(Bogota) Sexe et érotisme en ligne ne suffisent plus. Pendant le confinement dû à la pandémie de nouveau coronavirus, les influenceuses passent désormais beaucoup de temps à écouter des clients ayant du mal à gérer l’angoisse de la solitude et de l’enfermement.

La demande n’a pas seulement augmenté, elle s’est aussi diversifiée au rythme de la propagation de la maladie.

Maintenant, « nous sommes comme des psychologues pour les usagers », a expliqué à l’AFP une influenceuse colombienne de 26 ans, qui travaille sous le pseudonyme d’Angela Cianuro.

La COVID-19 « est un thème de conversation et de préoccupation pour beaucoup et nous, eh bien, nous essayons de les aider », ajoute cette jeune femme tatouée aux cheveux roses. « Si je leur propose de l’érotisme, je leur procure aussi un peu de compagnie, un sourire, de la gentillesse. »

Avec près de la moitié de l’humanité confinée, les travailleuses du sexe officiant via une caméra vidéo échappent pour le moment à la récession économique menaçant des millions d’emplois.

Gym et diététique

Confinée dans son appartement de Bogota, Angela s’enorgueillit de mettre son empathie au service d’internautes désœuvrés, isolés et préoccupés.

Avant la pandémie, elle proposait des spectacles érotiques virtuels six à sept heures par jour.

Son temps de travail quotidien est resté identique, mais la routine a changé : dans une Colombie confinée depuis le 25 mars et qui a dépassé la barre des 2000 cas, elle propose aussi des exercices de gymnastique, des conseils diététiques ou économiques.

« Je suis humaine et je n’aime pas que quelqu’un se sente mal », ajoute cette mère célibataire d’un enfant de 7 ans.

Selon Christophe Soret, porte-parole en France de CAM4, l’un des sites les plus fréquentés, le nombre d’usagers dans le monde a augmenté de 33 % au cours du mois écoulé, avec une moyenne quotidienne de 18,5 millions de visites.

Cette hausse « ne peut être due qu’aux confinements, car nous n’avions jamais vu une telle progression », ajoute-t-il.

Avec quelque 40 000 influenceurs sur 150 000 dans le monde, dont 90 % de femmes, la Colombie pourrait tirer profit de cette « sinistre opportunité », estime Juan Bustos, autre patron du secteur.

Inégalités dans la solitude

Pour Angela Cianuro, la manne profite surtout aux plus célèbres. Elle peut gagner plus de 200 dollars par jour, quand d’autres, en un mois, atteignent à peine l’équivalent de 243 dollars, le salaire minimum en Colombie.

Ainsi pour Rebecca Stonee, à Medellín, deuxième ville du pays, davantage d’activité n’implique pas davantage de revenus. Beaucoup de nouveaux usagers sont des voyeurs qui rechignent à dépenser en temps de crise.

Ses habitués lui manquent, mais « ils ne peuvent se connecter, car ils sont confinés avec leur famille ».

Cette influenceuse de 20 ans, qui a adopté le personnage de la Lolita de Nabokov, vit aussi grâce aux internautes isolés.

« Il y a toujours eu d’un côté ceux qui veulent parler, de l’autre ceux qui désirent un contenu sexuel », précise-t-elle. Mais avec le confinement, « j’ai senti que beaucoup d’usagers [...] me contactent pour parler, rire, se distraire [...] plus que pour le sexe. »

Enfermement volontaire

Pour continuer à travailler, certaines se sont cloîtrées. Ana Taylor, peau diaphane et chevelure écarlate, exerçait depuis un centre d’appel. Elle partage à présent un petit immeuble du centre de Bogota avec quatre collègues.

« Si je rentrais chez moi, ce serait pire. Enfermée, j’étouffe un peu, et si je ne gagne rien, c’est compliqué », explique cette jeune femme de 24 ans.

Alors, neuf heures par jour, trois de plus qu’avant, elle se dénude face à la caméra pour des clients connectés depuis les États-Unis, la France ou l’Angleterre, parmi les pays les plus affectés par la COVID-19.

Quant elle a terminé, elle sort fumer sur le balcon, regardant les rues désertes. « La situation de l’emploi est difficile, alors je pense profiter de cette opportunité. »