Pour plusieurs familles, la rentrée scolaire est une période de grande fébrilité. Cette année, avec la pandémie qui persiste, le stress ressenti s’élève d’une coche… et c’est particulièrement vrai pour les parents qui vivent avec un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH).

« Je me mets beaucoup de pression pour tout faire ce qu’il faut, comme il le faut, du premier coup, dit Karolanne Charest, mère de quatre jeunes enfants et qui a reçu un diagnostic de TDAH il y a cinq ans. Mais mon cerveau n’est pas parfait et je l’accepte… de plus en plus ! »

Les semaines qui précèdent la rentrée à l’école de ses deux plus vieux, âgés de 9 et 6 ans (elle a également deux tout-petits de 3 ans et de 18 mois) sont particulièrement éprouvantes pour Mme Charest. Les tâches se multiplient, dont l’achat des fournitures et les inscriptions à compléter.

J’ai tendance à oublier les choses à faire, à être en retard ou encore à ne pas compléter une tâche.

Karolanne Charest, 29 ans

Cynthia Perron-Savard, mère d’un garçon de 6 ans et d’un bébé de 4 mois, a elle aussi un TDAH. Elle ressent la même angoisse à l’approche de la rentrée. « Je ressens plus de stress et d’anxiété, indique la nutritionniste de 34 ans. Je culpabilise parce que j’ai peur d’oublier quelque chose. J’avoue que j’ai le syndrome de l’imposteur par rapport aux autres mères qui semblent y arriver sans problème. »

Un exemple de ce sentiment qui l’envahit à la rentrée ? La gestion des nombreux courriels qui entrent dans sa boîte de réception, ceux de la commission scolaire, de l’école, du service de garde… « L’an passé, mon aîné entrait à la maternelle et il fallait ouvrir son dossier informatique, dit-elle. Je me perdais dans les courriels qui abordaient les mêmes sujets avec des précisions ou des changements, d’autres qui parlaient d’applications avec des mots de passe… J’ai dû perdre 50 fois ces mots de passe ! »

PHOTO PASCAL RATTHÉ, LE SOLEIL

Karolanne Charest avec ses enfants

Si ces deux mères acceptent de parler de leur TDAH, c’est qu’elles ont cheminé — et qu’elles considèrent que trop souvent, encore aujourd’hui, c’est tabou. « On parle plus facilement des enfants qui ont un TDAH que des parents », souligne Mme Charest. Des préjugés tenaces perdurent, croit Mme Perron-Savard. « Les gens pensent que c’est de la lâcheté, de la paresse ou de l’irresponsabilité de notre part ! Mais c’est bien réel. »

Des outils pour s’aider

Réel, oui — mais pas insurmontable. Des outils peuvent être mis en place pour aider les parents qui ont un TDAH à « survivre » à la rentrée scolaire.

Selon Stéphane Kunicki, psychiatre et cofondateur de la Clinique TDAH de Montréal, les stratégies et outils doivent être personnalisés et variés. « La médication est une des facettes, mais c’est loin d’être la seule, précise-t-il. Les outils peuvent prendre la forme d’agendas, de calendriers, de listes, mais s’ils sont improvisés, ils peuvent être insuffisants. C’est bien de consulter et de se faire aider par un professionnel pour que les outils soient développés et mis en place pour cette personne et cette famille, spécifiquement. »

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Le DStéphane Kunicki, psychiatre et cofondateur de la Clinique TDAH de Montréal

À part un psychologue, il y a plusieurs personnes-ressources, parfois méconnues du grand public, qui peuvent être appelées en renfort : un ergothérapeute en santé mentale, un psychoéducateur, un coach parental, un orthopédagogue, par exemple. Certains organismes communautaires, comme le CADDRA (acronyme de « Canadian ADHD Research Alliance ») ou le Regroupement des associations PANDA (un acronyme pour « personne apte à négocier le déficit d’attention »), peuvent aussi faciliter la transition entre la période estivale et celle de la rentrée scolaire.

Pour qu’elle soit douce et la plus harmonieuse possible, la rentrée scolaire doit être préparée par un retour à la routine graduel — c’est vrai dans toutes les familles, et ce l’est encore plus chez celles qui comptent des adultes vivant avec un TDAH, croit le DKunicki. « Ça peut virer au cauchemar si l’adulte vit un grand stress et qu’il le transfère à l’enfant », dit-il.

L’idée, c’est d’essayer d’être un parent rassurant, réconfortant, stable, sur lequel l’enfant sent qu’il peut compter. Ce n’est pas d’être parfait… mais d’être juste assez bon.

Le DStéphane Kunicki

Selon Martine Verreault, psychologue et chargée de cours à l’Université du Québec en Outaouais, la clé pour passer à travers cette période est la planification et l’équilibre entre le temps consacré au sommeil, à l’exercice et à des activités plus calmes. « Les études démontrent la présence d’un stress plus élevé pour les parents dans une famille en présence d’un TDAH lors de la rentrée scolaire, explique-t-elle. La rentrée constitue un défi supplémentaire. »

Elle recommande de couper le temps d’écran et de passer des moments en famille, ensemble, dans le plaisir. « Si on est juste en mode “tâches”, l’enfant va le ressentir, ça peut devenir encore plus stressant, affirme Mme Verreault. Et si on donne trop de responsabilités à l’enfant, c’est comme si on lui transférait notre charge mentale… Il est préférable que l’enfant aide et participe sans tout prendre sur ses épaules. On essaie que le climat familial reste ludique, léger, agréable ! »

Chez Karolanne Charest, les choses vont beaucoup mieux depuis que la famille utilise des tableaux de routine pour chacun des enfants, un calendrier mural pour le menu, les activités et les tâches. « J’utilise aussi un agenda papier et je programme des alarmes dans mon téléphone pour mieux gérer mon temps et ne pas oublier des rendez-vous, confie-t-elle. Et je me garde des moments dans la journée pour bouger. Je peux dire qu’avec toutes ces stratégies compensatoires développées, la vie est beaucoup plus simple et amusante. »