Un départ matinal de Goose Bay, au Labrador. Une petite pause-pipi à Sept-Îles en chemin. Un atterrissage vers midi à l’aéroport de Saint-Hubert, devant le hangar de l’École nationale d’aérotechnique, salué par des jets d’eau. Zara Rutherford a ainsi effectué une autre étape de son tour du monde, lancé il y a une semaine en Belgique, avec escales en Grande-Bretagne et au Groenland.

À 19 ans, la jeune pilote belge espère être la plus jeune femme à réaliser un tour du monde en solo. Mais elle a un objectif supplémentaire : encourager les filles à se lancer dans l’aventure aéronautique, que ce soit comme pilotes, techniciennes ou ingénieures.

« Ça va encourager les plus jeunes à s’inscrire dans ce genre de domaine, s’enthousiasme Maya Cantin, présidente du comité de vie étudiante de l’École nationale d’aérotechnique (ENA). À 19 ans, elle pilote son propre avion. Elle montre qu’il n’y a pas de limites, pas de problèmes. Dans un milieu d’hommes, les femmes sont capables d’en faire autant, d’accomplir de belles choses. »

Zara Rutherford a toujours aimé la science, la technologie, l’ingénierie, les mathématiques.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Des dignitaires, des passionnés d’aviation, des élèves et des professeurs de l’ENA, mais aussi des enfants et des ados aux yeux brillants, ont accueilli la jeune pilote.

« Il n’y avait pas beaucoup de filles qui étaient intéressées à ça, a raconté la jeune femme lors d’une petite conférence de presse à son arrivée à Saint-Hubert. Je ne pouvais pas parler de ça avec mes amies, ça ne les intéressait pas. »

Avec deux parents pilotes, Zara Rutherford était passionnée d’aviation et avait commencé à piloter très jeune. Mais en dehors de son cercle familial, elle ne voyait pas beaucoup de femmes pilotes.

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L’avion de Zara Rutherford est un petit appareil Shark, construit en Slovaquie. Il peut aller jusqu’à 130 kilomètres à l’heure.

C’est triste qu’à 8 ou 9 ans, tu ne voies pas de femmes qui font ce que tu aimes. Avec tous les gens que je vois ici, j’ai un peu d’attention ; j’espère utiliser ça pour que plus de filles me voient et se disent : enfin, une autre femme qui aime voler.

Zara Rutherford

Plus jeune, elle rêvait de faire le tour du monde en solo, mais elle ne voyait pas comment réaliser ce projet, trop complexe, trop coûteux. Mais lorsqu’elle en a parlé à ses parents, ceux-ci ont immédiatement embarqué dans le projet.

Les préparatifs ont effectivement été compliqués et certains détails ont été réglés à la dernière minute. Ainsi, il y a une semaine seulement que l’entourage de la jeune pilote a pris contact avec l’ENA pour l’escale montréalaise.

L’établissement n’a pas hésité une seconde.

« Le message qu’elle véhicule, c’est en plein ce qu’on veut : favoriser les carrières pour les femmes en aéronautique, raconte le directeur de l’ENA, Pascal Désilets. On a de la misère à attirer les femmes en aéronautique : à l’ENA, nous sommes à 10 ou 11 % de filles. On aimerait que ce soit 50-50 éventuellement. »

Il note que même Polytechnique Montréal, « la meilleure école d’ingénierie en termes de participation des filles », ne compte qu’environ 30 % d’étudiantes.

Un tour à l’ENA

Pendant son escale de 24 heures dans la région montréalaise, Zara Rutherford rencontrera notamment les élèves de l’ENA, ce qui réjouit M. Désilets.

« C’est un évènement marquant qui devrait permettre d’enflammer encore davantage les étudiants, surtout ceux de première année. C’est souvent là qu’on a le plus d’abandons. »

Le passage de Zara Rutherford représente une lueur d’espoir pour un autre aspect.

Elle le fait alors qu’on est encore en pandémie, que des frontières sont encore fermées, qu’il y a encore beaucoup de restrictions lorsque vient le temps d’aller dans d’autres pays. Elle a quand même décidé d’y aller. C’est beaucoup de courage et de détermination que d’accomplir ce voyage.

Maya Cantin, présidente du comité de vie étudiante de l’École nationale d’aérotechnique

Zara Rutherford avoue qu’elle a parfois eu des inquiétudes en vol solo, notamment lors de la traversée du Groenland.

« Ce n’était pas rationnel. Je me disais que si quelque chose arrivait, c’était le pire endroit pour ça. Mais j’essayais de ne pas y penser. »

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L’appareil a été salué par des jets d’eau à son arrivée à l’aéroport de Saint-Hubert.

Après Montréal, Zara se dirigera vers New York. Puis, elle descendra progressivement vers l’Amérique centrale avant de remonter la côte ouest américaine jusqu’en Alaska. Elle passera alors en Russie avant de redescendre vers le sud-ouest, à travers la Chine, pour rejoindre l’Indonésie. Elle se dirigera par la suite vers l’Inde et le Moyen-Orient pour rejoindre finalement l’Europe. Elle espère terminer son périple au début de novembre.

En conférence de presse, un jeune garçon lui a demandé ce qu’elle entendait faire par la suite.

« Dormir pendant deux semaines », a-t-elle répondu.

Elle a ajouté qu’elle envisageait de retourner aux études en septembre 2022, possiblement à l’université en génie électrique.

Pascal Désilets a d’autres plans pour elle.

« Nous avons 24 heures pour la convaincre de s’inscrire à l’ENA ! », a-t-il lancé.

Suivez la progression de la jeune pilote (en anglais)

Rectificatif
Dans une version précédente de cet article, nous indiquions que Zara Rutherford espérait être la première femme à réaliser un tour du monde en solo. En fait, elle espère être la plus jeune femme à réaliser cet exploit. Nous indiquions également que son appareil, le Shark, pouvait aller jusqu’à 130 kilomètres à l’heure. Sa vitesse maximale tourne plutôt autour de 300 kilomètres à l’heure.