Au marché Jean-Talon, tout le monde les connaît. Jacques et Diane? Là-bas, au bout de l'allée, sur la gauche, vous ne pouvez pas les rater. Il faut dire que leur étal surprend. Le chou est ici pointu, l'ail en bâton, les betteraves jaunes, le concombre blanc.

Les radis sont allongés, les salsifis noirs, les navets roses. On attend sous peu des pois bleus. Et si l'été n'avait pas été aussi pluvieux, peut-être aurions-nous pu avoir des tomates noires, des tomates abricot et, pourquoi pas, des tomates pêche.

 

C'est que la compétition est féroce au marché, glisse Jacques Rémillard, qui cultive la petite terre de son grand-père à Saint-Michel-de-Napierville depuis 30 ans. Voilà 15 ans que l'homme a néanmoins trouvé son créneau: les semences importées. C'est ainsi que la livèche roumaine (genre de céleri sauvage) côtoie les salsifis, grand classique de nos grands-mères.

Tout un art, la culture des semences. «Les cipollinis (oignons italiens), les Italiens sèment ça en janvier. Nous, en mai, explique-t-il. La mâche, en France, c'est une salade d'hiver. Moi je la sème le 15 juillet. Nos pois bleus sont en fleurs, mais peut-être qu'on les a semés trop tard. L'an prochain, on ajustera nos dates.»

C'est que ses expériences ne portent pas toujours fruit. Prenez le chou pointu, tendre à souhait, délicieux en salade. Cela lui a pris des années à le travailler. C'est seulement cet été qu'il a réussi à le faire pousser.

 

Photo : François Roy, La Presse

Choux pointus

L'agriculteur ne travaille pas que sa terre, mais aussi ses clients. C'est à coup de plusieurs cadeaux (essayez ces navets roses... Vous me donnerez des nouvelles de ce chou pointu...) qu'il finit par convertir sa clientèle. Les salsifis, par exemple, poussent dans ses champs depuis 10 ans. Mais c'est seulement depuis deux ans qu'ils se vendent. Et comment. Lors de notre passage, un amateur venait d'en ramasser pas moins de 10 paquets! Il n'en trouve pas ailleurs, alors il va les cuisiner, et puis les conserver.M. Rémillard connaît bien ses clients: cette dame aime les carottes rondes, signale-t-il amicalement. Les deux plus loin, ce sont des Roumains; ils viennent chercher de la livèche pour faire leurs soupes. Les amateurs de salsifis noirs, ce sont surtout les Belges. De radis allongés, les Français.

Sa création préférée? «Les cipollinis. Ils sont très beaux.» C'est clair. L'homme aime ses légumes. Ça se sent. Et attention: ça s'attrape!