(Paris) « Les applis, c’est tout ce qu’il nous reste » : à Paris, Londres, Tokyo ou Lisbonne, ils sont des millions à avoir investi les plateformes de rencontre. « Pas forcément pour draguer », assurent à l’AFP ceux qui souffrent de solitude, engendrée par la crise sanitaire.

Il aura fallu une pandémie pour le convaincre. « Pas du tout » porté sur les applications de rencontre, Rodrigo, 18 ans, étudiant en droit à Lisbonne, a finalement sauté le pas l’automne dernier.

« Au début, on se dit que la crise va passer, qu’il faut prendre son mal en patience. Mais quand le provisoire s’installe, il faut essayer de nouvelles choses », explique-t-il à l’AFP.

Cours en ligne, sorties réduites comme peau de chagrin et l’impression « de passer (s)a vie avec ses parents » l’ont donc poussé à s’inscrire sur plusieurs applications de rencontre, qu’il écume « quotidiennement depuis des mois ».

Davantage que la recherche « du grand frisson », le jeune homme assure utiliser les plateformes comme un outil pour échanger avec des jeunes de son âge. « C’est tout ce qu’il nous reste », soupire-t-il, alors que son pays, le Portugal, a été contraint à un reconfinement fin janvier.

Évacuer le stress

Au total, il a noué des liens avec quatre jeunes de son âge, devenus, depuis, des « amis » avec lesquels il discute « tous les jours ». Une façon « d’évacuer stress et frustration » engendrés par la pandémie.

« Ça peut sonner cliché, mais les applications m’ont vraiment permis de ne pas sombrer, abonde Sébastien, étudiant français de 19 ans. Quand on ne va plus à la fac, que les bars, restos, cinés sont fermés, on passe des journées entières seul, à ruminer. C’est hyper violent ».

Comme Rodrigo, il a noué des relations, principalement virtuelles, avec plusieurs jeunes de son âge, « très présents sur les plateformes et pas forcément là pour draguer », assure-t-il.

Des échanges qui commencent d’abord par messagerie avant de passer par la « vidéo chat », fonctionnalité que de nombreuses applications ont mise en place avec la crise sanitaire.

À des milliers de kilomètres de là, à Tokyo, Ambroise, une expatriée française de 32 ans, a aussi été traversée par le même sentiment de solitude. Si le pays a pu échapper au confinement, des mesures de restrictions ont été mises en place pour freiner la propagation du virus.

La jeune traductrice, qui partage sur Twitter des anecdotes de ce qu’elle voit sur Tinder, l’application reine avec presque 7 millions d’abonnés dans le monde, explique utiliser l’application lorsqu’elle n’a « pas trop le moral », pour pouvoir échanger avec d’autres utilisateurs.

« Le bon moment »

« Avec la réduction draconienne de nos interactions sociales, la pandémie a généré des troubles affectifs chez des millions de gens qui, en réaction, tentent de trouver, là où ils peuvent, une façon de combler, parfois même d’extérioriser, ces troubles », analyse Julien Bernard, sociologue des émotions.

Ana*, 31 ans, Espagnole originaire de Valladolid, n’a pas renoncé à faire des rencontres amoureuses. Pour ça, la jeune femme s’est résignée, crise sanitaire oblige, à utiliser l’application Tinder, qu’elle n’avait, jusque-là, utilisée que brièvement en 2015 et 2016.

« Vers la fin 2020, je me suis convaincue d’essayer au moins quelques jours, tout en me disant que si les conversations me mettaient mal à l’aise ou si je ne trouvais pas chaussure à mon pied, je laisserai tomber », raconte-t-elle. Mais dès son premier jour d’utilisation, la jeune femme rencontre celui avec lequel elle est en couple aujourd’hui.

À Londres, l’expérience a été moins concluante pour Martha, 41 ans, habituée des applications de rencontre, qui avait vu dans la crise sanitaire l’opportunité de trouver la bonne personne.

« Je pense qu’on a été nombreux à se dire qu’on avait du temps à consacrer à nos recherches amoureuses et que c’était peut-être même le bon moment », explique-t-elle.

Bon moment ou pas, la majorité des plateformes ont connu un boom ces derniers mois. Le groupe Match, qui détient huit marques dont Tinder, Hinge ou encore Meetic, a gagné un peu plus d’un million d’utilisateurs payants au dernier trimestre 2020 par rapport au précédent (+12 %), atteignant la barre des 11 millions d’utilisateurs dans le monde.

*Prénom modifié