Sur un sujet très clivant, Martin Quirion est celui qui cherche à voir les deux côtés de la médaille. Plongé, d’abord un peu malgré lui, dans les discours opposant véganisme et carnisme, il a voulu s’en remettre à la science pour séparer le bon grain de l’ivraie. Sept ans de travail plus tard, il signe Végécurieux, un ouvrage très documenté qui entraîne une réflexion profonde sur notre alimentation.

Traducteur de profession, Martin Quirion est arrivé à l’écriture par les papilles. Ce projet de longue haleine émane de son expérience personnelle, qui n’est toutefois pas au cœur du propos. Le lecteur perspicace s’en doutera bien avant, mais ce n’est qu’à la toute fin qu’il en fait la révélation : il est végane, la plupart du temps. « Je n’avais pas envie que les gens commencent la lecture en se disant : “En ce moment, c’est un végane qui me dit tout ça.” J’ai vraiment l’impression que ça aurait teinté la lecture avec un manque de réceptivité », déclare-t-il en entrevue, par visioconférence, de Berlin, où il réside avec sa famille.

Le terme végane étant devenu, selon lui, « très chargé », il a voulu s’en détacher pour faire place aux nuances et saluer les efforts de toutes les personnes qui réduisent leur consommation de produits animaux. Ce livre n’a pas tant pour but de convaincre que d’accompagner et de guider vers une alimentation de plus en plus végétalisée.

Se plonger dans le sujet

En 2014, il a été lui-même plongé dans un univers méconnu lorsque sa conjointe est devenue végétarienne. Il ne s’était alors jamais intéressé au sujet. « J’étais un amateur de viande. J’achetais la pizza quatre viandes, à la Banquise [haut lieu montréalais de la poutine], je commandais la T-Rex [steak haché, pepperoni, bacon et saucisse à hot dog]. Je ne me suis pas réjoui quand elle m’a annoncé la nouvelle. »

De bonne foi, il s’est entendu avec elle pour adopter un régime végétarien à la maison, tout en restant libre de manger ce qu’il souhaitait à l’extérieur, sans jugement. Aux premières loges de désaccords musclés, à table avec l’entourage, mais surtout en ligne, Martin Quirion a voulu faire ses recherches pour voir de quel côté se situait la science. Il a épluché de nombreuses études (l’ouvrage compte près de 600 références !) sur l’évolution humaine, l’impact environnemental des divers aliments, les implications nutritionnelles d’un régime végétalien et les assises éthiques de la consommation de viande. Il en livre le résultat dans un impressionnant exercice de vulgarisation découpé en 12 bouchées.

PHOTO DANIEL LONG, FOURNIE PAR MARTIN QUIRION

Martin Quirion

« Je voulais axer le livre sur la science, parce que c’est ce sur quoi je me fie au jour le jour quand j’essaie de me faire une idée des enjeux dans le monde très complexe dans lequel on vit », souligne celui qui est né d’une mère œuvrant en sciences de l’environnement et en santé publique.

Bien qu’il ait aussi mis le nez dans les recherches dont les résultats allaient à contre-courant, Martin Quirion a surtout retenu les études qui s’articulaient autour d’un consensus, déboulonnant au passage plusieurs idées préconçues comme celle voulant que manger de la viande soit naturel pour l’humain omnivore.

Si la viande a joué un rôle indéniable dans l’évolution, les humains ne sont plus aujourd’hui en mode survie en nature, argue-t-il. Ils aspirent plutôt à une longue vie en bonne santé. « L’omnivorisme, c’est la première chose à laquelle les gens pensent quand on leur propose l’idée d’une alimentation 100 % végétale. “Omnivore”, ça veut dire qu’on peut, mais est-ce que ça veut vraiment dire qu’on doit ? Et la “naturalité”, qu’est-ce qui est naturel au XXIe siècle ? », interroge-t-il, tout en se gardant bien de dire aux peuples autochtones et aux populations qui souffrent de malnutrition de cesser de consommer de la viande.

Incertitudes dissipées

La crainte des carences nutritionnelles qui l’habitait lui-même au départ ne se confirme pas non plus. La vitamine B12 peut certes manquer aux végétaliens, mais cette carence peut être comblée par la prise de suppléments ou la consommation d’aliments enrichis. « On utilise la supplémentation pour les mères enceintes, les bébés. Il n’y a rien de mal à supplémenter quand ça peut optimiser la santé », fait-il valoir, en précisant que les animaux d’élevage reçoivent aussi des suppléments alimentaires.

Bien qu’une incertitude règne encore sur plusieurs aspects de la nutrition, il conclut que deux constats s’appuient sur une majorité d’études : privilégier les aliments peu ou pas transformés et accorder une place centrale aux aliments d’origine végétale. Pour lui, il n’y a aucun doute : tant du point de vue écologique que de celui de la santé ou de l’éthique animale, notre alimentation gagne à être plus végétale. « Il y a une convergence de preuves dans toutes les disciplines et une prépondérance de preuves. On ne peut plus faire comme si c’était quelque chose qu’on pouvait réfuter et balayer du revers de la main. »

Néanmoins, les végétariens et les véganes ont souvent la vie dure dans les soupers de famille. Les normes sociales tendent encore vers la valorisation de la consommation de la viande. Martin Quirion appelle au dialogue et au respect mutuel pour que, dit-il, la nièce végétarienne ne soit plus perçue comme un mouton noir ou comme celle qui vient gâcher le souper, mais comme « quelqu’un qui fait un petit pas de plus pour être en accord avec ses principes et ses valeurs ».

Végécurieux : 12 bouchées scientifiques pour prendre goût à l’alimentation végétale

Végécurieux : 12 bouchées scientifiques pour prendre goût à l’alimentation végétale

Éditons Château d’encre

316 pages

Le Festival végane de Montréal de retour

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Plats 100 % végane

Les « végécurieux » pourront se renseigner sur l’alimentation végétale lors de la 10e édition du Festival végane de Montréal. L’évènement, qui se tiendra les 30 septembre et 1er octobre, au Palais des congrès de Montréal, présentera des conférences, stands et démonstrations culinaires animés notamment par Lloyd Rose, Emy Levasseur et Christian Ventura, fondateur et propriétaire de Sushi Momo et chef exécutif des restaurants Lov.

Consultez le site du Festival végane de Montréal