Une pétition lancée par des collégiennes circule en Angleterre pour faire abolir l’utilisation de lingerie aux allures d’habits d’écolières dans l’industrie du sexe. L’un des objectifs : rendre les rues plus sécuritaires pour les jeunes portant l’uniforme. Une question qui préoccupe aussi des intervenants d’ici.

Sarah Maile, professeure et représentante du mouvement, est déterminée à ce que l’enjeu se rende aux oreilles du gouvernement et fasse réfléchir la société. « Ce qui est déchirant, c’est qu’on a des filles de 14, 15, 16 et 17 ans qui disent à leur gouvernement : “S’il vous plaît, pouvez-vous empêcher notre société de sexualiser notre uniforme scolaire ?” », résume celle que nous avons jointe en Angleterre.

« Nos jeunes ne se sentent pas en sécurité dans leurs déplacements parce qu’on a banalisé la sexualisation de ce costume, et c’est là que je trouve que c’est problématique », expose Cathie Gaudreault, sexologue et intervenante au collège Regina Assumpta.

« Plusieurs jeunes choisissent d’enlever la jupe pour aller prendre les transports en commun. Plusieurs la raccourcissent à l’école, pour une question de look, de s’assumer, d’être confiante. Mais une fois sorties, elles défont les tours de jupe pour l’avoir la plus longue possible », constate-t-elle.

Mineurs hypersexualisés

« On s’entend que c’est socialement inacceptable d’érotiser un enfant, mais c’est ça qui se passe quand on érotise l’image de l’écolière », concède Véronique Jodoin, sexologue éducatrice et psychothérapeute.

Ce fantasme de l’écolière est véhiculé dans notre société depuis longtemps, et parmi les jeunes filles qui marchent dans la rue, il y en a qui vont se sentir regardées, ou hypersexualisées, à cause de leur uniforme.

Véronique Jodoin, sexologue éducatrice et psychothérapeute

Cathie Gaudreault ne compte plus le nombre d’exemples de propos agressants, de propositions indécentes et de gestes déplacés en lien avec le port de la jupe d’écolière qui lui ont été confiés. « Oui, il y a des attouchements, même des mains sur les cuisses, sous la jupe, en plein métro, en plein autobus », dénonce la sexologue qui travaille tous les jours avec des jeunes portant l’uniforme.

« Comment pouvons-nous vivre des situations où notre société semble tolérer ces comportements ? », s’indigne Sarah Maile.

Entre adultes consentants

Les fétiches sont variés et valables, explique Véronique Amato, gérante de la boutique érotique 50 nuances depuis les sept dernières années. « Dans ce type de costumes, si on parle de classiques, c’est l’infirmière, l’écolière, la femme de ménage [qui se démarquent]. Mais l’écolière remporte toujours ; chez tous les âges, toutes les grandeurs et toutes les formes. » Néanmoins, la vente de telles lingeries demeure une minime partie de son chiffre d’affaires.

C’est aussi le cas pour Céline Roussel, copropriétaire de la franchise de boutiques érotiques La Clé du Plaisir, qui en vend également une dizaine par année. Elle ne verrait donc aucun problème à retirer ce type de produits de ses étalages si c’était demandé.

Véronique Amato soutient toutefois que l’univers du fétichisme est « large et vaste ». Une personne peut alors être sexuellement excitée par un costume d’écolière sexy sans être attirée par les plus jeunes. Ainsi, elle compare les différents jeux de rôles sexuels, notant que toutes les parties sont majeures et consentantes.

Une tendance révolue ?

« On sent que [les scénarios qui mettent de l’avant ce type de costume] sont moins à la mode présentement, mais c’était quelque chose qui était tendance il y a quelques années, un peu comme les baby-sitters », remarque Nicola Lafleur, propriétaire de la maison de production québécoise de films pornographiques Productions Pegas, qui ne verrait pas d’inconvénient à éliminer cette pratique.

« Dans l’imaginaire érotique, il y a quelque chose d’excitant dans ce qui est interdit. Si on regarde dans la porno, qui a beaucoup évolué depuis les années 1970, de plus en plus, on va érotiser des scénarios comme ça qui sont socialement inacceptables. Par exemple, une belle-mère et son gendre ou un père et sa fille », souligne la sexologue Véronique Jodoin. « Et il n’y a rien de mal à utiliser des scénarios dans notre tête tant que ça reste fictif et qu’on en comprend la différence », ajoute celle qui travaille également auprès d’élèves au collège Notre-Dame-de-Lourdes.

Selon Cathie Gaudreault, le parallèle entre sexualisation et adolescence reste néanmoins douteux.

Il faut faire la part des choses entre la sexualité, les fantasmes, les fétiches. Tout se peut. On le sait bien, les sexualités se valent toutes, mais quand ça vient compromettre notre intégrité d’enfant ou d’adolescent, je trouve que c’est questionnable.

Cathie Gaudreault, sexologue et intervenante au collège Regina Assumpta

Sarah Maile réitère ce malaise : « En fin de compte, sans manquer de respect aux infirmières, aux pompiers ou aux religieuses, l’uniforme scolaire se démarque beaucoup dans le fait qu’il s’agit d’un costume d’enfant et, par conséquent, je ne vois pas la sexualisation des enfants comme un fétiche. La sexualisation des enfants n’est pas acceptable. »

Mme Gaudreault espère que la société prendra le temps de se remettre en question et de réviser ses positions en allant jusqu’à « faire un ménage » dans l’offre des costumes d’Halloween à connotations sexuelles. « Je connais bien des élèves qui seraient contentes de lancer une pétition comme celle en Angleterre pour que cesse ce genre d’utilisation de l’image de l’écolière ; pour qu’elles aient le droit d’être des écolières sans être des écolières sexy. »