Le gouvernement paiera pour envoyer les médecins travailler dans le privé. Après avoir étendu le nombre des chirurgies qu'il est possible de faire dans des cliniques privées, Québec épongera maintenant une partie de la facture liée à la délivrance de permis de pratique pour les centres médicaux spécialisés.

Avant de quitter son poste de ministre de la Santé, il semble que Philippe Couillard ait offert un cadeau aux médecins spécialistes en répondant à leur demande de réduire le fardeau financier des cliniques privées.

Adoptée en 2006, la loi 33, qui faisait suite à l'arrêt Chaoulli, force les cliniques privées à se doter d'un permis de Centre médical spécialisé (CMS) pour assurer la qualité et la sécurité des services.

Un premier projet de règlement, publié le 13 février 2008 dans la Gazette officielle du Québec, fixait à 5000$ les frais pour la délivrance ou le renouvellement d'un permis de CMS qui n'a pas de lits d'hébergement et de 10 000$ s'il y a des lits, à compter de janvier 2009.

Ces sommes devaient permettre au ministère de la Santé de couvrir l'ensemble des frais pour l'analyse des demandes et l'octroi des permis.

Or, un décret gouvernemental présenté au Conseil des ministres le 25 juin, que La Presse a reçu, réduit de moitié ces frais, les fixant à 2500$ pour les CMS sans lit, et 5000$ avec hébergement, pour un permis de cinq ans.

Après avoir essuyé une fin de non-recevoir des médecins spécialistes, Philippe Couillard a fait pression sur le gouvernement. «Le partage du fardeau financier de cette nouvelle mesure entre les médecins et le gouvernement favorisera une implantation harmonieuse de ce nouveau processus», expliquait l'ancien ministre dans une note au Conseil des ministres, début juin.

Pour le gouvernement, cela représentera des coûts supplémentaires qui pourraient atteindre 750 000$ sur cinq ans, a estimé le Comité ministériel du développement social, éducatif et culturel dans une analyse datée du 16 juin, obtenue par La Presse. Québec se retrouve donc à assumer une partie des coûts pour l'analyse des dossiers et de la délivrance des permis.

Le comité ministériel, qui désavoue l'avis du ministre et recommande de revenir aux tarifs prévus en février, rappelle que, pour les propriétaires de cliniques privées, «toute dépense en vue de gagner un revenu est déductible du revenu imposable». Ainsi, le coût réel des frais assumés par les médecins serait en réalité d'environ 500$ par année. «En comparaison, les frais exigibles pour l'obtention d'un permis équivalent sont en moyenne 50 fois plus élevés en Alberta», stipule l'avis du comité ministériel, en ajoutant qu'il s'agirait d'un «précédent non souhaitable», compte tenu de la capacité de payer des professionnels visés.

Dans une lettre envoyée au Conseil exécutif, le ministère des Finances abonde dans ce sens, affirmant qu'il faut «éviter de financer par les impôts généraux un tel service privé». Mais contre l'avis des Finances et du comité ministériel, c'est finalement l'ancien titulaire de la Santé qui a eu gain de cause. Son ancienne attachée de presse, maintenant employée du nouveau ministre, Yves Bolduc, a confirmé hier que le décret modifié avait été adopté et serait en vigueur prochainement.

L'ex-ministre Couillard ne cachait pas, dans sa note explicative, avoir subi des pressions de la part des médecins spécialistes. «La majorité des commentaires reçus ont porté sur le fait que la nécessité d'un permis pour l'exploitation des CMS est une nouvelle exigence gouvernementale et que le fardeau financier de cette exigence retombera en quasi-totalité sur les médecins eux-mêmes», peut-on y lire. Le règlement final établissant les frais exigibles devrait paraître la semaine prochaine dans la Gazette officielle du Québec.