La pandémie a-t-elle rapproché les couples ? Précipité de nouvelles relations ? Changé notre façon d’aimer ? Oui, oui et non. Les effets de la pandémie sur nos relations amoureuses ont fait l’objet de plusieurs hypothèses au cours des derniers mois. Avec du recul, lesquelles se sont avérées ?

Tirer profit de la pandémie

Au début de la pandémie, « se retrouver » (en couple, en famille) était probablement placé tout en haut de la liste des expressions les plus utilisées, juste sous « se réinventer ». À force d’usage, l’expression semblait avoir perdu de son sens… Or, beaucoup de couples ont bel et bien, dans l’intimité, tiré profit de la pandémie. « Nous avons vu beaucoup de couples, généralement des couples qui étaient ensemble depuis longtemps, profiter de l’occasion de se reconnecter. Les premiers mois, plusieurs nous ont même dit qu’ils se sentaient coupables d’être bien à la maison, alors que tant de personnes souffraient », observe Richard Slatcher, professeur en psychologie à l’Université de Géorgie, aux États-Unis.

PHOTO ANDREW DAVIS TUCKER, FOURNIE PAR RICHARD SLATCHER

Le professeur Richard Slatcher, de l’Université de Géorgie. Au printemps 2020, avec une équipe de chercheurs, il a lancé le projet Love in the Time of COVID, une étude internationale sur les effets de la pandémie sur nos liens sociaux.

Au printemps 2020, avec une équipe de chercheurs, il a lancé le projet Love in the Time of COVID, une étude internationale sur nos liens sociaux en cette ère troublée. L’étude, qui a suivi 600 personnes aux quatre coins du monde, est toujours en cours (« Nous pensions avoir terminé la collecte de données, mais avec le variant Delta, on ne sait pas quand on va arrêter »). Elle a démontré qu’au premier confinement, environ 50 % des personnes dans une relation heureuse se sentaient davantage connectées à leur partenaire. C’était le cas d’Alexia Leclair et de son mari, Mathieu Francœur. Parents de trois enfants, dont un bébé né pendant la pandémie, le couple dit qu’il retournerait en arrière n’importe quand. « La pandémie a renforcé nos liens. On a ralenti le rythme, on s’est retrouvés seuls et ça nous a permis de réaliser qu’on est bien entre nous », confie la jeune mère.

Si on se chicanait, il fallait trouver des solutions, parce qu’on avait juste l’autre. On devait s’entraider à 100 %.

Alexia Leclair, mère de trois enfants

Coup dur pour les couples instables

À l’inverse, la pandémie a fragilisé les relations qui battaient déjà de l’aile. L’intolérance envers l’autre s’est accentuée, les conflits ont grimpé en intensité. « Autrefois, il y avait une pause de la violence quand le couple partait travailler. Là, il n’y avait plus d’exutoire. On l’a vu dans les cas de violence conjugale et la vague de féminicides », s’attriste Sèdami Gwladys Tossa, thérapeute conjugale et familiale. Et il était aussi plus difficile de sortir d’une relation malsaine, ajoute Richard Slatcher. « De nombreuses recherches réalisées avant la pandémie ont montré qu’on reste plus longtemps avec un partenaire quand il n’y a pas beaucoup d’autres options. Pendant la pandémie, nous n’avions pas les options de rencontre habituelles, aller au bar, dans une fête… Il y avait aussi l’insécurité financière, qui faisait que c’était plus difficile de partir. »

Le speed dating des réseaux sociaux

Au début de la pandémie, Malika Alaoui passait son temps sur Twitter. Par ennui, par solitude. Entre deux gazouillis, elle a fait la connaissance d’un utilisateur charmant. « On a commencé à se parler un peu, puis finalement, on est devenus un couple. C’était assez bizarre parce qu’on était les deux confinés, alors on se n’était jamais vus en vrai », raconte Malika Alaoui. C’est une romance typique de la pandémie, remarque Sèdami Gwladys Tossa. Les premiers contacts sont virtuels et la relation déboule vite. « En ligne, on peut poser des questions plus osées, se dévoiler plus facilement. On est moins gêné derrière l’écran. On ressent un sentiment de connexion. Ça accélère la relation », affirme-t-elle. Ça, et les restrictions sanitaires. Car plusieurs couples ont emménagé ensemble très (lire trop) tôt dans leur relation, afin de limiter les contacts.

Ça bouscule les habitudes. Soudain, tu te retrouves avec des défis de couple avant même que le couple se soit consolidé !

Sèdami Gwladys Tossa, thérapeute conjugale et familiale

L’été suivant leur rencontre (virtuelle), Malika Alaoui et son amoureux se sont enlacés pour la première fois. Disons qu’elle a vite déchanté… « Plus je le voyais, plus il révélait sa vraie personnalité et je sentais que ça n’allait pas marcher. En dehors du contexte de pandémie, c’était une relation assez toxique, mais j’avais besoin de quelqu’un, une forme d’attention », exprime l’étudiante en communication, qui a rompu avant la rentrée scolaire. Évidemment, tous les couples de pandémie ne sont pas des béquilles émotionnelles, nuance Mme Tossa. « L’humain a besoin d’autres humains autour de lui. C’est correct de se tromper, d’avoir pris le chemin le plus court. Mais une fois que les choses s’apaisent, il faut se poser la question : est-ce que je suis au bon endroit, avec la bonne personne ? »

PHOTO FOURNIE PAR SÈDAMI GWLADYS TOSSA

Sèdami Gwladys Tossa, thérapeute conjugale et familiale

Et au bout du compte ?

Même si l’étude Love in the Time of COVID se poursuit, Richard Slatcher note déjà que, globalement, notre façon d’aimer n’a pas été marquée de façon durable par la pandémie. « L’humain est extrêmement résilient et sa nature est très difficile à changer, observe-t-il. Il n’y a aucune raison pour moi de croire à un changement profond qui va rester. »

Consultez l’étude Love in the Time of COVID