Nous avons tous notre endroit préféré dans la maison. Des gens nous font découvrir leur pièce de prédilection.

Louy Tremblay n’a pas besoin de fermer les yeux pour être transporté par la musique. Dès qu’il s’assoit dans sa salle d’écoute de haute performance, un vinyle sur son tourne-disque, il entreprend un voyage dans le temps et dans l’espace.

« Si je fais jouer un disque de Miles Davis, j’ai l’impression d’être avec lui dans le studio au moment de l’enregistrement. Il est là, devant moi. Et à chaque morceau, je ressens sa colère de l’époque », raconte l’audiophile drummondvillois, grand lecteur féru d’histoire de la musique.

Cette salle d’écoute ferait rêver n’importe quel mélomane. Conçue par un spécialiste, elle offre une expérience musicale sans pareille grâce, notamment, à une chaîne audio de très haute fidélité, alimentée par deux circuits électriques indépendants. L’insonorisation est assurée par des panneaux acoustiques importés d’Ukraine. Et chaque vis des barres résilientes est collée pour éviter toute vibration.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Cette salle d’écoute est vite devenue une attraction pour les amis et un endroit de repos pour le couple.

Sa discothèque, constituée d’un millier de vinyles, repose dans des étagères qui couvrent une partie des murs. Des pochettes d’albums, disposées ici et là, laissent deviner une collection emplie de jazz et de rock progressif. Au-dessus trônent de grandes photos de Frank Zappa et de Roger Daltrey.

« Dès qu’on entre dans cette salle, on sent qu’on est ailleurs », explique Martine Bélanger, l’amoureuse de Louy Tremblay et militaire à la retraite.

La lourde porte fait clic derrière nous, la lumière est tamisée et les musiciens sur les affiches nous regardent. Avec les lampes de l’amplificateur et les tentures derrière les appareils, on a l’impression d’entrer au théâtre. On sait qu’il va se passer quelque chose. C’est comme un rendez-vous !

Martine Bélanger

« On s’enferme et on tripe, confirme Louy Tremblay. On s’assoit et on se laisse aller vers où la musique nous mène. »

L’effet cathartique de la musique

La musique a toujours occupé une grande partie de la vie de Louy Tremblay. D’aussi loin qu’il se souvienne, son père faisait constamment jouer des disques dans la maison. « C’était un peu comme dans le film C.R.A.Z.Y. Mon père chantait sur des airs de Jean Ferrat. »

À l’école secondaire, son univers musical s’est enrichi par la rencontre avec un bibliothécaire qui ne mettait pas seulement des livres entre les mains des élèves, mais aussi des disques. « C’était un genre de Claude Rajotte. Il nous faisait découvrir plein de groupes de rock progressif. On allait ensuite les voir en spectacle au Forum de Montréal », raconte-t-il.

Mais c’est surtout à la suite d’un grave accident automobile, subi à l’âge de 18 ans, que la musique a joué un rôle salutaire, voire cathartique, dans sa vie. Les hanches et les jambes en miettes, Louy Tremblay est resté hospitalisé pendant plusieurs mois avant d’entreprendre une longue réadaptation. La lecture et la musique étaient alors ses seules évasions. C’est là que son esprit s’est mis à voyager au gré de ses découvertes musicales.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Louy Tremblay

Mes prestations d’indemnité de la SAAQ, je les ai passées dans l’achat d’une chaîne audio et de disques. Je ne faisais que ça, lire et écouter de la musique.

Louy Tremblay

« J’ai appris qu’on pouvait revivre l’histoire à travers la musique, dit-il en prenant l’album Quadrophenia, de The Who, à titre d’exemple. C’est l’histoire de la lutte des classes en Angleterre dans les années 1960. C’est terrible. »

Une fois sa convalescence complétée, Louy Tremblay a entrepris de rattraper le temps perdu. Grâce à son emploi d’étudiant dans une boutique de chaînes audio, il a pu se payer tous les billets de spectacle et bâtir la collection de disques de ses rêves.

Réduite en cendres

Sa chère discothèque fut cependant réduite en cendres dans l’incendie de son appartement, à Montréal, à la fin des années 1990. « Je ne voyais pas comment je pourrais la rebâtir », se rappelle l’homme aujourd’hui âgé de 60 ans, retraité de l’industrie du spectacle et du sport.

Un détour du destin l’a toutefois mis sur la route, 10 ans plus tard, à Toronto, d’un pompier retraité et grand amateur de musique. Ce dernier lui a fait don d’une grande partie de ses vinyles. « J’ouvrais les boîtes et les coffrets, et je n’en revenais pas. Je pouvais alors penser à reconstruire une collection. »

C’est cette patiente reconstruction, étendue sur une douzaine d’années, qui a culminé avec la conception d’une salle d’écoute dans la nouvelle maison du couple, bâtie en 2019. Elle est vite devenue une attraction pour les amis et un endroit de repos pour Louy Tremblay et Martine Bélanger.

« Quand la musique part, on se sent immédiatement envahi, enveloppé, transporté, explique cette dernière. La qualité du son va chercher toutes nos émotions. Cette pièce est une oasis. »

Louy Tremblay le confirme. Tout comme il le faisait quand ses amis avaient installé une chaîne audio dans sa chambre d’hôpital, il peut rester des heures à écouter sa musique sans bouger. « Que je fasse jouer Dave Brubeck ou Steve Hackett, j’en ai encore la chair de poule », confie-t-il.

Vous avez également une pièce chouchou dont l’histoire mérite d’être racontée ?

Écrivez à notre collaborateur