En congé à la relâche scolaire, des familles tapissent les réseaux sociaux de leurs mille et une activités, toutes plus originales les unes que les autres. Ce que ces images idylliques ne montrent pas, ce sont les enfants qui parfois sont grincheux : eux, ils auraient préféré ne rien faire du tout.

« Ma fille ne veut rien faire à la relâche, lance Annie Girard, Lavalloise de 36 ans. Elle veut rester à la maison, affalée sur le divan avec une couverture, collée sur le chien. »

Alice, 6 ans, boude les activités planifiées et organisées par sa mère. Celle-ci prend congé à la relâche... même si elle garde un souvenir doux-amer des vacances de Noël. « Je pense qu’elle se sent surchargée par l’école en temps de pandémie, raconte cette enseignante au préscolaire. Quand je lui propose d’aller faire du patin, de la raquette ou d’aller glisser, rien ne lui tente. Elle préfère de loin rester à la maison, dans son confort. »

Même son de cloche chez Céline Moïse, mère d’un garçon de 13 ans et d’une fille de 12 ans. « Ils me disent : “On veut se reposer, on est fatigués”, confie cette résidante de Québec de 42 ans. J’ai réussi à négocier un camp de basketball tous les matins pour mon fils, mais ma fille ne veut rien faire. »

Selon ses dires, Céline « abdique » et s’organise de son côté quelques activités, comme des marches et des randonnées, pendant la relâche. Elle essaie tout de même de rallier ses adolescents à quelques petites activités. « J’écoute des séries télé avec ma fille et on joue à un jeu de société tous ensemble », dit-elle, une pointe d’insatisfaction dans la voix.

Lassitude collective

Selon Nancy Doyon, éducatrice spécialisée et coach familiale depuis 30 ans, il y a cette année une lassitude collective liée à la pandémie. « Cela fait bientôt deux ans qu’on est en pandémie, souligne-t-elle, nous sommes en suradaptation. Les enfants, comme les adolescents et les adultes, n’ont pas trop envie de bouger, ils manquent d’énergie, de oumpf ! »

Elle rappelle que la relâche a été mise en place pour que les enfants puissent recharger leurs batteries pour le dernier blitz avant la fin d’année scolaire. Prévoir trop d’activités et de sorties ne rend service à personne, croit-elle. « Les enfants ne se reposeront pas, ils risquent de tomber en mode confrontation et, en plus, on se retrouve à ne pas écouter leurs besoins, à ne pas les respecter. »

La psychologue Amélie Seidah considère qu’avoir une discussion ouverte et franche sur les besoins et les attentes des enfants face à la relâche est essentiel. « C’est un bon exercice d’introspection, indique-t-elle, ça force à se demander ce dont on a besoin, ici maintenant, et donc, à se connaître. »

Extrêmement organisés à l’école et bombardés de consignes sanitaires qui ont changé au fil des mois, certains enfants perçoivent ce moment de pause comme une occasion d’être laissés à eux-mêmes, d’avoir du temps libre, de tourner en rond – alors que d’autres voudront en profiter pour bouger, être dehors ou socialiser.

Tout est une question de goûts... et de tempéraments. Or, si le parent organise le congé sans en tenir compte, il est fort possible que la semaine « de rêve » devienne catastrophe.

Certains enfants aiment ça, prendre ça plus mollo, ils sont plus pantouflards. Ça se peut que les parents s’épanouissent dans le plein air... et l’enfant, lui, c’est à travers le bricolage.

Nancy Doyon, éducatrice spécialisée et coach familiale

Trouver l’équilibre

Pour éviter les conflits parents-enfants, ou une séance en règle de boudage en plein milieu d’une activité, les deux expertes suggèrent de miser sur l’équilibre. « On n’est pas obligé de tout faire en famille, note Mme Seidah. On peut faire des choses chacun de son côté, se retrouver plus tard et c’est tout à fait correct ! Je prône toujours la flexibilité. »

Mme Doyon abonde dans le même sens : « C’est bien de trouver un équilibre entre le respect du besoin de l’enfant et celui du parent, affirme-t-elle. Par exemple, si notre enfant n’a pas envie de faire du ski avec nous, c’est OK, mais il ne passera pas la journée sur la tablette non plus. On va tenter de rallier son besoin de tranquillité et de solitude et notre besoin d’aller dehors, de faire du sport. C’est une conversation et une négociation qu’on peut avoir. »

Quant à la sacro-sainte image de la relâche parfaite, telle que celle souvent affichée sur les réseaux sociaux, Amélie Seidah n’y croit pas – et met en garde les parents qui pourraient être bercés par cette illusion.

« Attention à ceux qui veulent tout prendre en charge, qui se mettent beaucoup de responsabilités sur les épaules et essaient que leurs enfants touchent à tout pendant cette semaine, croit-elle. Le plus beau cadeau que vous pouvez faire à votre famille et à vous-mêmes, c’est celui d’avoir la liberté de choisir ce qui fonctionne pour vous, chez vous. »