Les opinions sont très partagées au sujet du laps de temps pendant lequel il faut garder (et laisser vieillir) ses meilleurs vins en cave avant de les boire.

Exemple classique: les bordeaux rouges, particulièrement les vins de très grande qualité et de grands millésimes. Peut-on les boire dans leur jeunesse, ou, alors, combien de temps faut-il les attendre?

Les Anglais, qui furent les premiers amateurs à véritablement apprécier ces vins - dès le XVIIIe siècle -, estiment qu'il faut, règle générale, les attendre au moins 10 ans.

Ainsi, pendant de nombreuses années, le grand connaisseur et marchand de vin Edmund Penning-Rowsell, aujourd'hui décédé, conviait tous les ans des amis - toujours les mêmes - à déguster avec lui les huit grands crus classés du Bordelais arrivés à cet âge.

Vivrait-il encore, il déboucherait cette année les 1997 - un millésime peu réputé et dont les vins, du Bordelais et d'ailleurs, sont de toute évidence à boire. (L'exception, car il y a toujours des exceptions: les portos millésimés, ou vintages, pour lesquels 1997 a été un très grand millésime.)

En fait, et on ne le répétera jamais assez, même les plus grands vins, dont les bordeaux, sont désormais buvables et pour la plupart délectables dès le départ.

Pour les raisons que l'on sait: on vendange aujourd'hui plus mûr qu'auparavant afin d'obtenir des tannins bien enrobés, la teneur en alcool a augmenté, ce qui contribue à rendre les tannins plus aimables, etc.

Bref, le goût a changé et les viticulteurs s'y sont adaptés.

N'empêche, bon nombre de consommateurs persistent à croire que les vins les plus réputés peuvent tenir la route et même se bonifier, pendant plusieurs décennies. D'où l'utilisation du vin, comme point de comparaison, pour décrire une personne - homme ou femme - qui devient... plus aimable avec l'âge.

«Il (ou elle) se bonifie comme un bon vin», dit-on en pareil cas.

Autrement dit, il y a en quelque sorte un mythe persistant du vieux vin.

Débouchée il y a quelques mois, et tout en restant fort acceptable, une bouteille du Pauillac 1er grand cru classé 1983 Château Latour montrait ainsi des signes de fatigue, comme on dit.

Ses odeurs et ses saveurs étaient en effet marquées par des notes rappelant un peu les pruneaux cuits et, de toute évidence, il aurait dû être bu au moins quelques années - sinon une décennie - plus tôt.

Bu il y a deux ans, le même vin, mais du millésime 2003, était tout au contraire une merveille, concentré sans excès, d'un fruité et d'un éclat exceptionnels, le tout d'un équilibre parfait. Il donnait donc infiniment plus de plaisir que le 1983.

Mais, comme toujours en matière de vin, il y a bien sûr des exceptions. Et, aussi bien le dire, il y en eut une, précisément, le même soir où fut débouché et bu le Château Latour 1983.

Servi à l'aveugle, comme d'ailleurs le Château Latour 1983, le Pomerol 1983 Château La Fleur de Gay, lui, avait très bien tenu la route, et donc conservé son fruité de jeunesse. Moins réputé que le Château Latour, il l'éclipsa malgré tout.

On peut, à partir de tout cela (les 10 ans des Anglais, etc.), se risquer à énoncer la règle suivante. À savoir, tout simplement, que seuls les grands vins et de grands millésimes sont susceptibles de tenir la route 10 ans ou plus, en conservant le fruit de leur jeunesse.

Mais (un autre mais!), il y a aussi là-dedans une question de goût.

«J'aime les vieux vins», dit souvent un ami qui goûte très bien et qui se délecte de vins âgés pouvant sembler moins agréables à d'autres amateurs (je suis du nombre).

Que répondre à cela, sinon - et c'est l'un des principaux attraits du vin - qu'il y en a pour tous les goûts?

C'est demain la fête des Pères. N'hésitez donc pas à déboucher en l'honneur du vôtre un vin de qualité, même jeune, à moins qu'il aime surtout les vins âgés, de 10 ans ou plus...

Du Languedoc

Vin rouge toujours fiable, le Coteaux du Languedoc 2005 Bronzinelle Château St Martin de la Garrigue, dans lequel entrent pas moins de quatre cépages (Syrah, Mourvèdre, Grenache et Carignan), et qui est élevé en fûts usagés, donne encore une fois pleine satisfaction dans ce millésime.

Très coloré, quasi opaque, son bouquet dans lequel s'allient des arômes à la fois de fruits rouges et noirs est ample, quoique plutôt unidimensionnel pour l'instant. Suit une bouche bien en chair, qui ne manque pas de corps et aux saveurs... pimpantes, si je puis dire, le tout bâti sur des tannins gras, bien enrobés. Impeccable.

S, 10 268 588, 17,85$, *** 1/2,$$, 2007-2010.

Un Chablis

Il se peut que votre père préfère les vins blancs... Un choix possible, si c'est le cas: le Chablis 2006 Champs Royaux William Fèvre, toujours fiable lui aussi, à reflets verdâtres, au bouquet bien Chablis, avec par conséquent cette nuance minérale propre à ces vins.

Vin dont une partie est élevée en fûts (mais le boisé est si discret qu'on ne le perçoit pour ainsi dire pas), il a plus de corps que la plupart des Chablis, et renferme, comme beaucoup de vins blancs, un peu de gaz carbonique, ce qui en avive les saveurs. Très bon Chablis.

C, 276 436, 23,30$, *** $$ 1/2, 2007-2008.

Un vin du Piémont

Il en reste très peu et, au surplus, ce vin n'est vendu qu'aux deux boutiques Signature (complexe Ailes de la Mode à Montréal et Château Frontenac à Québec).

Néanmoins, si votre père est amateur de Barolos et de Barbarescos (Piémont), dont beaucoup sont malheureusement très chers, courez, si vous le pouvez, à un de ces points de vente lui acheter une bouteille du Langhe 2003 Long Now Pelissero, fait de Barbera et de Nebbiolo, aussi du Piémont, richement coloré et dont le bouquet, très mûr, profond, le situe au niveau de bien des Barolos et Barbarescos. La bouche, corsée et même puissante, n'est pas en reste, et ses tannins sont fermes sans être agressifs. Superbe vin, et auquel on pourrait sans doute tout aussi bien accorder quatre étoiles.

Sig., 10 665 330, 44$, *** 1/2,$$$$, 2007-2012.

DÉGUSTÉS POUR VOUS

Côtes du Rhône Villages Laudun 2004 Château de Bord. Vin rouge élaboré avec, à parts égales, de la Syrah et du Grenache, plus que moyennement corsé, au bon goût de fruits rouges, avec la Syrah qui domine dans le bouquet. Très bon Côtes du Rhône, et à prix correct. S, 372 920, 19,20$, ***,$$, 2007-2009.

Corbières 2005 Saveurs Oubliées. D'une couleur qui rappelle les beaujolais, c'est un vin tout en fruit, simple, souple et velouté, aux saveurs relevées par un peu de gaz carbonique, et à servir bien frais (12-13 degrés), comme beaucoup de beaujolais. Fait de Grenache, de Carignan et de Syrah. À prix très doux. C, 476 770, 10,40$, **,$, 2007.

Touraine 2005 Sauvignon Domaine Bellevue. Vin blanc de la Loire, de Sauvignon blanc, d'un jaune passablement soutenu, au bouquet pénétrant, très typé Sauvignon blanc. La bouche, très goûteuse, le rend apte à accompagner des plats aux saveurs relevées. Rien de très distingué, mais, par contre, beaucoup de générosité... S, 10 690 404, 13,35$, **,$ 1/2, 2007-2008.

Monferrato Rosso 2003 Countacc! Michele Chiarlo. Vin inusité, du Piémont, fait à parts à peu près identiques de Nebbiolo, de Barbera et de Cabernet Sauvignon, il ravira les amateurs de vins rouges piémontais. Très coloré, son bouquet de fruits rouges bien mûrs est large, avec un boisé aux accents... modernes, le tout suivi d'une bouche dense, charnue, aux tannins sans dureté, avec passablement d'arômes boisés, mais aussi toute la matière voulue pour absorber ce bois. Savoureux. S, 10 271 921, 33,50$, ***1/2,$$$ 1/2, 2007-2009.

LA RECOMMANDATION DE LA SEMAINE

Votre papa aime les vins rouges solides et consistants? Si oui, offrez-lui une bouteille du Bordeaux Supérieur 2005 Château Couronneau, d'une couleur pourpre foncé, au bouquet large, marqué par des notes chocolatées (le bois), avec aussi une petite note iodée. Corsé, concentré, tannique, c'est un vin fait de Merlot uniquement, et «issu de raisins de l'agriculture biologique» comme l'indique la contre-étiquette. Ce n'est pas un vin élégant, mais compact, passablement carré, et qui malgré cela lui plaira s'il recherche avant tout la concentration et la densité dans les vins rouges.

C, 10 667 301, 16,80$, ***,$$, 2007-2010?