Anthony Johnson et le DJames Makokis sont fiers d’être two spirits (êtres bispirituels), une expression utilisée pour qualifier les autochtones qui ne se conforment pas au concept binaire de genres. Près d’un an après avoir remporté The Amazing Race Canada et ouvert l’esprit de nombreux téléspectateurs, les amoureux figurent parmi les ambassadeurs de l’édition virtuelle de Fierté Montréal qui se tient jusqu’au 16 août.

Ils devaient ouvrir le défilé de la Fierté et participer à un cercle de discussion sur l’identité two spirits, mais, pandémie oblige, le couple autochtone établi en Alberta participera à l’événement à distance. « Notre rôle sera de porter l’esprit ouvert et chaleureux de Fierté Montréal et de mettre en lumière plusieurs réalités qui existent encore dans la communauté, un peu comme on l’a fait durant The Amazing Race, quand nous avons parlé des femmes autochtones disparues et assassinées, ainsi que de l’importance culturelle de l’eau », explique Anthony Johnson, poète, photographe et diplômé de l’Université Harvard en anthropologie sociale de l’Asie du Sud.

Certains téléspectateurs leur ont reproché d’être trop politiques dans leurs propos. Ce genre de commentaires n’a toutefois pas découragé le couple.

Dans un monde teinté de racisme systémique, où les personnes autochtones et les membres de la diversité culturelle et sexuelle sont si peu présents, le simple fait d’être qui on est représente une forme de menace pour certains individus.

James Makokis, doctorant en médecine et diplômé du Programme autochtone de formation en médecine familiale

La décision d’aborder ces sujets importants à leurs yeux s’est imposée après avoir assisté à la conférence de Michelle Obama à Edmonton. « Elle parlait de la place de notre parcours dans notre identité et de l’impact qu’on peut avoir en le partageant, se souvient Anthony Johnson. Puisque les gens de nos communautés ont dû se battre pour obtenir leurs droits et accomplir des choses incroyables pour que le reste du monde réalise qu’ils existent et qu’ils méritent des droits, notre existence en soi est politique. »

Le duo a donc joué le jeu de l’émission, tout en racontant son histoire. « En étant issus de groupes sous-représentés, on a fait le choix conscient d’être nous-mêmes, sans rien cacher, dit le médecin. On voulait créer une conversation sur la diversité sexuelle et les réalités autochtones. »

Two spirits en évolution

L’une de ces réalités est le concept de two spirits, dont la définition n’est pas rigide. « Pour moi, être two spirits, c’est de porter une énergie qui a la capacité de se transformer avec le temps, dit Anthony Johnson. Dans son essence, cela signifie qu’on peut identifier notre sexualité ou notre identité comme étant queer, bisexuelle, homosexuelle, lesbienne, trans, asexuelle et bien plus, dans un état de constante évolution. »

Durant des siècles, les two spirits étaient acceptés et célébrés. « Quand on dit célébrés, on ne fait pas référence au défilé de la Fierté de nos jours, précise Anthony Johnson. Auparavant, les two spirits étaient appréciés parce qu’ils avaient quelque chose d’unique à offrir à leur communauté, comme chaque individu offrait sa propre contribution spéciale. »

Leur étoile a cependant pâli après l’arrivée des colons en Amérique.

Les Européens ont imposé leurs idéaux, comme la religion chrétienne et le patriarcat, alors que plusieurs communautés avaient des femmes ou des two spirits comme leaders. Les chrétiens croyaient que les gens qui avaient des relations sexuelles avec des personnes de même sexe ou qui divergeaient de la binarité homme-femme étaient des démons. Plusieurs two spirits ont été tués et de nombreuses nations autochtones ont oublié qu’on existait…

Anthony Johnson

Veillant à la revitalisation de leur identité, les amoureux n’avaient toutefois pas prévu l’impact que leur présence à The Amazing Race Canada pourrait avoir. « Nous nous sommes lancés dans cette aventure aveuglement en espérant avoir l’occasion de partager quelques messages et de nous représenter avec dignité et respect, affirme Anthony Johnson. Quand l’émission est entrée en ondes, on a été très surpris de voir la quantité de gens influencés par notre histoire. »

Leur dynamique amoureuse, leurs parcours scolaires, leurs racines autochtones et le fait qu’ils soient ouvertement gais et two spirits ont fait évoluer les mentalités. « Une personne est venue nous voir pour nous dire que sa grand-mère de 86 ans, après avoir visionné l’émission, avait choisi d’accepter sa petite-fille lesbienne et d’assister à son mariage, alors qu’une autre nous a confié que sa famille avait compris qu’elle était normale en tant que personne queer. C’est génial ! On a encore du mal à croire que tout cela nous arrive ! »

Ils ont d’ailleurs accepté l’invitation de Fierté Montréal avec beaucoup d’enthousiasme. « Qui n’aime pas aller à Montréal durant l’été, et spécialement durant Pride ? demande le DJames Makokis. On s’imaginait participer à l’événement et ensuite faire un road trip dans l’est du continent. Puis, la pandémie a évolué… On va quand même tout faire pour promouvoir l’événement et venir au Québec l’an prochain. »

Fierté Montréal se tient jusqu’au 16 août

> Consultez le site de Fierté Montréal