En 2017, bien avant la pandémie et l’avènement du Panier bleu, le journaliste et animateur Frédéric Choinière avait tenté de s’entourer exclusivement de produits d’ici pour la série documentaire Ma vie Made in Canada. Alors que l’achat local a le vent dans les voiles, il explore le concept, ses vertus et ses limites dans le livre L’achat local : réflexions et conseils pour voir la vie en bleu.

Une année canadienne

Retour dans le temps. Il y a quatre ans, parachuté dans un appartement vide de Toronto, Frédéric Choinière a dû repartir à neuf en tentant de ne consommer que des biens et services canadiens. On a pu voir les résultats de sa quête dans la série Ma vie Made in Canada, qui avait été diffusée sur les ondes d’Unis TV et qui est toujours offerte en ligne. C’est cette expérience, couplée à de nombreuses visites d’usines et à des entrevues avec des entrepreneurs, qui l’a mené à explorer le concept d’achat local. Une expérience certes radicale, mais pas impossible, puisqu’il estime son taux de réussite à 95 %. « Je n’avais aucun petit électroménager et j’inclus dans mon taux de réussite une laveuse, une cuisinière et un frigo achetés usagés, d’une époque où on les fabriquait encore ici. J’avais une vie quand même pas monacale, mais j’avais dû renoncer à beaucoup de choses. » Dont le café, si vous êtes curieux de savoir ce qui lui a le plus manqué.

La jungle des définitions

Car même si on retrouve du café en abondance sur le Panier bleu (plateforme lancée pour promouvoir l’achat local), ce n’est pas un aliment d’ici. Mais qu’est-ce qu’un produit local ? « Il n’y a pas de définitions officielles, indique l’auteur, qui consacre tout un chapitre de son livre à la question. Certaines personnes vont mettre l’accent sur le lieu de fabrication d’un produit, alors que d’autres sont plus concernées par des notions d’achat local, c’est-à-dire magasiner dans son quartier ou sa ville. Les deux sont la réponse. » Pour le Bureau de la concurrence du Canada, un « produit du Canada » est un produit dont « la dernière transformation substantielle a eu lieu au Canada » et dont « la totalité ou presque (au moins 98 %) des coûts directs de production ou de fabrication a été engagée au Canada ».

Des frontières qui bougent

Le Canada étant un grand pays, l’achat local peut être paradoxal, surtout lorsqu’on souhaite consommer local pour diminuer son impact environnemental. « Pour le Québec, un produit alimentaire qui vient de la Nouvelle-Angleterre est probablement plus local qu’un produit de la Colombie-Britannique, mais il ne vient pas de notre pays, souligne Frédéric Choinière. Dans la réalité, cette définition, elle est mouvante et elle va s’adapter selon les produits. Si on cherche une viande ou un fromage local, on peut privilégier notre région, mais si on cherche un produit qu’on ne manufacture pas au Québec, on peut se dire : mon échelle va inclure les États-Unis. »

Bonjour, charge mentale

Chercher. C’est certainement ce qui attend celui qui veut acheter local. « Ça prend du temps. Je suis conscient que les gens ont une charge mentale remplie à capacité, alors il faut être réaliste sur la responsabilité qu’on se met sur les épaules en tant que consommateur. » Pas nécessaire, donc, de faire des heures de recherches qui vous mèneront au bout de l’internet. Il suffit, dit-il, de décrocher le téléphone ou d’utiliser les réseaux sociaux pour poser des questions aux fabricants et aux commerçants, un geste qu’il a souvent fait au cours des derniers mois. Et lorsqu’on trouve un produit (canadien ou non) offert chez tel détaillant de propriété américaine, on peut aussi se demander s’il est aussi vendu chez un commerçant indépendant ou dans une chaîne canadienne ou québécoise.

Le prix

Une question inévitable lorsqu’on parle d’achat local : plus chers ou pas, les produits d’ici ? Ça dépend, répond Frédéric Choinière. Si, pour les vêtements, il faut s’attendre à payer plus, ce n’est pas le cas pour plusieurs catégories d’articles, comme les produits nettoyants, les objets en plastique comme les tapis d’entrée et même certains meubles. Il est important, selon lui, de distinguer la valeur du prix et de se demander si on peut privilégier l’achat local lorsque son budget le permet.

Les limites

« J’ai un parti pris au sens où je crois en l’achat local, mais je veux que les gens réalisent qu’il y a de gros grains de sel à ajouter. Il y a des facteurs qu’on ne peut pas ignorer quand on veut faire la promotion de l’achat local. » La capacité de production locale, notamment, surtout dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, et l’importance de l’exportation pour les entreprises québécoises, qui pose un défi pour l’adoption d’un système d’étiquetage. « Lorsqu’on exporte, le fait de s’afficher fièrement comme un produit fait au Québec, ça peut jouer en notre désavantage quand les consommateurs américains, par exemple, veulent eux aussi pratiquer l’achat local. »

Améliorer le Panier bleu

Il importe toutefois que les consommateurs puissent repérer facilement les produits fabriqués au Québec, à commencer sur le Panier bleu. « La prétention du Panier bleu est de concurrencer Amazon. Par exemple, un grille-pain. On n’en fabrique pas ici, alors est-ce qu’on peut au moins le trouver dans une boutique locale ? Je comprends cette logique, mais j’étais étonné d’y trouver autant de produits fabriqués à l’étranger et de ne pas savoir si ce produit est fabriqué ici ou non. Il faut que cette information-là arrive. »

L’achat local : réflexions et conseils pour voir la vie en bleu. Frédéric Choinière. Éditions de l’Homme. 224 pages

IMAGE FOURNIE PAR LES ÉDITIONS DE L’HOMME

L’achat local : réflexions et conseils pour voir la vie en bleu, de Frédéric Choinière