Passionnés de vélo sur chemins de gravier, Sophie Seguin-Lamarche et Nicolas Côté n’avaient jamais songé à posséder un chalet, jusqu’à ce que la pandémie facilite le télétravail. Leur premier réflexe a été de reluquer des terrains au bord d’un plan d’eau ou à flanc de montagne, mais ils avaient des réserves, ne désirant pas contribuer à l’étalement urbain. Ils ont finalement acquis un terrain au cœur de Notre-Dame-de-Ham, dans la région du Centre-du-Québec.
Les deux Montréalais avaient découvert la municipalité de 400 habitants en suivant un itinéraire, qui y avait son point de départ. Ils y étaient souvent retournés, séduits par la beauté des montagnes. « On a regardé un peu en Estrie, mais les prix étaient complètement fous, souligne Nicolas Côté. Dans la région du Centre-du-Québec, c’était beaucoup plus abordable. »
C’est lui qui a eu l’idée d’examiner les options dans le village. « Il a la particularité d’être en retrait de la grande route, au bord de la rivière, puisqu’il est né de l’industrie du bois et d’un moulin à scie, à la fin du XIXe siècle, dit-il. Des maisons se sont progressivement construites autour du moulin, qui se servait du courant pour activer les scies. »
Leur choix était stratégique. En s’installant à Notre-Dame-de-Ham, ils étaient à 2 heures de Montréal et 1 h 40 min de Québec, où habitent leurs familles respectives. Ils ne s’attendaient pas à l’accueil chaleureux qui leur a été réservé, qui les a beaucoup touchés. « On a tissé des liens réels avec plusieurs personnes, indique Sophie Seguin-Lamarche, qui a renoué avec l’équitation et a acheté une jument. Les gens veulent qu’on se sente bien. On s’est impliqués à notre tour dans la communauté. »
Petit budget, achat local
D’entrée de jeu, le couple savait qu’il n’allait pas construire un château, n’ayant aucunement l’intention de s’endetter outre mesure. Il est père de deux filles dans la vingtaine ; elle est mère d’un adolescent. Conscients que leurs enfants ne viendraient pas tout le temps, ils ont choisi d’avoir une maison relativement petite, qui, bien isolée et bien orientée en fonction du soleil, aurait l’avantage de ne pas coûter cher de chauffage, l’hiver.
« On ne voulait pas avoir un chalet avec quatre chambres qui sont libres 90 % du temps », souligne Nicolas Côté, qui est designer sénior et chef d’équipe chez Aedifica, une agence d’architecture, de design et d’urbanisme établie à Montréal.
On a fait des pièces polyvalentes. Dépendamment de qui vient, on configure les choses différemment pour que tout le monde puisse dormir. C’est un compromis qui est efficace et qui est tout à fait acceptable.
Nicolas Côté, copropriétaire
Après l’achat du terrain, en février 2021, il a travaillé sur la conception de la maison, cherchant à optimiser l’espace. Sa conjointe et lui ayant l’intention de confectionner l’intérieur de l’habitation, il leur fallait trouver un entrepreneur disposé à ne construire que la coquille. Pour limiter les coûts et accélérer la construction, M. Côté avait en tête l’utilisation de murs isolés fabriqués en usine. Cherchant une entreprise de construction de la région, Sophie a repéré sur Instagram KEVLAR habitation, à l’aide de la géolocalisation.
« On trouvait cela intéressant qu’ils nous aient choisis et cela nous a fait plaisir de participer », indique Guillaume Larochelle, copropriétaire avec Kevin Desruisseaux de l’entreprise, établie à Victoriaville.
C’est peu commun, qu’ils aient choisi de s’implanter en plein cœur du village pour lui redonner vie. D’habitude, les gens qui viennent de l’extérieur s’installent dans le bois, pour avoir la paix. Je n’ai jamais vu cela. Mais cela faisait partie de leur démarche et si les gens en parlent, cela pourrait contribuer à un éveil pour essayer de revigorer les villages.
Guillaume Larochelle, copropriétaire de KEVLAR habitation
Au départ, Sophie Seguin-Lamarche admet qu’elle avait des doutes. « Je me demandais comment on allait avoir l’impression d’être en campagne, dit-elle. Nicolas a eu la bonne idée de mettre les aires de vie commune à l’étage. Comme le terrain est en pente et que les aires de vie sont très hautes, on a une vue sur les montagnes et non sur les gens. Les terres sont principalement agricoles, alors on peut voir quand même très loin. »
Une fois la coquille de la maison terminée, ils se sont attelés à fabriquer l’intérieur avec la pile de contreplaqué qu’ils avaient commandée. « On en avait pour 10 000 piastres, estime Nicolas Côté, qui a effectué les dessins techniques au fur et à mesure. On a fait tous les planchers, tous les meubles. On voulait du bois clair partout dans la maison pour avoir une unité du côté de la facture visuelle. »
Ils ont procédé ainsi pendant un mois intensif par souci économique, mais aussi écologique. « Le camion est venu une fois pour livrer deux grosses palettes de contreplaqué, puis après, on s’est arrangés, précise Sophie Seguin-Lamarche, qui est spécialisée en développement durable et en adaptation aux changements climatiques… et qui a manié la scie. Il faut dire qu’on est quand même excentrés. »
Ils ne sentent pas qu’ils ont fait un compromis. « On peut vivre la campagne pareil et peut-être même encore mieux, croit Mme Seguin-Lamarche, si on réinvestit le cœur de nos villages, qui sont un patrimoine extraordinaire au Québec. »
La Musette en bref
Achat du terrain de 35 000 pi2 (3251 m2) : février 2021
Première pelletée de terre : septembre 2021
Remise de la coquille avec la dalle de béton terminée : 10 décembre 2021
Travail intensif pour réaliser l’intérieur : 10 décembre 2021-10 janvier 2022
Coût (terrain, aménagement paysager, plantation d’arbres nourriciers inclus) : 250 000 $
Un apport bénéfique
Toute municipalité profite de l’arrivée de personnes qui s’impliquent dans leur communauté, qu’elles s’établissent de façon permanente ou à temps partiel, indique Geneviève Boutin, directrice générale de Notre-Dame-de-Ham. « C’est toujours intéressant d’avoir du nouveau monde qui vient prêter main-forte, souligne-t-elle. Cela fait plus de 10 ans que je travaille pour la municipalité au niveau du développement de la communauté et j’ai vu ce que peuvent apporter des gens qui arrivent avec des nouveaux projets. » Selon elle, une des forces de sa municipalité est de savoir accueillir les nouveaux venus pour qu’ils se sentent inclus et qu’ils aient le goût de pousser à la roue.