C’était le branle-bas de combat dans les bureaux de KO Média, lundi dernier. Depuis l’achat d’Elle Québec et d’Elle Canada en mai, la filiale du Groupe KO est passée de 16 à 36 employés en l’espace d’un mois. Il fallait donc déménager dans des locaux plus grands, une rare bonne nouvelle dans un contexte où le milieu des médias imprimés éprouve de sérieuses difficultés.

Mais chez KO, on croit encore au papier. Outre les deux Elle, on publie aussi Édition papier, K pour Katrine et la publication phare de l’entreprise, le magazine VÉRO. Sans compter KO Éditions, qui publie les livres de recettes du chef Yotam Ottolenghi ainsi que des biographies de personnalités québécoises. La toute jeune maison d’édition prévoit lancer cinq nouveaux titres cet automne.

Tout en supervisant l’aménagement des nouveaux espaces, la nouvelle éditrice, Sophie Banford, assure donc la promotion du numéro 30e anniversaire d’Elle Québec qui met en vedette l’actrice Sarah-Jeanne Labrosse.

PHOTO TIRÉE DU SITE D’ELLE QUÉBEC

La couverture du numéro 30e anniversaire d’Elle Québec met en vedette l’actrice Sarah-Jeanne Labrosse.

Dans ce numéro, on trouve bien entendu des articles sur la mode et les tendances, mais on peut aussi y lire un reportage sur les femmes yézidies. « Je suis une fille de contenu, lance Sophie Banford. Je veux que les lectrices découvrent d’autres réalités de femmes en lisant le Elle. Qu’elles y retrouvent toujours un angle “femmes” très fort comme dans le Elle France, un magazine que j’ai toujours beaucoup aimé et avec lequel j’ai grandi. Je crois beaucoup en cette marque et j’ai bien l’intention que ce magazine redevienne ce qu’il a longtemps été : un incontournable. »

Passion tendances

Pendant des années, Elle Québec était LE magazine à consulter pour être au fait des dernières tendances mode et beauté. En confiant la direction artistique à la styliste Annie Horth, qui a longtemps habillé Céline Dion, Sophie Banford a bien l’intention que la publication redevienne LE rendez-vous des fashionistas. « La mode, Annie en mange et en respire, affirme Sophie Banford. Elle a un talent fou. Elle propose des images fortes qu’on ne peut pas voir sur internet. Je suis certaine que des gens vont acheter le magazine juste pour voir ce qu’elle fera. »

Dans un environnement où les photos de mode sont partout sur Instagram, il est de plus en plus difficile de se distinguer. La nouvelle éditrice d’Elle Québec en est consciente. « On doit être encore plus exigeant et pointu lorsqu’on parle de tendances, souligne-t-elle. On parle du papier, mais on est aussi multiplateforme. On va chercher les gens là où ils sont. » 

Comme les photos de mode pullulent sur Instagram, il faut avoir un côté éditorial très fort. Ce que les lectrices verront chez nous, elles ne le retrouveront pas sur les réseaux sociaux. Il y aura une réelle curation.

Sophie Banford, éditrice d’Elle Québec

Mère de deux garçons, dont un adolescent, Sophie Banford ne s’en cache pas, elle souhaite donner envie aux jeunes d’acheter un magazine papier. « Je le dis souvent, le papier, c’est une forme de désintox des écrans, observe-t-elle. C’est une préoccupation dans ma vie de mère. Je ne dis pas que les écrans, c’est seulement mauvais, mais tout ce qu’on consomme ne peut être que sur les écrans. »

Les Québécoises, des lectrices allumées

Pour Sophie Banford et son équipe, il est évident que la lectrice québécoise a beaucoup changé au cours des dernières années. « Elle pose un regard beaucoup plus aiguisé sur la mode et la beauté. Instagram a démocratisé la mode et l’image », note l’associée de Louis Morissette.

Les Québécoises aujourd’hui sont plus allumées, elles ont une plus grande sensibilité au beau. C’est vrai en mode, mais aussi en design et en bouffe.

Sophie Banford, éditrice d’Elle Québec

« Quand j’ai commencé dans le monde du magazine, il fallait faire attention pour ne pas perdre les lectrices, pour ne pas nous parler qu’entre nous, ajoute l’éditrice. La lectrice urbaine était plus sophistiquée que celle qui habitait hors des grands centres. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les réseaux sociaux rendent tout accessible. »

Elle Québec (et son pendant canadien-anglais Elle Canada) demeure un magazine de masse, mais la nouvelle éditrice, qui a travaillé chez Transcontinental et Rogers auparavant, n’aura pas peur de proposer des sujets plus audacieux. « Je veux que ces magazines nourrissent les curieuses », lance Sophie Banford, qui souhaite aussi en faire un outil d’« empowerment », un mot qui, selon elle, ne se traduit pas très bien en français. « J’aimerais qu’en lisant ce magazine, la lectrice découvre d’autres réalités, qu’elle réfléchisse, qu’elle soit bouleversée, qu’elle se sente inspirée et qu’elle ait envie de passer à l’action. On n’est pas superficielle parce qu’on parle de maquillage et de mode. On peut aussi parler de la campagne électorale et de la venue prochaine de Greta Thunberg. »