« Avez-vous des questions sur le vaccin ou le processus ? », demande Suzanne Gilbert d’un ton avenant.

Derrière son masque et sous son casque de vélo, la femme qui vient d’arriver a justement quelques questions sur les effets secondaires à court terme du vaccin d’AstraZeneca. « Est-ce qu’on va pouvoir faire un 5 à 7 en fin de journée ? », blague la femme, maîtrisant visiblement bien l’humour de confinement.

Nous sommes au Palais des congrès de Montréal, vendredi matin, deuxième jour de la vaccination sans rendez-vous réservée aux personnes de 55 ans et plus qui souhaitent obtenir le vaccin d’AstraZeneca. Les gens qui se présentent attendent peu ou pas du tout. La circulation est fluide.

L’hiver dernier, Suzanne Gilbert s’est jointe à l’effort de vaccination après une longue carrière de pharmacienne gestionnaire et clinicienne à l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal et au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal. Jeudi et vendredi, elle était agente d’information au Palais des congrès, accueillant les gens pour répondre à leurs questions. La Presse a passé la matinée avec elle.

À la cycliste qui s’interroge sur les effets à court terme du vaccin (nous ne l’avons pas reconnue sur le coup, mais il s’agit de la conseillère municipale Marie Plourde), Suzanne Gilbert explique qu’elle pourrait avoir un peu de fièvre, un petit mal de tête, un peu de douleurs musculaires et articulaires et de fatigue pendant deux ou trois jours. « De l’acétaminophène toutes les quatre à six heures, au besoin, conseille la pharmacienne. Et il faut bien s’hydrater. »

Après un court moment de réflexion (Marie Plourde avait envie d’être en forme pour une entrevue en après-midi et le congrès de son parti, ce week-end), elle se laisse gentiment convaincre par l’ex-ministre des Finances Nicolas Marceau, croisé par hasard sur le chemin du Palais des congrès (ça ne s’invente pas). « On va y aller, ça va être fait ! », lance Marie Plourde, qui rêve au jour où elle pourra de nouveau enlacer ses amis.

Les gens qui viennent ici sont contents de recevoir le vaccin, ils avaient hâte.

Suzanne Gilbert

Ils n’ont pas été freinés non plus par les très rares cas de thrombose observés après l’administration du vaccin d’AstraZeneca, bien qu’une bonne partie des questions adressées à Suzanne portent sur le sujet.

Dans la file, une femme lui demande si le fait d’être immunodéprimé est une contre-indication, lui confiant dans la foulée quels médicaments elle prend. « Non, ce n’est pas une contre-indication », répond Suzanne Gilbert, dont la formation en pharmacie s’avère fort utile. La femme, qui vient chercher une « tranquillité d’esprit » avec le vaccin, est rassurée.

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Suzanne Gilbert parle avec Alain Spooner.

En se mettant dans la courte file, vers 11 h, Alain Spooner demande à Suzanne Gilbert quels sont les symptômes d’une thrombose. « C’est un sentiment de libération, dit Alain Spooner à propos du vaccin. Et je veux faire partie de l’effort de groupe. De la solution. »

C’est aussi pour faire partie de la solution que Suzanne Gilbert est là, aujourd’hui.

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Un homme reçoit son vaccin au Palais des congrès.

« La crise de la COVID, ça m’a amenée à réfléchir sur ce que j’avais envie de faire, confie-t-elle. Quand j’ai vu que les résidants de nos CHSLD étaient décédés à cette hauteur, le printemps dernier, sur le plan personnel, ça m’a amenée à une grande réflexion. » En mars, elle a pris sa retraite de la gestion pour contribuer directement à la crise sanitaire.

« Et, en toute connaissance de cause, ce n’est vraiment pas plaisant, la COVID », glisse Suzanne, qui a elle-même contracté une forme légère de la maladie, l’été dernier. Ç’a été trois, quatre semaines de grande fatigue (« il fallait que je dorme tous les jours »), en plus de symptômes intestinaux et d’urticaire aux bras. Son conjoint aussi en a souffert.

La vaccination, c’est la seule arme que nous avons pour retourner à une certaine normalité.

Suzanne Gilbert

Carl Hartill, 59 ans, est venu au centre de vaccination sans rendez-vous pour demander s’il pouvait obtenir un vaccin autre que celui d’AstraZeneca – ce qui n’est pas possible, apprendra-t-il. Il souffre de différentes maladies chroniques. « J’ai eu un anévrisme, ce n’est peut-être pas une bonne idée de prendre l’AstraZeneca », dit-il à Suzanne Gilbert, qui l’écoute avec empathie.

Elle lui rappelle que, dès la semaine prochaine, les gens de moins de 60 ans atteints de maladies chroniques pourront prendre rendez-vous pour se faire vacciner et l’invite à communiquer avec son médecin. M. Hartill, poli, la remercie et rebrousse chemin. « Je peux attendre une semaine, dit-il, résigné. Les services de santé sont excellents, mais quand j’ai entendu que des milliers de plages horaires étaient inutilisées à Montréal… »

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La conseillère municipale Marie Plourde et l’ex-ministre Nicolas Marceau attendent dans la salle après avoir reçu leur vaccin.

Dans la salle d’attente post-vaccination, à l’extrémité de l’immense salle du Palais des congrès destinée à la vaccination, Marie Plourde et Nicolas Marceau attendent une quinzaine de minutes avant de pouvoir repartir chez eux, vaccinés.

« Comme on voit qu’il y a une accélération dans la contagion, en ce moment, faisons notre effort de guerre pour l’immunité collective », dit Marie Plourde.

« C’est la chose à faire », conclut Nicolas Marceau.