Davantage d’arbres et de diversité, voire des microforêts, et aussi plus de trèfle et de jardins de pluie. Les changements climatiques amènent à repenser l’aménagement des parcs urbains, où le gazon règne depuis longtemps.

Quand le parc renaît

« Avant, même les oiseaux ne voulaient pas venir ici ! », lance à la blague Yvan, résidant du quartier Rosemont qui habite près du parc du même nom depuis de nombreuses années. Jadis un parc ordinaire qui accueillait un module de jeux pour enfants et une grande surface gazonnée servant de terrain de soccer, le parc Rosemont a été complètement transformé.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Des jeux d’eau ont été installés dans le parc Rosemont, de même qu’un système de gestion environnementale pour les eaux souterraines et les biogaz.

À la fin du mois de juin, les résidants du quartier ont pu découvrir cet espace renouvelé de 15 000 m⁠2 aménagé en trois zones : la Place, où se trouve le chalet qui sera rénové, la Clairière, constituée d’un parterre de trèfle, de modules de jeux en bois favorisant le jeu libre, de jeux d’eau et d’un anneau de glace en hiver, et le Boisé urbain, une microforêt où de jeunes plants ont été mis en terre à haute densité. Une rivière sèche et un jardin de pluie, installé au point le plus bas du site, aident à recueillir les eaux de ruissellement.

  • Des brumisateurs ont été installés pour rafraîchir les usagers.

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    Des brumisateurs ont été installés pour rafraîchir les usagers.

  • Une rivière sèche aide à la gestion des eaux de pluie.

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    Une rivière sèche aide à la gestion des eaux de pluie.

  • Pour favoriser le jeu libre et s’inscrire dans l’esprit d’un parc-nature, des modules en bois ont remplacé les anciens modules en métal.

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    Pour favoriser le jeu libre et s’inscrire dans l’esprit d’un parc-nature, des modules en bois ont remplacé les anciens modules en métal.

  • Lorsque les végétaux composant la microforêt auront grandi, la clôture les protégeant sera retirée.

    PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

    Lorsque les végétaux composant la microforêt auront grandi, la clôture les protégeant sera retirée.

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Ce parc s’inscrit dans un changement de posture adopté pour atténuer les impacts des changements climatiques. Dans son Plan directeur de biodiversité, l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie dit viser à ce qu’en 2040, la population jouisse d’un contact quotidien avec la nature. Pour ce faire, elle compte accroître la biodiversité sur son territoire en bonifiant les habitats existants, en en créant de nouveaux et en les connectant ensemble.

Une microforêt qui promet

Environ 400 arbres et arbustes ont été plantés dans la microforêt du parc Rosemont, la cinquième dans l’arrondissement. « D’avoir une forêt comme celle-là a plusieurs avantages », souligne Audrey Boulanger-Messier, ingénieure forestière à l’arrondissement. Avec sa structure complexe et étagée, la microforêt favorise la biodiversité. À l’échelle individuelle, les arbres peuvent intercepter une certaine quantité de particules fines dans l’air, réduire la quantité d’eau de pluie dans le réseau municipal et créer de l’ombrage. « L’ombrage créé par les végétaux a plus d’avantages que celui des bâtiments parce que lorsqu’il transpire, l’arbre rafraîchit l’air également », précise-t-elle.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

La nouvelle microforêt du parc Rosemont

Selon Alain Paquette, professeur au département des sciences biologiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et titulaire de la Chaire de recherche sur la forêt urbaine, il est nécessaire de repenser la forêt urbaine qui, comme les humains, est affectée par les changements climatiques. Pour la Ville de Montréal, il y a le défi d’augmenter la canopée, en parc comme sur rue, à un moment où de nombreux arbres ont été décimés par l’agrile du frêne.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Alain Paquette, professeur au département des sciences biologiques de l’UQAM

Dans 20 ans, on aura encore plus besoin des arbres. Si on ne fait rien, on n’en aura pas plus. Il faut augmenter la forêt urbaine en quantité de canopée, mais aussi s’assurer qu’elle sera encore là dans 20 ans.

Alain Paquette, professeur au département des sciences biologiques de l’UQAM

Cette résilience passe par la diversité.

Ainsi, les espèces plantées au parc Rosemont ont été sélectionnées en fonction d’une diversité fonctionnelle. « En ayant une plus grande diversité, on a une plus grande diversité de réactions, explique Audrey Boulanger-Messier. Il y a certains arbres qu’on va perdre en fonction des aléas climatiques, mais la majorité va bien s’en sortir. On est prêt à tout en plantant de tout. »

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Un équilibre doit être trouvé entre les plaines de jeu libre et les espaces plus fournis en végétation.

Avec l’engouement récent des municipalités pour ce concept lancé par le botaniste japonais Akira Miyawaki, on voit pousser ces microforêts dans divers arrondissements montréalais et dans des villes comme Repentigny et Candiac. Mais des défis se posent. Leur emplacement doit être bien choisi afin de ne pas diminuer le sentiment de sécurité des usagers. Un équilibre doit aussi être trouvé entre les plaines de jeu libre, qui permettent la pratique d’activités sportives, les espaces en gestion différenciée où des herbes hautes sont laissées et les zones densément boisées.

« Si on s’arrêtait seulement aux services écosystémiques, remplir nos parcs avec des arbres devient une évidence, mais il faut que les gens puissent se rencontrer, faire des activités sportives, souligne Alain Paquette. Jouer au frisbee, ça se fait très mal dans une forêt dense. On ne va pas remplacer nos parcs gazonnés par des forêts semi-naturelles. Mais, entre les deux extrêmes, il y a plein d’options, entre autres ces fameuses miniforêts. »

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

L’équipe de l’arrondissement qui a supervisé le réaménagement du parc Rosemont : Guylaine Déziel, directrice – développement du territoire et études techniques, Félix Champagne-Picotte, chef de division urbanisme, permis et inspection, Audrey-Boulanger, ingénieure forestière, et Jeevanathan Regismarianayagam, chef de division – aménagement du territoire et études techniques. Absente de la photo : Vania Rodriguez, architecte paysagiste.

« Quand on rencontre les citoyens, ils veulent 200 choses », remarque Félix Champagne-Picotte, chef de division urbanisme, permis et inspection de Rosemont–La Petite-Patrie. « On se demande : “Ce parc, quelle est sa vocation ?” L’objectif est que tous nos parcs soient en transition écologique, mais qu’ils soient différents les uns des autres. »

Prochainement commenceront les travaux pour le réaménagement du parc Montcalm, où les principes de transition écologique seront poussés encore plus loin. « L’idée est de venir créer de petits écosystèmes à travers le parc pour faire revenir les petits mammifères, les abeilles, les oiseaux », expose M. Champagne-Picotte.

Vivement de l’ombre !

« J’ai hâte que la forêt grandisse », a exprimé Suzelle Beaulieu, rencontrée au parc Rosemont alors qu’elle était en train de faire la lecture à sa petite-fille Clémence. « Dans tous les parcs où il y a des jeux d’enfants, il manque d’ombre. »

Il faudra toutefois être patient. La plupart des arbres sont encore trop jeunes pour fournir de l’ombre. Il faut s’attendre à de la mortalité aussi dans la microforêt, ce qui est normal, voire positif lorsqu’on cherche à recréer un milieu naturel, indique Alain Paquette.

Un parc sans poubelles ?

Un élément manque cruellement dans le parc Rosemont, selon de nombreux usagers : des poubelles. Au cours de notre visite, une résidante qui promenait son chien, sac de plastique à la main, a exprimé son mécontentement à une représentante de l’arrondissement. Chaque jour, a-t-elle déploré, des citoyens ramassent des déchets qui jonchent le sol. Les poubelles ont-elles été oubliées ? Non. C’est un projet-pilote de l’arrondissement pour inciter les gens à prendre la responsabilité de leurs détritus et à les diminuer. L’arrondissement dit s’être inspiré d’autres endroits publics dans le monde qui ont adopté cette approche, notamment le parc Frédéric-Back à Montréal. « L’arrondissement veut s’inscrire comme un agent de changement, affirme Guylaine Déziel, directrice du développement du territoire et des études techniques de Rosemont–La Petite-Patrie. Il faut communiquer le message et sensibiliser les gens. La transition écologique, c’est l’affaire de tous. »

Ailleurs à Montréal

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, LA PRESSE

Dilkash Kaur se rafraîchit au parc Dickie-Moore, qui porte le nom de l’ancien numéro 12 du Canadien de Montréal, qui a grandi dans le quartier de Parc-Extension.

Dans d’autres arrondissements aussi, la transition écologique s’invite dans les parcs et les places publiques. C’est le cas de la place des Fleurs-de-Macadam, dans Le Plateau-Mont-Royal, devenue une place multifonctionnelle inondable, et du parc Dickie-Moore, inauguré l’an dernier dans le quartier Parc-Extension. D’une superficie de 4000 m⁠2, cet ancien terrain vacant compte dorénavant quelques arbres, plusieurs arbustes, un jardin de pluie et des modules de jeux en bois.

« Il y a des classes d’exercices, des enfants qui jouent dans l’eau, c’est invitant pour tout le monde : les jeunes enfants, nos locataires, des adultes, des familles, se réjouit Arnold Fox, l’un des propriétaires de l’édifice locatif voisin. C’est un parc qui a été bien pensé et c’est un merveilleux ajout au quartier. » Et un plus aussi d’un point de vue immobilier.

C’est certainement un atout [d’avoir un parc à côté], comme d’avoir une station de métro.

Arnold Fox, l’un des propriétaires près du parc Dickie-Moore

  • Le parc est situé à l’intersection des avenues Beaumont et de L’Épée, sur un ancien terrain vacant.

    PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, LA PRESSE

    Le parc est situé à l’intersection des avenues Beaumont et de L’Épée, sur un ancien terrain vacant.

  • Ici aussi, les modules en bois ont été privilégiés.

    PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, LA PRESSE

    Ici aussi, les modules en bois ont été privilégiés.

  • Les pollinisateurs sont au rendez-vous.

    PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, LA PRESSE

    Les pollinisateurs sont au rendez-vous.

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Priorité variable

Bien que la Ville de Montréal ait fait de la biodiversité et des espaces verts l’une de ses priorités pour accélérer la transition écologique, l’intérêt accordé à la forêt urbaine varie beaucoup d’un arrondissement à l’autre, constate Alain Paquette, professeur au département des sciences biologiques de l’UQAM. « C’est tellement facile de planter des arbres là où les gens en veulent. Il faut les planter là où les gens n’ont pas de voix. Pour beaucoup de Montréalais, la seule nature à laquelle ils ont accès dans l’essentiel de leur vie d’enfant, puis comme jeune adulte, ce sont les parcs autour d’eux. »

Dans une réponse acheminée par écrit, la Ville de Montréal indique que son Plan climat 2020-2030 prévoit la plantation, l’entretien et la protection de 500 000 arbres en priorité dans des zones vulnérables aux vagues de chaleur et que « chaque arrondissement fait sa part pour atteindre cet objectif ambitieux ».

Quel arbre planter dans sa cour ?

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Les arbres de la forêt privée montréalaise sont plus diversifiés que ceux qu’on retrouve sur les terrains municipaux.

S’il existe un portrait assez précis de la forêt urbaine qui se trouve sur l’emprise publique montréalaise, on en sait assez peu sur les arbres qui ornent les terrains privés. Or, c’est en connaissant les espèces qui se trouvent autour de chez soi qu’on peut mieux choisir celles à planter dans sa cour.

Méconnaissance

Lorsqu’on lui demande quelles espèces d’arbres les propriétaires montréalais devraient privilégier pour augmenter la diversité de la forêt urbaine, Alain Paquette, professeur au département des sciences biologiques de l’UQAM, fait un long détour. « Les gens pensent qu’on a une connaissance de la forêt urbaine, mais les inventaires qui sont disponibles partout dans le monde, ce sont les arbres publics, c’est-à-dire les arbres qui sont plantés dans l’emprise publique et qui sont donc sous la responsabilité de la municipalité, affirme le titulaire de la Chaire de recherche sur la forêt urbaine. On ne connaît rien de la forêt privée. La forêt privée, c’est la forêt résidentielle, commerciale, institutionnelle. »

En menant une recherche autour du Complexe des sciences de l’UQAM, son équipe a constaté que la forêt privée est très différente de la forêt publique. « C’est une bonne nouvelle, parce que les gens prennent justement des décisions différentes, ce qui fait que notre forêt est plus diversifiée qu’on le pensait. »

Inventaire en cours

Afin de pousser la recherche, l’équipe dresse actuellement un inventaire des arbres dans un rayon de 200 mètres autour de 25 « placettes » ciblées partout dans la ville. Pour cela, ils ont besoin de la collaboration des résidants de ces secteurs, qui recevront un dépliant informatif les invitant à faire l’inventaire des arbres qui se trouvent sur leur terrain.

Cette connaissance-là est fondamentale pour qu’on puisse aller de l’avant et faire des gestes concrets pour augmenter notre forêt urbaine en quantité et en qualité. Idéalement, les gens devraient ne pas planter la même chose que leurs voisins et que la municipalité.

Alain Paquette, professeur au département des sciences biologiques de l’UQAM

Le chercheur refuse cependant de nommer des espèces. « Les gens qui s’occupent d’aménagement paysager savent qu’il ne faut pas répondre à cette question-là parce que dans les jours et les semaines qui suivent, les ventes de cette espèce explosent et ça va un peu à l’encontre de ce qu’on essaie de faire. On veut augmenter la diversité, on ne veut pas que les gens se lancent sur la dernière nouveauté. »

  • Ici, on peut découvrir une vingtaine d’espèces d’arbres.

    PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

    Ici, on peut découvrir une vingtaine d’espèces d’arbres.

  • Des espèces moins connues, mais adaptées au milieu urbain

    PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

    Des espèces moins connues, mais adaptées au milieu urbain

  • De quoi s’inspirer pour ses propres espaces verts

    PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

    De quoi s’inspirer pour ses propres espaces verts

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Pour s’inspirer, il invite les gens à visiter la forêt urbaine IDENT-CITÉ, inaugurée en 2015 tout près du parc Maurice-Richard et de l’avenue Park Stanley, dans l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville. Aux abords d’un sentier en forme de spirale, le public peut découvrir une vingtaine d’espèces d’arbres, moins connues, mais toutes adaptées au milieu urbain, dont certaines à faible ou moyen déploiement pour les petits espaces.

Consultez le site de la Chaire de recherche sur la forêt urbaine de l’UQAM ArchitecTours : découvrir l’histoire des parcs urbains de Montréal
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    Proportion du territoire de l’agglomération de Montréal occupée par des parcs et espaces verts (2016)
    Source : Plan stratégique Montréal 2030
    14
    Nombre de microforêts qui seront aménagées à Montréal dans le cadre du premier budget participatif de la Ville
    Source : Ville de Montréal