Par besoin de réconfort physique ou émotionnel, et par habitude, certains adultes dorment avec un toutou, et d’autres, avec une couverture de type doudou. Associés à l’enfance, ces objets d’apaisement sont chéris… mais aussi tabous.

Quand le douanier a ouvert sa valise pour une fouille aléatoire à l’aéroport, au printemps dernier, Yohann* a eu des sueurs froides : sur le dessus de sa pile de vêtements traînait son ours en peluche. « Le douanier était plutôt surpris et il m’a demandé si c’était à moi, dit l’homme d’affaires de 45 ans qui se remémore l’anecdote en riant. J’ai menti en lui disant qu’il était à ma fille… Tous les passagers autour me regardaient, dont deux collègues ! »

Yohann ne part jamais sans l’ours en peluche avec lequel il dort… depuis ses 8 ans. « Ma mère me l’a donné à mon anniversaire, puis elle est tombée très malade. Mon toutou est lié à mon enfance, mais aussi au souvenir de ma mère, aujourd’hui décédée », explique-t-il avec émotion.

Ce Montréalais, père de deux jeunes enfants, n’est pas le seul à aimer coller contre lui une peluche au moment de s’endormir. Selon un sondage de 2017 de la firme anglaise Atomik Research et commandé par l’entreprise américaine Build-A-Bear (qui fabrique des peluches), 40 % des adultes qui possèdent ou ont déjà possédé un toutou dorment avec celui-ci.

Un réconfort physique

C’est le cas de Caroline Parent, intervenante en éducation spécialisée de 40 ans. Prise de douleurs abdominales intenses durant sa jeunesse, elle se soulageait en se recroquevillant sur un oreiller ou un coussin. Même si elle ne connaît plus ces crises souffrantes, cette résidante de Lanaudière a conservé l’habitude de dormir avec un objet… qui est devenu un toutou, pour la mère d’un garçon de 7 ans.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Caroline Parent, 40 ans, dort avec un toutou... jusqu’à ce que son conjoint la rejoigne.

Je trouve plus sympathique de dormir avec un gros toutou qu’un oreiller. Et je lui ai même donné un nom, car ce n’est pas qu’un simple objet pour moi. Il m’apporte de la sécurité et du réconfort. Et je le trouve mignon !

Caroline Parent

Mme Parent précise que Ruther prend le bord lorsque son conjoint rejoint son lit. « Il sait à quoi mon toutou sert et il comprend, dit-elle. Il ne me juge pas. »

Susan* entretient elle aussi une relation de grande proximité avec son ourson en peluche, acheté en 2010. À 62 ans, cette résidante de Québec parle d’Edgar comme d’un sauveur, ou presque. « J’ai vécu de grandes peines à mon divorce et lorsque ma fille a quitté la maison, raconte-t-elle. J’avais besoin de prendre quelque chose dans mes bras et de le serrer longtemps. Ça m’enlève du stress et ça m’aide à faire arrêter le tourbillon de pensées quand je me couche. »

PHOTO FOURNIE PAR SUSAN*

Edgar, le toutou de Susan*

Ce n’est pas un toutou que Geneviève Durand, Montréalaise de 46 ans, prend pour s’endormir, mais une doudou. Celle-ci est faite du même matériel que la couverture déposée à ses côtés à sa naissance ! « Avec le temps, elle devenue très usée, souligne-t-elle, et j’ai dû m’en débarrasser. Un jour, ma mère a trouvé une grande couverture faite du même tissu, alors j’ai découpé une série de petites doudous dedans ! J’aime la sensation de ce matériau entre mes doigts au moment de m’endormir. »

Philippe*, chargé de projets dans la quarantaine, emprunte volontiers la doudou de sa nouvelle copine lorsque celle-ci quitte le lit. « Je compare ça à un sac magique : cela a un effet reposant, de bien-être, presque thérapeutique », dit-il.

Malgré tous les avantages qu’il y voit, Philippe a gardé secrète sa nouvelle manie : pas question d’en parler à ses amis. « Je craindrais les taquineries. Ce n’est pas très masculin. Et j’ai mon orgueil ! »

Un geste normal

Dormir avec un toutou a « plein de sens », selon Nadia Gosselin, professeure au département de psychologie de l’Université de Montréal et directrice scientifique du Centre d’études avancées en médecine du sommeil. « Le toutou devient un objet de transition et plusieurs études démontrent que le niveau de cortisol, associé au stress, chute lorsqu’on serre contre soi ce type d’objet. Que ce soit conscient ou inconscient, notre corps interprète le fait de serrer un toutou de forme animale comme quelque chose qui fait du bien, qui est relaxant. La forme y est pour quelque chose. »

La psychoéducatrice Solène Bourque établit un lien avec la sérotonine, appelée aussi l’hormone du bonheur : lorsqu’un être humain donne ou reçoit un câlin, cela l’aide à autoréguler ses émotions et son humeur.

Qu’on soit enfant ou adulte, on est bâti sur le même modèle, le contact physique avec un toutou a le même effet !

Solène Bourque, psychoéducatrice

Gênée de posséder un toutou « à son âge », Susan réfléchit : « Au fond, je réponds à mon besoin, note-t-elle. Je ne fais de mal à personne et moi, je me fais du bien. Alors so what ? »

La psychologue Nathalie Parent trouve cela bien sage. « Quelqu’un qui dort avec un toutou, qu’est-ce que ça change, pour qui et pourquoi ? Ça affecte qui ? Si cela aide la personne à mieux dormir, pourquoi pas, au fond ? »

*Yohann, Susan et Philippe ont choisi de taire leur nom de famille afin de demeurer anonymes.