », explique Christine Grou, qui invite les parents à essayer de comprendre les arguments de l’autre et à valider ses peurs.

Les parents peuvent aussi se donner quelques jours pour réfléchir et consulter des sources d’information qu’ils auront préalablement sélectionnées, dit-elle. Quand on est incapable de se parler, Christine Grou conseille d’aller voir un médiateur, qui sera capable de tempérer la charge émotive et de rétablir la communication.

L’accord d’un parent

Le vaccinateur n’exige pas une preuve que l’autre parent consent. Le Code civil stipule qu’« à l’égard des tiers de bonne foi, le père ou la mère qui accomplit seul un acte d’autorité à l’égard de l’enfant est présumé agir avec l’accord de l’autre ». « Dans le cas où le vaccinateur est informé que les 2 parents diffèrent d’opinion, il appartiendra au tribunal de prendre la décision », peut-on lire dans le Protocole d’immunisation du Québec (PIQ).