(Hong Kong) Derrière les portes du bâtiment à la façade ocre, bordée d’arches, s’est établie une structure unique à Hong Kong : un crématorium pour les fœtus morts à moins de six mois de gestation, qui jusqu’en 2018 n’étaient pas rendus aux familles.

Avec son jardin où les cendres peuvent être dispersées et son architecture notamment inspirée par Le Corbusier, la Maison de l’amour éternel offre un cadre apaisant pour les familles éprouvées.

« Notre première mission est d’apaiser la douleur des familles et d’essayer de les tranquilliser au moment de la cérémonie funéraire et des adieux », explique Benny Lee, directeur et cofondateur de Breadstudio, qui a conçu ce projet.

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Paul Mui et Benny Lee

Avant la crémation, proposée gratuitement, a lieu une cérémonie, calquée sur le rituel du coucher des tout-petits.

Après avoir placé une boîte contenant les restes du fœtus dans une cavité à l’intérieur d’un petit autel, les parents éteignent la lumière et ferment la porte de la pièce, « comme s’ils couchaient leur bébé » pour la nuit, détaille M. Lee pour l’AFP.

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« Nous voulons que les familles sentent que leur proche ne part pas pour un terrain vague mais qu’il retourne à la nature », ajoute Paul Mui, son associé au sein de cette structure créée en 2022.

Jetés à la décharge

C’est pourtant la situation qui a longtemps prévalu à Hong Kong, où la réglementation stipulait que les restes des fœtus morts à moins de 24 semaines devaient être considérés comme des « déchets médicaux » et jetés à la décharge.

Mais la situation a évolué après qu’en 2017 les autorités ont choqué les Hongkongais en refusant d’accéder à la requête d’un couple qui voulait récupérer le corps de son fœtus de 16 semaines pour lui offrir une sépulture.

Une pétition signée par plus de 10 000 professionnels, dont des médecins, des infirmiers et des responsables des cultes a finalement fait bouger les choses.

En 2018, le gouvernement a ainsi amendé la réglementation sur ces fœtus, ouvrant la possibilité de services de crémation.

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Le nouveau texte a également permis la création de carrés pour l’inhumation de ces fœtus, des jardins entretenus par le gouvernement.

Lok a opté pour l’un d’eux, dans le cimetière de Cape Collinson, dans l’est de Hong Kong.  

Elle a été contrainte d’avorter à 20 semaines de grossesse, explique-t-elle à l’AFP, en utilisant un pseudonyme.

Dans ce cimetière, la sépulture du fœtus est marquée d’une pierre sur laquelle est peint un éléphant endormi, avec les mots « à la mémoire de notre précieux fils Luka ».

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« Le fait d’avoir un dispositif de funérailles m’a aidée pour me sentir apaisée. Quand tout a été réglé, cela a marqué pour moi la fin » d’un processus, confie Lok. « Personne ne veut que le corps des membres de sa famille soit traité comme un déchet ».

« Tabou social »

Mais le sort des fœtus morts continue bien souvent de relever d’un « tabou social » à Hong Kong, comme ailleurs, relève Tsei Mei-yee, qui avait initié la pétition.

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Tsei Mei-yee

Après deux fausses couches, cette jeune femme a créé le Groupe de soutien des tout-petits, une association destinée à conseiller les parents endeuillés et à soutenir ceux qui tentent de récupérer les restes de leur fœtus.

Bien souvent, les soignants « disent aux parents “on va bien s’occuper de votre bébé” », dit-elle. « Mais pour les hôpitaux, cela signifie de les traiter “correctement” comme des déchets médicaux ».

Pour Lok, qui aurait « souffert deux fois » si son fœtus avait été traité comme un « déchet médical », cette évolution est « importante ».

Pendant sa grossesse, elle avait acheté deux œufs en peluche. Après un dernier au revoir à son « petit œuf », elle a ouvert un compte Instagram dédié à Luka.

On y voit l’œuf en peluche tout sourire devant des cerisiers en fleurs au Japon, à bord d’un train pour Taïwan, ou traversant un pont en Corée…

« L’un est enterré avec lui, l’autre parcourt le monde avec nous », explique-t-elle.